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La preuve de difficultés économiques, une condition à l'imposition par l'employeur de la prise de RTT dans le contexte Covid ?
Marie Ballenghien
La Cour d'appel de Paris a jugé dans un arrêt du 1er avril 2021 que le fait, pour un employeur, d'imposer la prise de 10 jours RTT/jours placés sur le compte épargne temps dans le contexte de la pandémie de Covid-19, sans justifier de difficultés économiques, constituait un trouble manifestement illicite[1].
Selon la Cour, l'ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020 « prévoit expressément et clairement que la prise des mesures dérogatoires ne peut intervenir que lorsque l'intérêt de l'entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19 ». En conséquence, il appartenait aux sociétés « de rapporter la preuve des difficultés économiques liées à la propagation du Covid-19 ». Au cas d'espèce, selon les juges, ces difficultés ne sont pas caractérisées par les simples mesures d'adaptation mises en avant par le groupe (nécessité d'aménager les espaces de travail et d'adapter le taux d'occupation des locaux en raison des conditions sanitaires).
Une telle interprétation de l'ordonnance est discutable et discutée : à la lecture de ladite ordonnance, il n'est en effet pas certain que la démonstration de difficultés économiques s'impose aux entreprises, le texte ayant été pris afin d'accompagner les entreprises dans le contexte sanitaire exceptionnel de la pandémie.
Le Tribunal judiciaire avait d'ailleurs estimé qu'il n'y avait pas lieu d'effectuer une appréciation des difficultés au cas par cas pour chacune des entreprises qui se prévaudraient du dispositif, et souligné que l'ordonnance l'ayant instauré avait été autorisée par la loi d'urgence n°2020–290 du 23 mars 2020 pour « faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid–19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation ».
La décision de la Cour d'appel de Paris est donc étonnante au regard de l'esprit de la loi d'urgence et des ordonnances subséquentes.
Il est en outre relevé que l'action ayant été intentée par un syndicat, la Cour n'ordonne pas aux sociétés de rétablir les salariés impactés dans leurs droits en recréditant les jours imposés, s'agissant de mesures individuelles qui ne relèvent pas de l'intérêt collectif de la profession. Elle se contente d'allouer une indemnité de 6.000 euros au syndicat appelant au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Un pourvoi en cassation a été formé contre cette décision.
A ce jour, il existe donc une incertitude quant à la nécessité, pour un employeur qui envisage d'imposer aux salariés de prendre certains jours de repos, de démontrer les difficultés économiques qui l'y conduisent.
A noter que le projet de loi nº 4105 relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire, enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 avril 2021, prévoit de prolonger jusqu'au 31 octobre 2021 les conditions dérogatoires de prise des jours de repos.
Une clarification sur la nécessité, ou non, de justifier de difficultés économiques pour ce faire serait donc bienvenue.
1Cour d'appel de Paris, Pôle 6, Chambre 2, 1er avril 2021, RG 20/12215
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