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Social
Premières décisions sur la vaccination obligatoire et le passe sanitaire
Elisabeth de Abreu, Marie-Pascale Piot
Alors que le très contesté projet de loi vigilance sanitaire qui a été adopté définitivement, prévoit de maintenir la période transitoire de sortie de crise du 15 novembre 2021 jusqu'au 31 juillet 2022, les décisions les 1ères décisions rendues sur le passe sanitaire et l'obligation vaccinale étaient fortement attendues. Elles ne sont malheureusement pas très conclusives à ce stade.
Le sujet n'est pas neutre puisque, selon la Dares, 14 % des salariés travaillent dans une entreprise où l'ensemble du personnel est concerné par l'obligation vaccinable ou par l'obligation de détenir un passe sanitaire et qu'un quart de ces salariés ont vu leur contrat de travail suspendu.
Rappelons que l'article 12 de la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a dressé la liste des personnes qui doivent être vaccinées pour pouvoir continuer à travailler sauf exceptions (contre-indication médicale reconnue et listée par le décret n°2021-1059 du 7 août 2021).
Elles devaient avoir reçu au moins une dose de vaccin au 15 septembre 2021 et leur schéma vaccinal doit être complet depuis le 15 octobre 2021, au risque, à défaut, de voir leur contrat de travail suspendu. La loi prévoit toutefois des aménagements pour laisser le temps aux salariés de régulariser leur situation (congés, affectation temporaire sur un autre poste, télétravail). Les mêmes textes régissent le cadre du passe sanitaire.
Le Conseil Constitutionnel (Décision n°2021-824 DC du 5 août 2021) avait jugé ces mesures concernant l'obligation vaccinale et le passe sanitaire, conformes à la Constitution : il a ainsi considéré qu'elles poursuivent « un objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé », qu'il s'agit de mesures limitées dans le temps (alors prévues jusqu'au 15 novembre 2021) et qu'elles peuvent s'accompagner de modalités d'adaptation temporaire.
Toutefois, certains salariés ayant refusé de respecter leurs obligations, plusieurs recours en justice ont été déposés et les juges ont rendu leurs premières décisions.
S'agissant de l'obligation vaccinale, aucune tendance ne peut encore être dégagée
Les juridictions civiles et administratives ne rendent pas, à ce stade, de décisions uniformes.
Le CPH de Saint-Brieuc (2 Ordonnances de référés du 12.10.21) et le CPH de Troyes (Ordonnance de référés du 05.10.21) ont interdit de façon préventive à un employeur de suspendre le contrat de travail de salariés non vaccinés et accepté de transmettre la QPC suivante à la Cour de cassation : « Les dispositions de l'article 14-2 de la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 relatives à la gestion de la crise sanitaire sont-elles contraires au préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 qui rappelle l'engagement de la France de respecter ou faire respecter l'ensemble des conventions internationales en ce que les conventions internationales font interdiction à tout pays signataire de priver tout travailleur quel qu'il soit d'une rémunération, d'une protection sociale par différents artifices et notamment une suspension arbitraire du contrat de travail ? ».
Au contraire, des Tribunaux administratifs ont refusé de transmettre une QPC et ont validé la suspension des contrats de travail :
- Le TA de Grenoble (Ordonnance de référés du 05.10.21) a jugé que la suspension est « une mesure prise dans l'intérêt de la sécurité sanitaire et n'a donc pas le caractère d'une sanction disciplinaire ».
- Le TA de Versailles (Ordonnance de référés du 13.10.21) a décidé que « Le seul fait que l'agent se retrouvait privé de sa rémunération du fait de la décision en cause ne pouvait suffire, à lui seul, pour justifier l'existence d'une situation d'urgence alors que cette perte de rémunération procédait directement et exclusivement du refus de l'agent de se soumettre à l'obligation vaccinale contre la Covid-19 et que l'agent ne fournissait aucun motif à ce refus ».
