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Le rapport de gestion et le rapport sur le gouvernement d’entreprise : du nouveau dans la publication des informations à la charge des sociétés
Catherine Michelet Quinquis - Christine Rocha
Le contenu du rapport de gestion de certaines sociétés commerciales a été modifié par deux ordonnances publiées au cours de l'été 2017.
La première ordonnance en date du 12 juillet 2017 [1], complétée par un décret du 18 juillet 2017 [2], vise à simplifier et clarifier les obligations d'information prévues par le Code de commerce à la charge des sociétés. Le texte opère une nouvelle répartition par un reclassement des mentions et informations à fournir entre d'une part, le nouveau rapport sur le gouvernement d'entreprise et, d'autre part, le rapport de gestion. Cette ordonnance supprime, en outre, le rapport du Président sur le contrôle interne. Par ailleurs, l'ordonnance allège le rapport de gestion des « petites entreprises ».
L'ensemble s'applique aux rapports établis au titre du premier exercice ouvert à partir du 1er janvier 2017 : les rapports établis dès 2018 seront concernés.
La deuxième ordonnance en date du 19 juillet 2017 [3] modifie l'obligation de publication d'informations RSE par transposition de la directive 2014/95/UE [4]. Désormais, les entreprises concernées seront tenues de publier dans leur rapport de gestion une déclaration de performance extra-financière [5].
S'agissant de cette déclaration, il convient de relever que l'ordonnance et son décret d'application [6] ne prévoient pas les mêmes dates d'entrée en vigueur : les dispositions de l'ordonnance sont applicables aux rapports afférents aux exercices ouverts à compter du 1er août 2017 alors que celles du décret sont applicables aux rapports afférents aux exercices ouverts à compter du 1er septembre 2017. Quoi qu'il en soit, le dispositif sera complètement applicable aux rapports afférents aux exercices ouverts à compter du 1er septembre 2017.
Un nouveau rapport sur le gouvernement d'entreprise créé pour toutes les SA et SCA cotées ou non [7]
Le nouveau rapport sur le gouvernement d'entreprise, qui se substitue pour partie au rapport du Président sur le contrôle interne, devra être établi par le Conseil d'administration ou le Conseil de surveillance lui-même et non plus par le Président.
Ce rapport devra être joint au rapport de gestion. Dans les SA à conseil d'administration [8], il pourra prendre la forme d'une section spécifique dans le rapport de gestion. Cette faculté n'est pas ouverte aux SA à directoire et à conseil de surveillance ou aux SCA, le rapport sur le gouvernement d'entreprise et le rapport de gestion ne relevant pas du même organe.
Les informations que ce rapport sur le gouvernement d'entreprise devra contenir ne sont pas nouvelles et étaient auparavant fournies dans le rapport de gestion ou dans le rapport du Président, et sont ainsi transférées à droit constant. Le contenu de ce nouveau rapport varie selon que la société est cotée ou non sur un marché réglementé.
Pour toutes les SA et SCA cotées ou non [9]
Le rapport dressera la liste de l'ensemble des mandats et fonctions exercés dans toute société par chaque mandataire social durant l'exercice, ainsi que les conventions conclues par une filiale détenue, directement ou indirectement, avec l'un des mandataires sociaux ou l'un des actionnaires disposant d'une fraction des droits de vote supérieur à 10 %, lorsqu'elles ne sont pas des conventions courantes conclues à des conditions normales.
Les sociétés devront également continuer de faire apparaître un tableau récapitulatif des délégations en cours de validité accordées par l'assemblée générale des actionnaires dans le domaine des augmentations de capital, et préciser l'utilisation faite de ces délégations au cours de l'exercice.
Il faudra, le cas échéant, continuer de préciser le choix de la modalité d'exercice de la direction générale.
Pour les SA à conseil de surveillance, seront également requises les observations du Conseil sur le rapport du Directoire et sur les comptes de l'exercice.
Mentions supplémentaires pour les SA et SCA cotées [10]
Les SA et SCA dont les titres sont cotés sur un marché réglementé devront fournir des mentions supplémentaires dans leur rapport sur le gouvernement d'entreprise.
La première de ces mentions supplémentaires concerne la composition et les conditions de préparation et d'organisation des travaux du Conseil, ainsi que les éventuelles limitations que le Conseil apporte aux pouvoirs du Directeur général.
