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Les nouveaux textes de la commande publique : plus qu’un mois pour se mettre à jour
Jacky Galvez, Eva Kucharz
L'ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 et le décret n° 2018-1075 du 3 décembre 2018 parus au Journal officiel du 5 décembre 2018 constituent le nouveau Code de la commande publique.
Ce nouveau corpus rassemble tant les principales règles de la commande publique, résultant de la transposition des directives européennes sur les marchés publics#1et les concessions#2, que des textes épars relatifs à l'exécution de ces contrats, tels que ceux portant sur la maîtrise d'ouvrage publique et ses relations avec la maîtrise d'œuvre privée#3, sur la sous-traitance#4, sur les délais de paiement#5 ou sur la facturation électronique#6.
Ses dispositions s'appliquent aux marchés publics et aux contrats de concession pour lesquels une consultation aura été engagée ou un avis d'appel à la concurrence aura été envoyé à la publication à compter du 1er avril 2019#7.
Si la refonte opérée par le Code de la commande publique intervient à droit constant et ne bouleverse pas le régime applicable aux contrats de la commande publique, elle a toutefois permis de mieux faire ressortir ses principes fondamentaux, de structurer le corpus de règles selon une organisation thématique et chronologique plus lisible. Elle a en outre été l'occasion de codifier des règles issues de la jurisprudence et d'apporter un certain nombre de modifications (I.).
A la publication du Code de la commande publique, s'ajoute celle d'autres textes législatifs et règlementaires qui viennent déjà amender ce Code en poursuivant la dynamique de mutation de cette matière en évolution constante (II.).
I. Les principales modifications apportées par le nouveau Code
1.1. Définitions
Parmi les précisions et définitions apportées par le Code de la commande publique, relevons que celui-ci offre désormais une définition de l'offre anormalement basse en reprenant celle dégagée par la jurisprudence#8. Il s'agit ainsi d'une « offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché »#9.
Le Code propose en outre une nouvelle définition des conventions de délégation de service public. Il s'agit ainsi d'« une concession de services ayant pour objet un service public et conclue par une collectivité territoriale, un établissement public local, un de leurs groupements, ou plusieurs de ces personnes morales »#10. L'ajout de la mention de concession de services écarte de cette qualification les concessions de travaux qui ne portent que de manière secondaire sur la gestion d'un service public.
Par ailleurs, il existe à présent une définition légale de l'assistance à maîtrise d'ouvrage : « Le maître d'ouvrage peut passer des marchés publics d'assistance à maîtrise d'ouvrage portant sur un ou plusieurs objets spécialisés, notamment en ce qui concerne tout ou partie de l'élaboration du programme, la fixation de l'enveloppe financière prévisionnelle de l'opération ou le conseil spécialisé dans un domaine technique, financier, juridique ou administratif »#11.
Une autre précision apparaît enfin concernant les centrales d'achat qui doivent désormais exercer l'acquisition de fournitures ou de services ou la passation des marchés de travaux, de fournitures ou de services au bénéfice des acheteurs, « de façon permanente »#12.
1.2. Nouveautés et codification de la jurisprudence
Les nouveaux textes intègrent également toute une série de nouveautés d'importance variable telles que les suivantes :
- La codification des modalités de résiliation des marchés publics#13 et des concessions#14;
- La codification des règles dégagées par la jurisprudence#15 concernant le régime des biens d'une concession de service public ou de travaux en fin de contrat en reprenant le triptyque classique biens de retour, biens de reprise et biens propres et en précisant les modalités d'indemnisation du cocontractant en cas de résiliation anticipée du contrat avant l'amortissement des biens de retour#16;
- En matière de résolution des litiges, l'encadrement du règlement alternatif des différends et la possibilité pour les parties à un contrat de concession à caractère administratif de recourir à un tiers conciliateur ou médiateur ou à une transaction. En revanche, le recours à l'arbitrage demeure en principe prohibé pour les personnes publiques#17;
- La présentation des modalités de passation des marchés passés dans le cadre de l'obligation de décoration des constructions publiques#18.
D'autres dispositions nouvelles ne sont pas une simple codification à droit constant et impliquent, pour les acheteurs, la nécessité de bien intégrer les évolutions qu'elles apportent dans la gestion des contrats de la commande publique. Pour en citer quelques-unes, relevons :
- L'extension de l'obligation d'adopter un schéma de promotion des achats responsables#19 à toutes les collectivités et acheteurs soumis au Code, l'extension du contenu dudit schéma aux éléments à caractère écologique et l'ajout de l'objectif de contribution à la promotion de l'économie circulaire#20 ;
- La codification de la jurisprudence#21 concernant la possibilité de passer une concession sans publicité ni mise en concurrence en cas d'urgence#22;
- L'affirmation du principe selon lequel les accords-cadres passés sans maximum seront toujours réputés excéder les seuils de procédure formalisée#23, précision qui ne figurait plus dans la rédaction des décrets n°2016-360 et n°2016-361.
II. La publication de nouveaux textes relatifs au droit de la commande publique
La publication du nouveau Code de la Commande publique a été accompagnée par la publication d'autres textes contribuant également à refaçonner ce droit.
