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Juridique

Interdiction de ventes en ligne : toujours et encore des décisions de condamnation

02/09/2019

Marie-Pierre Bonnet-Desplan

Bon gré, mal gré, les marques sous distribution sélective l'admettent désormais : elles ne peuvent interdire à leurs distributeurs physiques de revendre leurs produits en ligne. Si elles adaptent progressivement leur politique commerciale et leurs contrats à cette situation, le passé remonte parfois, outre le fait qu'il reste encore quelques récalcitrants. Les décisions de condamnation qui se succèdent devraient finir par les convaincre.

Rappelons qu'ont ainsi été visés les cosmétiques (Pierre Fabre en 2011[1]), la hi-fi (Bang & Olufsen en 2014[2]), les articles de sport (Adidas par une modification volontaire à la suite d'une enquête menée par l'Autorité de la concurrence[3]), les vêtements (Guess en 2018[4]). Notons toutefois quelques exceptions : les sacs à dos de montagne Deuter dont la haute technicité a été reconnue par une juridiction allemande pour justifier l'interdiction du recours aux places de marché[5], et surtout les tronçonneuses et autres matériels de motoculture de la marque Stihl. La Cour d'Appel de Paris a ainsi ordonné le sursis à exécution de l'injonction faite par l'Autorité de la concurrence[6] de modifier les contrats au motif que les produits sont des produits dangereux et que les consommateurs ne peuvent être livrés à eux-mêmes lors de la mise en mains[7] .

Voici désormais le tour des vélos haut de gamme[8]. L'Autorité de la concurrence relève deux types de clauses dans les contrats des revendeurs de la marque : certaines clauses interdisent purement et simplement la vente hors du point de vente physique agréé du revendeur ; d'autres autorisent la vente en ligne mais imposent une livraison dans le point de vente agréé du revendeur. Outre les contrats, l'Autorité retient également à charge, assez classiquement, quelques emails de rappel à l'ordre de ne pas vendre sur internet adressés par les équipes commerciales aux distributeurs. L'Autorité estime que l'obligation de retrait du vélo commandé sur internet dans le point de vente du vendeur à distance se traduit de facto par une interdiction des ventes en ligne. En effet, consulter un site à distance et devoir se déplacer loin de son domicile pour prendre livraison ôte tout intérêt à la démarche pour le consommateur et aboutit à limiter les ventes passives pour le distributeur. La marque tentait de justifier cette exigence par la règlementation en vigueur imposant la livraison des vélos montés et réglés et par leur caractère haut de gamme, arguments rejetés. L'analyse aurait peut-être été différente si, pour garantir conseil et réglages, le contrat avait imposé le retrait des vélos dans un point de vente agréé et non pas dans le point de vente du vendeur.

Sans surprise, l'Autorité de la concurrence qualifie la pratique d'entente verticale par objet compte tenu de sa nocivité ; elle exclut le bénéfice de l'exemption par catégorie issue du règlement n° 330/2010 puisqu'elle restreint les ventes passives aux consommateurs désireux d'acheter sur internet et localisés en dehors de la zone de chalandise physique du revendeur agréé présent sur leur territoire. La pratique ne peut pas plus bénéficier d'une exemption individuelle, l'entreprise ne démontrant pas la profitabilité pour le consommateur ou l'amélioration du progrès économique.

Cependant, pour la fixation de la sanction, l'Autorité relativise la gravité de la pratique, comme la Cour d'appel l'avait fait dans l'affaire Bang & Olufsen, au motif que les faits incriminés se sont produits entre 2007 et 2014, alors qu'une certaine incertitude juridique sur le sujet a prévalu jusqu'à l'arrêt rendu par la Cour de justice dans l'affaire Pierre Fabre en 2011. Elle relativise également le dommage à l'économie au motif qu'à la même période les ventes en ligne de vélos ayant été très limitées, la propension des consommateurs à se tourner vers ce canal de vente était faible. L'Autorité condamne la société néerlandaise exploitant l'activité via son établissement en France solidairement avec sa société mère américaine au paiement d'une amende de 250 000 euros. Le temps passant et la règle étant désormais connue de tous, cette mansuétude devrait disparaitre.

[1] CJUE, 13 octobre 2011, Affaire C-439/09

[2] CA Paris, 13 mars 2014, n° 2013/00714

[3] Communiqué de presse du 18 novembre 2015 - Voir aussi la décision du 28 avril 2014 de l'autorité allemande de concurrence contre Asics

[4] Commission européenne, 17 décembre 2018, AT.40428

[5] Cour supérieure régionale de Francfort, 22 décembre 2015,

[6] Autorité de la concurrence, Décision 18-D-23, 24 octobre 2018

[7] CA Paris, Ord. 23 janvier 2019, n°18/26.546

[8] Autorité de la concurrence, Décision 19 D 14, 1er juillet 2019​