S'y ajoutent ensuite des mentions relatives au code de gouvernement d'entreprise, aux modalités particulières de participation des actionnaires à l'assemblée générale mais aussi les informations susceptibles d'avoir une incidence en cas d'offre publique d'achat ou d'échange.
Figurera également au rapport sur le gouvernement d'entreprise les informations relatives aux rémunérations et avantages versés aux mandataires sociaux et les engagements pris au bénéfice de ceux-ci en cas de prise, de cessation ou de changement de leurs fonctions ou postérieurement à l'exercice de celles-ci [11]. En outre, le rapport sur le gouvernement d'entreprise intégrera le « say on pay » introduit par la loi Sapin II qui faisait au départ l'objet d'un rapport joint au rapport de gestion [12]. Rappelons qu'aux termes de la loi, il convient de présenter les projets de résolution sur la politique de rémunération des dirigeants soumis aux actionnaires, détailler chacun des éléments de rémunération et préciser que le versement des éléments de rémunération variables et exceptionnels est conditionné à une nouvelle approbation de l'assemblée générale.
Enfin, le rapport sur le gouvernement d'entreprise fera mention de l'application du principe de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein du Conseil. Toutefois, l'ordonnance du 19 juillet 2017 a remplacé cette mention par la description de la politique de diversité appliquée aux membres du conseil d'administration au regard de critères tels que l'âge, le sexe ou les qualifications et l'expérience professionnelle. Or, cette description ne figurera que dans les rapports afférents aux exercices ouverts à compter du 1er août 2017 et ne concernera que les sociétés cotées dépassant certains seuils [13].
Pour clore cette partie sur le rapport sur le gouvernement d'entreprise, précisons que le défaut de présentation devant l'assemblée générale ordinaire annuelle entraînera la nullité de cette assemblée, de même qu'en cas de défaut de présentation du rapport de gestion [14].
Un rapport de gestion au contenu revu
Les obligations relatives à la responsabilité sociétale des entreprises
Champ d'application. - Le périmètre des sociétés concernées par l'obligation de publication des informations relevant de la RSE est modifié.
Si le dispositif antérieur visait toutes les sociétés cotées (celles dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé), ne sont dorénavant concernées par l'obligation de produire une déclaration de performance extra-financière que les sociétés cotées remplissant les conditions suivantes : 20 millions d'euros de total de bilan ou 40 millions d'euros de montant net de chiffre d'affaires et 500 salariés [15]. Autrement dit, les « petites » sociétés cotées ne seront plus tenues de produire dans leur rapport de gestion des informations relatives à la RSE.
Les sociétés non cotées sont également soumises à cette obligation, sous réserve de dépasser les seuils suivants : 100 millions d'euros de total de bilan ou de chiffre d'affaires net et 500 salariés. Ces seuils restent donc identiques à ceux précédemment prévus. Par ailleurs, s'agissant de la forme juridique que doivent revêtir les sociétés qui dépassent les seuils, précisons qu'outre les SA et SCA, les SNC (et, sur renvoi de l'article L. 222-2 du code de commerce, les SCS) sont désormais concernées dès lors que leurs parts sont détenues par des sociétés par actions, des SARL ou des sociétés de droit étranger de forme juridique comparable. En revanche, les SAS et SARL ne sont pas concernées par le dispositif.
Sans entrer dans le détail d'une liste exhaustive, précisons également que cette obligation de déclaration de performance extra-financière s'applique à certaines entités spécifiques dès lors qu'elles dépassent les seuils applicables aux sociétés cotées ou aux sociétés non cotées. Ainsi, par exemple, les sociétés mutuelles d'assurance qui dépassent les seuils applicables aux sociétés non cotées sont concernées.
Par ailleurs, des dispositions particulières visent les groupes de sociétés : les seuils d'éligibilité sont appréciés au niveau consolidé pour les sociétés qui établissent des comptes consolidés. Dès lors, est établie une déclaration consolidée qui porte sur l'ensemble des entreprises incluses dans le périmètre de consolidation. Enfin, sont exemptées d'établir la déclaration les sociétés éligibles dès lors qu'elles sont contrôlées [16] par une société établie en France qui publie une déclaration consolidée ou dès lors qu'elles sont contrôlées par une société établie dans l'Union européenne qui publie une déclaration en application de la législation dont elle relève.
