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Juridique
La SASU ou la souplesse d’une structure juridique au profit des entrepreneurs
Frédérique Desprez
Au vu des statistiques sur la création d'entreprises, sur 198 000 sociétés créées en 2017, 60 % sont des Sociétés par Actions Simplifiées (SAS, 37 % d'entre elles sont unipersonnelles (SASU), en augmentation constante, au détriment de la SARL qui était traditionnellement la forme la plus populaire pour les PME#1.
Pourquoi un tel engouement pour cette forme sociale ?
S'il est évident que la forme unipersonnelle permet de refléter la réalité des filiales de groupes détenues à 100 %, en se dispensant des lourdeurs de la société anonyme en termes de tenue d'assemblée générale et de nombre d'associés#2, force est de constater que de nombreux entrepreneurs font également le choix de cette forme sociale.
Outre la responsabilité limitée de l'associé au montant de ses apports, la SASU est avant tout une société de capitaux, ce qui la rapproche de la société anonyme, sans qu'il lui soit imposé un capital minimum, et lui donne la souplesse d'une société par actions en termes d'investissement financier, renforcée par la possibilité d'émettre des actions représentatives d'apports en industrie. Il lui est aussi possible d'utiliser les outils d'accès au capital au profit des salariés que sont les attributions gratuites d'actions ou stock-options notamment.
Les cessions d'actions sont quant à elles soumises à un droit d'enregistrement proportionnel de 0,1 % contre 3 % pour les cessions de parts d'une EURL#3.
Pour les entrepreneurs, les avantages que l'on peut citer sont tout d'abord la possibilité de n'avoir qu'un seul associé, tout en permettant au dirigeant, associé unique, de bénéficier d'un statut identique à celui d'un salarié par son admission au régime général de la sécurité sociale#4.
La forme unipersonnelle permet de simplifier le processus de prise de décision et d'éviter d'impliquer des membres de la famille qui n'ont pas vocation à succéder au fondateur, pour participer à des assemblées générales qui n'en n'ont que le nom.
Par ailleurs, la liberté contractuelle qui caractérise cette forme sociale et qui ressort d'un nombre très limité de règles légales impératives, offre de nombreux avantages en termes d'organisation et peut également faciliter la transmission d'entreprise.
Cette souplesse contractuelle permet en effet de déconnecter le pouvoir de la détention du capital et de préparer en douceur la transmission de l'entreprise unipersonnelle vers l'entreprise familiale par des mécanismes de multiplication des droits de vote au profit du fondateur, de sécuriser le maintien de celui-ci à la tête de la société ou d'encadrer la désignation d'un successeur par des dispositions statutaires, de conserver le contrôle et la cohésion de l'actionnariat quand les héritiers vont entrer au capital par des clauses d'agrément, de préemption ou d'inaliénabilité des actions. Dans cette perspective, le passage d'une SASU à une SAS pluripersonnelle n'entraine aucune formalité dès lors que les statuts ont anticipé ce passage à la pluralité d'associés
Par le bais des actions de préférence, il est également possible de mettre en œuvre une répartition inégalitaire des dividendes au profit d'une ou plusieurs actions du fondateur.
Enfin la liberté d'organisation de la gouvernance facilite la transition de la direction. Les diverses formes de mandat social de Président, Directeur Général et Directeur Général Délégué peuvent à la fois conférer un pouvoir de représentation adossé à un pouvoir de direction et organiser une hiérarchie au profit du fondateur, lequel après la transmission pourra conserver un poste de contrôle au sein d'un conseil de surveillance que les statuts pourront créer.
La flexibilité offerte par la loi peut aboutir à des solutions sur mesure voir originales, mais elle a pour contrepartie la nécessité d'une rédaction précise des statuts car le silence de ceux-ci peut être source de conflit et la loi n'offrira hélas aucune solution au juge dans ce cas. Il convient alors de porter une attention toute particulière la rédaction des statuts adaptés au cadre spécifique que l'on veut organiser.
Cet article a été publié dans le Figaro Entrepreneurs du 7 février 2018
1 Source INSEE « Insee Première » n° 1685 Janvier 2018.
2 Nombre passé de 7 à 2 pour les SA non cotées depuis l'Ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015.
3 Après application pour ces dernières d'un abattement de 23.000€ ramené au pourcentage de parts cédées.
4 Le cumul avec un contrat de travail n'étant toutefois pas possible lorsque le président est associé unique en raison de l'absence de lien de subordination.