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Juridique

Les rabais permanents sur internet : une tromperie des consommateurs et une concurrence déloyale bientôt de nouveau encadrée

17/09/2021

Marie-Pierre Bonnet-Desplan

Par un arrêt du 29 juin, la cour d'appel de Paris a condamné plusieurs sites allemands à cesser leurs pratiques de rabais permanents sur internet, rappelant au passage que celles-ci doivent être constatées par huissier et ne peuvent être démontrées par captation d'écran ou par consultation en directe lors de l'audience. Pour faire face au développement de telles pratiques, la Commission européenne a d'ailleurs décidé le retour prochain au prix de référence règlementé, la France n'ayant plus que trois mois pour transposer ces nouvelles règles.

Les sites internet proposant des produits à prix promotionnel et ce de manière permanente sont pléthore. Le prix réduit est un des meilleurs moyens d'attirer le chaland. Quant à la réalité de l'avantage pour le consommateur, il est moins évident. Cet avantage devrait résulter de l'économie que réalise le consommateur en achetant « moins cher », c'est-à-dire de la différence entre le prix réduit qui lui est proposé et le vrai prix du produit. Or quel est ce vrai prix ? Notamment quel est-il lorsque sur un même site les périodes de promotion sur un même produit s'enchainent ?

Une affaire jugée le 29 juin 2021 par la cour d'appel de Paris, concernant des sites de vente de pièces détachées pour l'automobile, illustre bien le sujet[1].

Plusieurs sociétés de droit allemand exploitent 14 sites internet de e-commerce proposant des pièces détachées à destination de tous les pays européens, dont la France. Les sites proposaient des promotions de manière continue dans le temps sur tous les produits qu'ils vendaient et sept de ces sites présentaient en page d'accueil un compte à rebours correspondant à l'écoulement du temps restant pour bénéficier des promotions annoncées.

Un concurrent français éditant également un site internet de vente au détail de pièces détachées automobiles a estimé que ces pratiques étaient déloyales, trompeuses et faussaient la concurrence et a saisi le juge des référés afin de les faire cesser.

Comme le tribunal, la cour d'appel confirme le caractère trompeur de la pratique. La décision est l'occasion d'attirer l'attention sur un autre point : seul le constat d'huissier permet de prouver de manière efficace les contenus diffusés sur internet.

L'illicéité de la pratique de rabais permanents ?

La pratique des rabais permanents est fréquente sur internet. Un produit est proposé sous un prix présenté comme réduit par rapport au « vrai » prix du produit, lequel est parfois annoncé dans la promotion, souvent sous forme de prix barré, parfois n'est pas même indiqué. La réalité de l'avantage promotionnel pour le consommateur résulte pourtant de la pertinence de ce prix de référence.

Ce prix de référence dans les publicités a longtemps été règlementé en France comme devant être, sous quelques exceptions, le prix le plus bas pratiqué au cours des 30 jours précédant le début de la promotion. A la faveur de la Directive de 2005 sur les pratiques déloyales[2], ce cadre contraint a disparu de notre Droit, chaque opérateur prenant la responsabilité de sa pertinence et de sa justification. La liberté n'a eu qu'un temps avec un retour à une norme précise opéré par la Directive du 27 novembre 2019[3].

Cette affaire de promotions à caractère permanent illustre bien ce besoin de cadre.

En l'absence de règlementation précise, l'éditeur des sites aurait pu s'appuyer pour se justifier sur d'autres réalités, telle que celle d'un prix communément pratiqué par les concurrents et reconnu sur le marché, si tant est qu'il existe. Ce ne fut pas le cas en l'espèce : « ...les sociétés éditrices n'ont dans le cadre du litige les opposant à la société M.A. à aucun moment justifié des prix de référence sur la base desquels les réductions proposées ont été effectivement pratiquées. ». La Cour d'appel confirma la décision du juge des référés ayant ordonné aux sociétés éditrices de cesser « toute annonce de réduction de prix immédiatement successive à une autre, sans qu'un prix de référence soit pratiqué sur une période au moins égale à la période de promotion précédente ». Elle ajouta même un autre élément constitutif de pratique trompeuse, le compte à rebours : « En outre, ce même consommateur peut constater sur certains des sites la présence d'un compte à rebours l'incitant à prendre rapidement une décision pour acheter le produit, dispositif dont le caractère récurrent et permanent est manifeste sur ces sites… ». La cour confirma donc le jugement en ce qu'il a qualifié les pratiques de promotions permanentes par le prix de pratiques commerciales trompeuses au sens de des articles L. 121-2 à L. 121-4 du code de la consommation, y ajoutant celle, dans le contexte de l'affaire, du compte à rebours.

