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Juridique

Protocole de la Chambre du Contentieux international du Tribunal de commerce de Nanterre : quel intérêt pour les entreprises ?

06/03/2020

Caroline Mercier-Havsteen

Le 16 décembre 2019, le président du Tribunal de commerce de Nanterre et le Bâtonnier du Barreau des Hauts-de-Seine ont signé le « Protocole relatif à la Chambre du Contentieux International du Tribunal de commerce de Nanterre ».

Ce protocole a pour premier objectif de rétablir cette Chambre spécialisée en contentieux international au sein du Tribunal de commerce de Nanterre en en précisant les conditions de fonctionnement. La rédaction du protocole, menée de manière concertée entre juges consulaires spécialisés dans les contentieux internationaux et plusieurs membres du Barreau ayant une activité contentieuse internationale, s'attache à clarifier certains aspects pratiques et adopte une approche pragmatique. Il s'inscrit dans un mouvement global destiné à offrir aux entreprises confrontées à des contentieux internationaux un accès facilité à des chambres spécialisées et contribue ainsi à une meilleure attractivité de la Région parisienne, ceci en pleine complémentarité avec la Chambre internationale du Tribunal de commerce de Paris. Ce protocole permet en effet aux parties qui ont, soit déjà choisi de désigner le Tribunal de commerce de Nanterre comme juridiction compétente dans leur contrat, soit qui souhaitent le choisir à raison par exemple du siège de l'une d'entre elles au sein des Hauts-de Seine, d'avoir une vision claire des modalités de fonctionnement de cette Chambre.

Ce protocole vient préciser (i) la nature des contentieux susceptibles d'être examinés par la Chambre et (ii) apporte des précisions sur l'organisation et le déroulé de la procédure sans bien évidemment déroger aux textes législatifs ou réglementaires applicables en la matière.

Nature des contentieux pouvant être examinés par la Chambre

S'agissant de la nature des contentieux, l'article 1 renvoie à l'internationalité du litige et précise que les domaines économiques susceptibles d'être examinés sont notamment les transports, assurances, droit des sociétés, finance et banque, construction, publicité et médias, équipements et matériels, agro-alimentaire, négoce international, énergie, santé et pharmacie, informatique, technologies digitales, blockchain.

Le protocole fait donc le choix de proposer un périmètre large aux entreprises en termes d'accès à cette Chambre. Aucun domaine n'étant expressément exclu, la compétence de la Chambre est donc vaste.

Modalités d'accès et de fonctionnement de la Chambre

Le protocole prévoit en son article 1 que le renvoi à cette Chambre peut se faire :

- en présence d'une clause contractuelle faisant attribution de juridiction à cette Chambre ;

- pour tous autres contentieux au fond de nature économique et commerciale pour lesquels le tribunal de commerce de Nanterre est compétent et présentant un caractère international notamment lorsqu'une partie au moins est de nationalité étrangère ou que le litige implique l'application d'un droit étranger ou d'une convention internationale. Dans ce cas, l'accord des parties est nécessaire.

Les parties qui souhaiteraient ainsi que leur contentieux soit examiné par la Chambre internationale ont donc tout intérêt à insérer une clause attributive de compétence manifestant leur volonté de voir attribuer spécifiquement leur contentieux à cette Chambre.

Le protocole prévoit par ailleurs qu'en matière de référé, le juge des référés pourra renvoyer l'affaire devant un juge de la Chambre du Contentieux International statuant en référé quand le litige présente des caractéristiques de dimension internationale.

Intérêt pour les parties de voir leur contentieux traité par cette Chambre :

Les parties peuvent avoir intérêt à confier leur contentieux à cette Chambre pour différentes raisons tenant principalement :

- à la langue dans laquelle les principaux documents et pièces du litige sont rédigés ;

- à la nécessité de faire témoigner des individus, parties, tiers, experts dans une langue étrangère ;

- à la nature des questions soulevées par le litige (demandes principales ou accessoires soumises à un droit étranger en vertu du contrat ou en vertu de règles de conflits de loi).

En effet, lorsque les documents sont majoritairement rédigés en anglais, la partie demanderesse se trouve toujours confrontée à la nécessité de traduire en amont de la délivrance de l'assignation des documents intégralement ou partiellement. Il peut en résulter un coût et un temps très importants consacrés à la traduction mais également un risque que la partie adversaire conteste dès son premier jeu d'écritures la traduction proposée alors même qu'un traducteur assermenté est intervenu et que le nœud du contentieux peut être ailleurs.

Le protocole prévoit à cet égard que « les pièces en langue anglaise peuvent être versées aux débats sans traduction ».