- Le TA de Besançon (Ordonnance de référés du 11.10.21), dans une affaire impliquant un salarié non vacciné mais en arrêt de travail, a conclu : « lorsque des fonctionnaires bénéficiaient, à la date du 15 septembre 2021, d'un congé de maladie ordinaire mais n'ont pas justifié, à cette même date, avoir satisfait à l'obligation vaccinale contre la Covid 19 alors qu'ils y sont soumis, l'administration a le droit de les suspendre de leurs fonctions et d'interrompre le versement de leur rémunération ».
Toutefois, le CPH de Clermont-Ferrand (Ordonnance de référés du 29.10.21) a rappelé que l'article 12 de la loi du 5 août 2021 prévoit une liste de personnes devant être vaccinées « sauf contre-indication contraire » et qu'en l'espèce, la salariée n'en apporte pas la preuve. La suspension du contrat de travail est donc justifiée.
Et le TA de Lyon (3 ordonnances de référés du 25 octobre 2021) a émis un « doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige », à savoir l'obligation vaccinale des employés de la cuisine centrale d'un hôpital (bâtiment annexe situé à l'extérieur de l'hôpital). Il a suspendu la décision de l'employeur, car la condition d'urgence justifiant la levée provisoire de la suspension est remplie dès lors que l'agent, qui « fait état des charges qui pèsent sur son ménage », est privé de ses revenus d'activité.
Passe sanitaire
Dans une affaire portée devant le Tribunal Judiciaire de Fort-de-France (Ordonnance de référés du 18.10.21), le directeur d'un CHU assigne plusieurs syndicats pour faire cesser leurs manifestations devant les sites du CHU, qui perturbent ou empêchent le contrôle du passe sanitaire par les agents de sécurité. Il souligne que l'impossibilité de contrôler les passes « est susceptible d'engager sa responsabilité » et qu'elle « porte atteinte à la santé et à la sécurité des salariés et des usagers » du CHU. Il plaide également la désorganisation occasionnée par les effets des « menaces et intimidations » exercées par les manifestants sur la liberté de travailler du personnel.
Le TJ rappelle que si l'exercice de la liberté syndicale de manifester et de la liberté d'expression syndicale est protégé par la Constitution, il « peut dégénérer en abus s'il porte atteinte à d'autres droits fondamentaux » comme la liberté du travail, la liberté d'aller et venir, la sécurité des autres agents ou usagers ou s'il « risque d'entraîner une désorganisation réelle et grave de l'entreprise ou de l'établissement public employeur ». Le TJ décide que ces manifestations, attestées par des constats d'huissier « excèdent le droit à l'exercice de la liberté syndicale de manifester » et que les « insultes et intimidations proférées excèdent quant à elles le droit à une libre expression syndicale ».
Par ailleurs, le Conseil d'Etat (Ordonnance de référés du 29.10.21) a suspendu l'exécution du décret n°2021-699 du 14 octobre 2021, qui a supprimé les autotests, y compris réalisés sous la supervision de professionnels de santé, de la liste des tests justifiant l'absence de contamination par le Covid. Il considère que la mesure n'est pas justifiée, « alors que son coût moindre permettrait de compenser une partie des conséquence financières de l'arrêté mettant fin à la prise en charge systématique par la sécurité sociale des examens de dépistage ou des tests de détection du Sars-Cov-2 » ; et qu'elle est susceptible « d'accroître la charge financière que représente la fin de la prise en charge des tests (...) pour les personnes concernées, en particulier pour celles qui doivent justifier régulièrement de leur absence de contamination à la Covid-19 pour exercer leur activité professionnelle ».
En revanche, le Conseil d'Etat ne considère pas que le fait de subordonner certaines activités à l'obligation de détenir un passe sanitaire constitue une obligation disproportionnée, au regard de l'atteinte aux libertés d'aller et venir, d'exercer un travail et par rapport aux objectifs de santé publique (accès gratuit au vaccin, évolution du contexte sanitaire et de la charge financière de la gratuité des tests).
A suivre donc …
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