La preuve des pratiques sur internet

Il est à noter dans cette affaire que la Cour a retenu les seules pratiques ayant fait l'objet d'un constat d'huissier et a rejeté celles présentées par le concurrent par de simples captations d'écran :

« De simples captures ou impressions d'écran ne peuvent …, à elles-seules, constituer un mode de preuve suffisamment probants pour attester des pratiques alléguées, dès lorsqu'elles comportent pas de garanties suffisantes quant à la fiabilité de leurs contenus et de leurs dates, faute notamment de permettre de garantir l'identification de l'adresse IP de l'ordinateur ayant servi aux opérations de constat, l'assurance d'une connexion directe entre l'ordinateur et le site visité, la suppression de l'ensemble des fichiers temporaires stockés sur l'ordinateur, des cookies et de l'historique de navigation. Ainsi, en l'absence d'autres éléments, de telles captures d'écran ne permettent pas de garantir l'absence de modification réalisée entre la consultation du site et l'impression de pages qui en sont issues. »

Les constatations effectuées en direct par le tribunal lors de l'audience sont également rejetées :

« En outre, si le président du tribunal de commerce pouvait lors de l'audience qui s'est tenue devant lui le 30 juin 2020 procéder lui-même et immédiatement à une vérification personnelle par une consultation des sites internet litigieux, les parties étant présentes ou représentées lors de cette audience, ces constatations n'ont pas été consignées dans un procès-verbal et il ne résulte pas des mentions de l'ordonnance qu'elles ont donné lieu à un échange contradictoire de telle sorte que les motifs qui s'appuient sur les constatations personnelles du juge ne peuvent être retenues au titre de la preuve des pratiques alléguées à cette date. »

Le retour au prix de référence règlementé

Le sujet des promotions permanentes sur internet et des prix de référence « fantaisistes » largement constatés est apparu comme suffisamment sensible pour justifier une entorse au principe posé par la Directive de 2005 selon lequel le caractère déloyal et éventuellement trompeur ou agressif s'apprécie in concreto sans règle précise de validité. La Commission européenne a donc proposé de revenir à une définition stricte du prix de référence et relativement aisée à contrôler. Il s'agit du prix antérieur appliqué par le professionnel pendant une durée déterminée avant l'application de la réduction de prix.

Bien sûr cette règle devra être adaptée à diverses situations. Ainsi, la Directive du 27 novembre 2019 invite-t-elle les Etats membres à transposer dans leurs droits respectifs, au plus tard le 28 novembre 2021, les principes suivants :

« 1. Toute annonce d'une réduction de prix indique le prix antérieur appliqué par le professionnel pendant une durée déterminée avant l'application de la réduction de prix.

2. Le prix antérieur désigne le prix le plus bas appliqué par le professionnel au cours d'une période qui n'est pas inférieure à trente jours avant l'application de la réduction de prix.

3. Les Etats membres peuvent prévoir des règles différentes pour les biens susceptibles de se détériorer ou d'expirer rapidement.

4. Lorsque le produit est commercialisé depuis moins de trente jours, les Etats membres peuvent également prévoir une période plus courte que celle prévue au paragraphe 2.

5. Les Etats membres peuvent prévoir que, lorsque la réduction de prix est progressivement augmentée, le prix antérieur désigne le prix sans réduction avant la première application de la réduction de prix. »

[1] CA Paris, Pôle 5, 29 juin 2021, n° 20/13820

[2] Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur

[3] Directive (UE) 2019/2161 du 27 novembre 2019 sur une meilleure application et une modernisation des règles de l'Union en matière de protection des consommateurs

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