Contenu de la déclaration de performance extra-financière. - Les dispositions légales visent comme auparavant les informations sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité et notamment les « informations relatives aux conséquences sur le changement climatique de l'activité de la société et de l'usage des biens et services qu'elle produit, à ses engagements sociétaux en faveur du développement durable, de l'économie circulaire et de la lutte contre le gaspillage alimentaire, aux accords collectifs conclus dans l'entreprise et à leurs impacts sur la performance économique de l'entreprise ainsi que sur les conditions de travail des salariés ; et aux actions visant à lutter contre les discriminations et promouvoir les diversités. ».
Les sociétés cotées sont, en outre, tenues de préciser les effets de leur activité quant au respect des droits de l'homme et à la lutte contre la corruption. La loi prévoit que la déclaration peut renvoyer, le cas échéant, aux informations mentionnées dans le plan de vigilance introduit par la loi 2017-399 du 27 mars 2017 sur le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre.
Enfin, les dispositions réglementaires [17] imposent de présenter un modèle d'affaires [18] mais aussi, pour chaque catégorie d'informations RSE (conséquences sociales et environnementales, et également pour les sociétés cotées, respect des droits de l'homme et lutte contre la corruption), une description des principaux risques liés à l'activité, les politiques appliquées pour prévenir les risques et les résultats de ces politiques. Il est, en outre, précisé que « Lorsque la société n'applique pas de politique en ce qui concerne un ou plusieurs de ces risques, la déclaration comprend une explication claire et motivée des raisons le justifiant ».
De surcroît, comme pour l'ancien rapport RSE, le texte réglementaire contient une liste de mentions à compléter (ex. l'effectif total et la répartition des salariés par sexe, par âge et par zone géographique) en fonction de leur pertinence au regard des risques ou politiques appliquées par la société.
Publicité et contrôle de la déclaration. - L'information au public de la déclaration est rendue « aisément » accessible sur le site internet de la société concernée et ce, dans un délai de huit mois à compter de la clôture de l'exercice et pendant une durée de cinq ans [19].
Un régime de vérification simplifiée des informations publiées est mis en place. Les commissaires aux comptes attesteront de la présence de la déclaration de performance extra-financière [20] mais ils n'auront pas à vérifier la sincérité des informations publiées dans la déclaration, ni leur concordance avec les états financiers. Par ailleurs, la vérification par un organisme tiers indépendant (OTI) [21] n'est désormais imposée qu'aux sociétés dépassant les seuils suivants : 100 millions d'euros de total de bilan ou de chiffre d'affaires net et 500 salariés. La vérification donne lieu à un avis motivé sur la conformité et la sincérité de la déclaration transmis aux actionnaires en même temps que le rapport de gestion.
Enfin, lorsque le rapport de gestion ne comportera pas la déclaration de performance extra-financière, toute personne intéressée pourra demander au président du tribunal statuant en référé d'enjoindre, le cas échéant, sous astreinte, au Conseil d'administration ou au Directoire de communiquer les informations requises.
Particularités relatives aux sociétés cotées
Comme déjà indiqué, certaines mentions figurant auparavant dans le rapport de gestion sont maintenant intégrées au rapport sur le gouvernement d'entreprise. En outre, si la plupart des mentions du rapport du Président sur le contrôle interne se retrouvent dans le rapport sur le gouvernement d'entreprise des sociétés cotées, d'autres mentions ont été transférées vers le rapport de gestion.
Il s'agit des principales caractéristiques des procédures de contrôle interne et de gestion des risques relatifs à l'élaboration et au traitement de l'information comptable et financière. Devront également apparaître les indications sur les risques financiers liés aux effets du changement climatique et la présentation des mesures que prend l'entreprise pour les réduire.
Allègement du contenu du rapport de gestion des sociétés commerciales considérées comme des petites entreprises [22]
Cet allègement concerne les sociétés commerciales qui, à la clôture de leur dernier exercice, ne dépassent pas deux des trois seuils suivants : 4 millions d'euros de total de bilan, 8 millions d'euros de chiffre d'affaires net, 50 salariés au cours de l'exercice.
