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Juridique
Négociations annuelles 2021 : Points de vigilance
Marie-Pierre Bonnet-Desplan, Morgane Gandaubert
Alors que la période des négociations commerciales et de la préparation des conventions annuelles s'ouvre, les acteurs concernés doivent être attentifs aux actualités législatives, réglementaires et jurisprudentielles qui se succèdent en cette fin d'année.
La loi d'accélération et de simplification de l'action publique, dite loi « ASAP »
La loi ASAP a été définitivement votée par le Parlement 28 octobre dernier, mais est actuellement en cours d'examen par le Conseil Constitutionnel. Sous cette réserve, le texte serait applicable aux négociations 2021.
Cette loi ASAP apporte son lot de nouveautés :
- Les pénalités logistiques : trois pratiques sont visées[1] :
- Imposer des pénalités disproportionnées au regard de l'inexécution d'engagements contractuels,
- Procéder au refus ou retour de marchandises,
- Déduire d'office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d'une date de livraison, à la non-conformité des marchandises,
lorsque la dette n'est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant.
Les sanctions peuvent être : (i) l'action en responsabilité, (ii) une amende civile d'un montant maximum de 5 millions d'euros ou du triple du montant des avantages ou de 5% du CA HT français et (iii) la nullité des clauses ou du contrat visé.
- Les accords internationaux : ils doivent désormais figurer dans la convention annuelle. Un 4° item est ajouté à l'article L.441-3, III du code de commerce. Ainsi, outre les remises, ristournes, services de coopération commerciale et autres services, la convention fixe l'objet, la date, les modalités d'exécution, la rémunération et les produits concernés au titre de de « tout service ou obligation relevant d'un accord conclu avec une entité juridique située en dehors du territoire français, avec laquelle le distributeur est directement ou indirectement lié ».
Pour rappel, la non-conformité des conventions annuelles est sanctionnée par une amende administrative, prononcée par l'administration, dont le montant ne peut excéder 375 000 € et jusqu'à 750 000€ en cas de réitération[2].
- Le dispositif d'encadrement des promotions des produits alimentaires : Mis en place en 2018[3], il est prorogé par la loi ASAP pour deux années supplémentaires, jusqu'au 15 avril 2023. Le dispositif est cependant modifié sur un point : une dérogation possible pour les produits saisonniers au plafond des 25% de volume des produits pouvant être vendus en promotion. Un arrêté ministériel doit venir fixer la liste des produits pouvant bénéficier de cette dérogation.
Le respect du formalisme des conventions annuelles et factures :
L'Administration économique contrôle effectivement le respect de ces exigences formelles et a récemment sanctionné quatre distributeurs à de lourdes amendes[4], plusieurs millions d'euros, pour non-respect des règles applicables aux négociations annuelles s'agissant du respect de la date butoir de signature au 1er mars.
Les indicateurs – produits alimentaires et agricoles :
Pour rappel, les conventions annuelles, conditions générales de vente et autres contrats portant sur l'achat de produits comprenant des produits agricoles ou alimentaires doivent faire référence à des indicateurs de prix publiés. Nous constatons la difficulté de mise en œuvre de ce texte. Il semble que l'administration entende cette année contrôler cette exigence, affirmant toutefois qu'elle s'attacherait à relever les seuls abus.
Les délais de paiement :
Nous constatons que les contrôles sur ce sujet s'intensifient et les amendes sont lourdes. Pour rappel, le montant de l'amende a été porté à 2 millions d'euros, doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans[5], et accompagné d'une publication[6].
Le déséquilibre significatif[7] :
Les actions sur ce fondement sont de plus en plus fréquentes, qu'elles soient engagées par les entreprises s'en estimant victimes ou par le Ministre de l'économie alors même que des entreprises victimes ne se sont pas manifestées[8]. La jurisprudence sur ce sujet abonde désormais et touche tous les types de contrats. Les tribunaux sont désormais appelés à évaluer le caractère significativement déséquilibré de toutes clauses et pratiques.
Les sanctions peuvent être d'ordre pécuniaire (amende civile de 5 millions d'euros ou triple du montant des avantages indument perçus ou 5% du chiffre d'affaires HT français lors du dernier exercice clos) mais également entrainer la nullité du contrat ou de la clause déséquilibrée.
Une attention particulière doit donc être portée aux contrats, notamment aux contrats-types et autres conditions générales.
Enfin, le commerce électronique connaît son lot de nouveautés suite à l'adoption le 18 novembre dernier de la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne, dite loi DADUE, pour laquelle le Conseil constitutionnel pourrait encore être saisi avant sa promulgation. Nous aurons l'occasion de revenir bien entendu sur ces mesures dans un prochain article.
[1] Art. L.442-1, I C.Com. modifié
[2] Art. L.441-6 C.Com.
[3] Voir notre article « Les promotions sur les produits alimentaires et les aliments pour animaux de compagnie sont désormais limitées en valeur et en volume », Marie-Pierre Bonnet-Desplan
[4] DGCCRF - Sanctions administratives pour manquements au formalisme contractuel
[5] Art. L.441-16 C.Com.
[6] Art. L.470-2 C.Com.
[7] Art. L.442-1, I C.Com.
[8] Cass. Com. 30 sept. 2020, n° 18-25.204 et n° 18-11.644, inédit