En cas de difficulté sur l'interprétation d'une clause ou d'un document, il est bien prévu que « la formation de jugement se réserve le droit de demander une traduction jurée […] et ce, aux frais avancés par la partie l'ayant versée aux débats ».

Concernant les témoignages, le protocole prévoit que « les témoins […] sont autorisés à s'exprimer en anglais ou dans la langue étrangère autorisée par la formation de jugement. Leur audition, à la discrétion de la formation de jugement ou du juge chargé d'instruire l'affaire, peut être effectuée en anglais ou dans une autre langue étrangère ». Le préambule du protocole insiste d'ailleurs sur la preuve testimoniale en indiquant que la « chambre du contentieux international […] adopte des méthodes de jugement adaptées, faisant largement appel à l'usage de la langue anglaise et à la preuve testimoniale […] dans le respect et avec la garantie des dispositions du code de procédure civile français ».

Ainsi, la preuve testimoniale est mise à l'honneur par le protocole. Ce mode de preuve est évidemment autorisé et réglementé par le code de procédure civile aux articles 206 et suivants mais il reste rarement utilisé par les juridictions civiles. Ce faisant, le protocole insiste sur ce mode de preuve en y faisant expressément référence, ce qui conduira sûrement à une recrudescence de son utilisation, notamment dans certains contentieux particuliers.

En outre, le protocole prévoit la possibilité d'avoir recours à un système de visioconférence, à la demande des parties et avec l'accord de la formation de jugement, pour les témoignages et auditions.

Ce recours est également prévu à l'article 747-1 du code de procédure civile mais s'inscrit dans le cadre des commissions rogatoires transmises en vertu de la Convention de la Haye du 18 mars 1970 sur l'obtention des preuves à l'étranger en matière civile et commerciale.

Ainsi, cette possibilité, s'appliquant à toute procédure dans le cadre du protocole, permet aux parties de disposer d'une certaine liberté probatoire et de moyens pratiques et modernes rendant le recours à cette Chambre très attractif dans le cadre de contentieux internationaux.

Compte tenu de ces deux modalités d'admission des preuves en langue anglaise (admission des documents sans traduction obligatoire et témoignages par vidéoconférence), la Chambre du Contentieux international peut être une alternative intéressante pour les parties ayant recours habituellement dans leurs contrats à des clauses compromissoires. En effet, le recours à l'arbitrage et à certains centres d'arbitrage en particulier, est souvent lié (mais pas uniquement) à la capacité des arbitres choisis à pouvoir prendre connaissance de documents en langue anglaise, à pouvoir entendre et interroger des témoins dans cette même langue.

Or il arrive que les parties réalisent que si l'arbitrage est sans doute approprié compte tenu de l'enjeu du contrat dans sa globalité, le litige particulier survenu ne mérite pas nécessairement la mise en place d'un arbitrage avec les coûts qui y sont associés. La plupart des barèmes de centres d'arbitrage tiennent bien évidemment compte de l'enjeu du litige, mais le « coût minimal d'entrée » reste souvent important. Bien sûr, pour une des parties, ce coût peut être un bon levier de négociations pour trouver une solution amiable. Il n'en demeure pas moins qu'en termes d'accès au juge, cette solution n'est pas pleinement satisfaisante pour l'entreprise justiciable qui doit se résoudre à un accord conclu dans des conditions éventuellement déséquilibrées.

Ainsi, lorsque la confidentialité (garantie offerte par l'arbitrage) n'est pas indispensable, prévoir que certains litiges sont, eu égard aux montants en jeu par exemple, soumis à la Chambre du Contentieux international du Tribunal de commerce peut être tout à fait intéressant.

Rappelons par ailleurs que les juges consulaires ont une expérience professionnelle leur permettant de disposer d'une bonne connaissance sectorielle comme certains arbitres choisis pour leur maîtrise de l'environnement de l'entreprise ou du secteur concerné.

L'esprit du protocole signé n'est néanmoins pas de simplement constituer une alternative à l'arbitrage mais de véritablement offrir aux justiciables une chambre spécialisée pour tout type de contentieux international quel que soit l'enjeu du litige. Il peut donc s'agir de litiges complexes avec des enjeux importants lorsqu'une partie a fait le choix de ne pas recourir à l'arbitrage pour des raisons diverses (notamment de transparence et d'accessibilité de la décision rendue) mais également de litiges avec des enjeux plus modestes mais présentant des particularités liées à l'internationalité du litige.

Les praticiens du contentieux international ont donc tout intérêt à s'emparer de cette possibilité de recourir à la Chambre du Contentieux international et doivent conseiller leurs clients sur cet aspect en fonction des enjeux et des spécificités des contrats concernés.

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