Nous notons parmi ces derniers :
- Les textes relatifs à l'ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire avec la publication de l'ordonnance n° 2018-1135 du 12 décembre 2018 portant diverses dispositions relatives à la gestion de l'infrastructure ferroviaire et à l'ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs qui précise notamment le régime juridique applicable à la passation et à l'exécution des contrats de service public de transport ferroviaire de voyageurs (services conventionnés) ainsi que ses décrets d'application ;
- Le décret n° 2018-1225 du 24 décembre 2018 portant diverses mesures relatives aux contrats de la commande publique notamment concernant la révision de prix, l'augmentation du montant des avances et la diminution de celui de la retenue de garantie dans les marchés publics passés par l'Etat avec des PME, et la dématérialisation de la commande publique. Ce décret crée surtout une expérimentation de trois ans permettant aux acheteurs de passer des marchés négociés pour leurs achats innovants d'un montant inférieur à 100 000 €. Les modalités de mise en œuvre de cette expérimentation sont précisées par un arrêté du 26 décembre 2018 relatif à la déclaration des achats innovants prévue par l'article 2 du décret n° 2018-1225.
Par ailleurs, d'autres mesures réglementaires intéressant le droit de la commande publique ont été annoncées par le gouvernement. Cependant, elles n'ont pas encore fait l'objet d'une publication.
En particulier, concernant la cession de créance dans la commande publique, un arrêté sur le certificat de cessibilité dématérialisé avait été annoncé pour le mois de janvier 2019 dans la deuxième édition du « Guide très pratique de la dématérialisation », publié par la Direction des Affaires Juridiques de Bercy. La troisième édition de ce guide, diffusée le 16 janvier 2019, indique désormais que la publication de cet arrêté devrait intervenir « courant 2019 ». Cependant, l'Observatoire économique de la commande publique (OECP) a annoncé#24 que des ateliers se poursuivront jusqu'en juin 2019 et que la date d'entrée en vigueur souhaitée de l'arrêté était fixée au 1er janvier 2020.
Enfin, certains projets de loi en cours d'examen parlementaire contiennent également leur lot de mesures :
- Projet de loi dit « Pacte »#25 : l'interdiction des ordres de service à 0 €#26 et la transposition de la directive sur la facturation électronique#27
- Projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français : l'exclusion du champ des marchés publics des services juridiques de représentation et des prestations de conseil juridique s'y rattachant.
Sur ce dernier point, le gouvernement avait annoncé une exclusion de ces marchés d'ici la fin du premier trimestre de l'année 2019#28. Aux termes de l'article 11 du projet de loi adopté par le Sénat, en 1ère lecture le 7 novembre 2018, seraient ainsi exclus :
- « d) Les services juridiques de représentation légale d'un client par un avocat dans le cadre d'une procédure juridictionnelle, devant les autorités publiques ou les institutions internationales ou dans le cadre d'un mode alternatif de règlement des conflits » ;
- « e) Les services de consultation juridique fournis par un avocat en vue de la préparation de toute procédure mentionnée au d ou lorsqu'il existe des signes tangibles et de fortes probabilités que la question sur laquelle porte la consultation fera l'objet d'une telle procédure ».
En conclusion, la création du Code de la commande publique, annoncée depuis de nombreuses années, est avant tout l'occasion d'apporter davantage de clarté à ce droit en regroupant toutes ses règles dans un corpus unique. Ce corpus constitue, pour l'essentiel, une codification à droit constant bien que certaines innovations doivent retenir l'attention des acheteurs qui disposent désormais d'un mois pour se les approprier.
[1] Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics.
[2] Directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession.
[3] Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée.
[4] Loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.
[5] Décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique.
[6] Sur ce dernier sujet des sections du Code ont été laissées libres afin d'intégrer les futurs textes de transposition de la Directive 2014/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative à la facturation électronique dans le cadre des marchés publics.
[7] Cependant, des dates d'entrée en vigueur distinctes ont été prévues pour des dispositions particulières. Par exemple, les dispositions relatives aux modifications des contrats de concession s'appliquent d'ores et déjà à la modification des contrats de concession conclus ou pour lesquels une procédure de passation a été engagée ou un avis de concession a été envoyé à la publication avant le 1er avril 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession. De même, les dispositions relatives aux délais de paiement s'appliquent aux contrats conclus à compter du 16 mars 2013.
[8] Conseil d'Etat, 29 mars 2013, n°366606.
[9] Article L2152-5 du Code de la commande publique.
[10] Article L1121-3 alinéa 3 du Code de la commande publique.
[11] Article L2422-1 du Code de la commande publique.
[12] Article L2113-2 du Code de la commande publique.
[13] Articles L2194-1 et suivants du Code de la commande publique.
[14] Articles L3136-1 et suivants du Code de la commande publique.
[15] Notamment Conseil d'Etat, « Commune de Douai », 21 décembre 2012, n°342788.
[16] Articles L3132-4 et suivants du Code de la commande publique.
[17] Articles L3137-1 et suivants du Code de la commande publique.
[18] Articles R2172-7 et suivants du Code de la commande publique.
[19] Initialement prévue à l'article 13 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire.
[20] Article L2111-3 du Code de la commande publique.
[21] Conseil d'Etat, 4 avril 2016, n° 396191.
[22] Article L3121-2 du Code de la commande publique.
[23] Article R2121-8 du Code de la commande publique.
[24] Lors de son 4ème comité d'orientation qui s'est tenu le 18 décembre 2018.
[25] Projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises
[26] Article 63 bis du Projet de loi Pacte dans sa version issue de la 1ère lecture par le Sénat (texte du 12 février 2019).
[27] Article 63 du Projet de loi Pacte dans sa version issue de la 1ère lecture par le Sénat (texte du 12 février 2019).
[28] « Moderniser la commande publique, les 11 mesures du gouvernement pour la commande publique », octobre 2018.