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Les principales mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 intéressant les DRH
Marie-pascale Piot
Adoptée par les députés le 3 décembre 2019 et soumise à l'examen par le Conseil constitutionnel qui a rendu sa décision le 20 décembre 2019[1], la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 (LFSS 2020) a été publiée au Journal Officiel du 27 décembre[2]. Les RH devront porter une attention particulière aux conditions de mise en place de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat qui, si elle est pérennisée, doit respecter des conditions strictes nouvelles pour bénéficier des exonérations sociales et fiscales.
La prime exceptionnelle de pouvoir d'achat se pérennise
Mise en place pour la première fois en décembre 2019 en réponse au mouvement des gilets jaunes dans une loi portant mesures d'urgence économiques et sociales[3], la prime « Macron » est reprise dans la LFSS 2020 avec quelques modulations :
Avantage | Prime exonérée d'impôt sur le revenu et de cotisation sociale ou contribution, dans la limite de 1 000 euros par bénéficiaires. |
Bénéficiaires | Salariés liés à l'entreprise par un contrat de travail, aux intérimaires mis à disposition de l'entreprise utilisatrice (celle-ci informant l'ETT) ou aux agents publics relevant de l'établissement public, à la date de versement de la prime et dont la rémunération est inférieure à 3 SMIC[4] (sur les 12 mois précédant son versement). |
Conditions | - la prime ne doit se substituer à aucun élément de rémunération - l'employeur doit mettre en place, avant le 30 juin 2020, un accord d'intéressement portant sur une période d'un à trois ans (cette condition n'est pas nécessaire pour les associations et fondations à but non lucratif reconnues d'utilité publique qui poursuivent un but d'intérêt général et qui sont autorisées à recevoir des dons ouvrant droit à réduction d'impôt) - le montant de la prime est fixé par l'accord ou la décision unilatérale mais ne peut être modulé qu'en fonction de la rémunération, du niveau de classification, de la durée de présence effective pendant l'année écoulée ou la durée de travail prévue au contrat de travail. |
Date de versement | Avant le 30 juin 2020 |
Modalités de mise en place |
Accord de groupe ou d'entreprise (conclu selon les modalités d'un accord d'intéressement) ou décision unilatérale ayant fait l'objet d'une information au CSE le cas échéant. |
Limitation de l'impact du bonus-malus sur la réduction Fillon : une des mesures phares de la loi censurée par le Conseil constitutionnel
En effet, dans l'objectif de limiter le recours à certains contrats précaires (contrats de très courte durée) dans le cadre de la réforme de l'assurance chômage, le décret du 26 juillet 2019 prévoit la modulation du taux de la contribution chômage due par les entreprises d'au moins onze salariés intervenant dans certains secteurs d'activité : dispositif du bonus-malus. Tout est d'ailleurs prêt pour la mise en place de cette mesure au 1er janvier 2021. Le ministère du travail a récemment mis en ligne un simulateur bonus-malus (« outil à la disposition de votre entreprise pour anticiper le taux de contribution d'assurance chômage modulé par le bonus-malus »)[5].
Dans ce contexte, la loi de financement pour 2020 devait permettre de déconnecter l'évolution du taux de la contribution chômage au titre du bonus-malus (évolution du taux à la hausse ou à la baisse) des modalités de calcul des allégements de cotisations sociales (« réduction Fillon »), en retenant un taux de droit commun fixe. Cette mesure visait à éviter un double effet du dispositif : effet d'aubaine ou double peine selon les circonstances.
Le Conseil constitutionnel censure toutefois cette mesure en considérant qu'elle est propre à l'assurance chômage et dépourvue d'effet sur les comptes de la Sécurité sociale. Elle n'a donc pas vocation à entrer dans le champ d'application d'une loi de financement de la sécurité sociale.
Souplesses apportées à certains congés familiaux
Le congé de proche aidant permet de cesser temporairement son activité professionnelle pour s'occuper d'une personne handicapée ou faisant l'objet d'une perte d'autonomie d'une particulière gravité en bénéficiant d'une allocation journalière de proche aidant, versée pensant trois mois maximum.
Il était jusqu'alors soumis notamment à une condition d'ancienneté. La LFSS supprime cette condition.