Ces sociétés seront dispensées de mentionner dans leur rapport de gestion les informations relatives aux activités en matière de recherche et développement, ainsi que les succursales existantes.
Elles seront également exemptées de mentionner les indicateurs clés de performance de nature non financière ayant trait à leur activité spécifique ainsi que de donner des indications sur l'utilisation des instruments financiers [23].
Rappelons s'agissant des petites entreprises que les SARL et les SAS dont l'associé unique personne physique assume personnellement la gérance ou la présidence sont totalement dispensées de l'obligation d'établir un rapport de gestion. Cette exemption devrait prochainement concerner l'ensemble des sociétés commerciales qui constituent des petites entreprises puisque le tout récent projet de loi pour un Etat au service d'une société de confiance [24] prévoit de modifier l'article L. 232-1, IV, du code de commerce en ce sens.
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Au regard des éléments qui précèdent, s'il est vrai que les informations du rapport sur le gouvernement d'entreprise et de la déclaration de performance extra-financière ne sont pas complètement nouvelles, un effort d'adaptation s'impose aux sociétés concernées qui devront, en outre, jongler avec les différentes dates d'application des textes.
1 Ordonnance n° 2017-1162 du 12 juillet 2017 portant diverses mesures de simplification et de clarification des obligations d'information à la charge des sociétés
2 Décret n° 2017-1174 du 18 juillet 2017 portant diverses mesures de simplification et de clarification des obligations d'information à la charge des sociétés
3 Ordonnance n° 2017-1180 du 19 juillet 2017 relative à la publication d'informations non financières par certaines grandes entreprises et certains groupes d'entreprise
4 Directive 2014/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014, modifiant la Directive 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d'informations non financières et d'informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes
5 Code de commerce, art. L. 225-102-1 mod.
6 Décret n 2017-1265 du 9 août 2017, pris pour l'application de l'ordonnance n° 2017-1180 du 19 juillet 2017
7 Les SE sont également concernées.
8 Code de commerce. art. L. 225-37 mod.
9 Code de commerce, art. L. 225-37-4, 1°à 4° nouv.
10 Code de commerce, art. L. 225-37-4, 5°à 9°nouv., L. 225-37-2 mod. et L. 225-37-3 nouv.
11 Il convient de rappeler que ces mentions doivent également figurer dans les rapports sur le gouvernement d'entreprise des SA et SCA non cotées qui seraient contrôlées par une société cotée pour les mandataires sociaux qui détiennent au moins un mandat dans de telles sociétés.
12 LJF mars 2017, « Rémunération des dirigeants des sociétés cotées : la voie de la Loi pour l'expression des actionnaires », Frédérique Desprez et Charlotte Torck
13 Code de commerce, art. R. 225-104 mod. - Les sociétés concernées sont celles qui dépassent deux des trois seuils suivants : un total de bilan de 20 millions d'euros, un chiffre d'affaires net de 40 millions d'euros, un nombre moyen de salariés permanents de 250.
14 Code de commerce, art. L. 225-121
15 Code de commerce, art. R. 225-104 mod.
16 Au sens de l'art. L. 233-16 du code de commerce.
17 Code de commerce, art. R. 225-105 mod.
18 Selon les lignes directrices de la Commission européenne du 26 juin 2017, « Le modèle commercial d'une société décrit la manière dont elle crée de la valeur et la préserve à long terme grâce à ses produits ou services. Le modèle commercial fournit un contexte au rapport de gestion dans son ensemble. Il donne un aperçu du fonctionnement de la société et de la raison d'être de sa structure, en décrivant la manière dont elle transforme les éléments entrants en éléments sortants dans le cadre de ses activités commerciales. Dans des termes plus simples, il décrit ce que fait la société, comment et pourquoi. ».
19 Code de commerce, art. R. 225-105-1 mod.
20 Code de commerce, art. L. 823-10 mod.
21 Code de commerce, art. L. 225-102-1, V et R. 225-105-2 mod.
22 Code de commerce, art. L. 232-1 et L. 225-100-1 mod.
23 Ces mentions concernent les SARL, SA, SCA et SE ainsi que certaines SNC et SCS.
24 Projet de loi présenté lors du Conseil des ministres du 27 novembre 2017