Le congé de présence parentale permet également de suspendre son activité pour s'occuper d'un enfant à charge dont l'état de santé nécessite une présence soutenue et des soins contraignants. Le salarié bénéficie, sous conditions, dans ce cadre, d'une réserve de 310 jours maximum, en fonction de ses besoins, dans la limite maximale de trois ans.
La LFSS pour 2020 apporte plus de souplesse aux modalités de prise des congés et permet, avec l'accord de l'employeur, de fractionner le congé en demi-journées ou de l'utiliser dans le cadre d'une activité à temps partiel. Le montant de l'allocation de présence parentale à laquelle les bénéficiaires peuvent prétendre sera modulé en conséquence.
Ces mesures sont soumises à la publication d'un décret et entreront en vigueur au plus tard, le 30 septembre 2020.
Simplification des démarches administratives
Le texte comprend également quelques mesures visant à simplifier les démarches administratives des employeurs ou travailleurs indépendants (dématérialisation de l'ensemble des échanges entre organismes et employeurs et, notamment, du paiement des cotisations et contributions sociales dès le 1er janvier 2020 ; fusion des déclarations sociale et fiscale des travailleurs indépendants à partir de 2021 ; etc.).
Autres textes
En marge de la loi, mais directement en lien avec celle-ci, le plafond de la Sécurité sociale pour 2020 a été fixé par arrêté du 2 décembre 2019[6] :
Plafond mensuel de la sécurité sociale pour 2020 | 3.428 € |
Plafond journalier de la sécurité sociale pour 2020 | 189 € |
Ce qui portent le plafond annuel (PASS) à 41.136 euros et les limites régulièrement utilisées dans le cadre des licenciements (limites d'exonération) à 82.272 euros (2 PASS) et 246.816 euros (6 PASS).
D'autres textes d'importance ont été publiés dans les derniers jours de décembre, certains s'appliquant dès le 1er janvier 2020 :
- la Loi d'orientation des mobilités[7] prévoit notamment une prise en charge par l'employeur, assortie d'un régime social et fiscal favorable, de certains frais engagés par les salariés pour leur trajet domicile-lieu de travail dans le cadre d'un « forfait mobilités durables » (utilisation d'un cycle personnel, covoiturage, etc.) ;
- les décrets relatifs aux seuils d'effectif, parus au JO du 1er janvier 2020[8], viennent préciser les dispositions de la Loi PACTE et notamment apporter une définition aux catégories de personnes à inclure dans le calcul de l'effectif d'une entreprise et les modalités de leur décompte.
Enfin, certains projets de textes envisagés devraient comporter des mesures intéressant les directions des ressources humaines, notamment le projet de loi portant diverses mesures d'ordre social[9] et, bien sûr, la réforme de la retraite de base[10]. Les acteurs des ressources humaines restent soumis à une obligation de vigilance sur l'évolution constante de la matière …
[1] Cons. const., 20 décembre 2019, n° 2019-795 DC, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2020
2 Loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020, publiée au Journal Officiel du 27 décembre 2019
[3] Loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018
[4] Le SMIC est revalorisé au 1er janvier 2020 (Décret n° 2019-1387 du 18 décembre 2019 portant relèvement du salaire minimum de croissance) et s'élève à 1 539,42 euros par mois sur la base de la durée légale du travail de 35 heures hebdomadaires.
[5] https://travail-emploi.gouv.fr/emploi/bonus-malus/article/simulateur-pour-les-entreprises
[6] JORF n°0280 du 3 décembre 2019
[7] Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019
[8] Décret n° 2019-1586 du 31 décembre 2019 relatif aux seuils d'effectif et Décret n° 2019-1591 du 31 janvier 2019 relatif à certains seuils d'effectif figurant dans le code général des collectivités territoriales, le code des transports et le code du travail.
[9] Projet de loi ratifiant diverses ordonnances prévues par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et portant diverses mesures d'ordre social présenté en Conseil des ministres le 13 novembre 2019.
[10] A date, il est prévu que le projet de loi relatif à la création du système universel de retraite soit présenté en Conseil des ministres en janvier 2020 et discuté à l'Assemblée nationale fin février 2020.