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Juridique
Crise du Covid-19 : les réponses européennes
Flora Sicard
Alors que la crise sanitaire liée à la propagation du Coronavirus a conduit la majorité des États membres à placer leur population en quarantaine, les répercussions économiques d'un tel ralentissement de l'activité s'annoncent importantes. Dans ce contexte, l'Union européenne a adapté son cadre règlementaire en matière d'aides d'Etat afin de permettre une réaction économique rapide et coordonnée, à même de remédier aux difficultés actuelles des entreprises, tout en préservant des conditions de concurrence équitables.
Adoption en urgence d'un cadre règlementaire temporaire
Le 19 mars 2020, la Commission européenne a adopté, sur le fondement de l'article 107, paragraphe 3, point b), du TFUE, un cadre temporaire[1] autorisant les Etats membres à adopter des mesures de soutien aux entreprises qui seront considérées comme compatibles avec le marché et qui peuvent être mises en œuvre très rapidement après leur notification par l'Etat membre concerné. Cet encadrement, qui vise à permettre aux Etats membres de garantir la disponibilité de liquidités suffisantes pour les entreprises et de préserver la continuité de l'activité économique pendant et après la crise sanitaire, prévoit les cinq types d'aides suivants :
- Aides sous forme de subventions directes, d'avantages fiscaux sélectifs et d'avances remboursables. - Les Etats membres auront la possibilité de mettre en place des régimes accordant jusqu'à 800 000 euros (bruts) à une entreprise pour lui permettre de faire face à ses besoins de liquidités urgents[2].
- Aides sous forme de garanties bonifiées couvrant les prêts bancaires contractés par les entreprises. - Les Etats membres pourront également fournir des garanties publiques pour faire en sorte que les banques continuent d'accorder des prêts aux clients qui en ont besoin. Ces prêts peuvent s'accompagner de primes bonifiées, avec des réductions sur le taux de marché estimé en ce qui concerne les primes annuelles appliquées aux nouvelles garanties en faveur des PME et des autres entreprises. Des limites sont prévues en ce qui concerne le montant maximal des prêts ; elles sont calculées en fonction des besoins d'exploitation des entreprises, établis sur la base de la masse salariale ou des besoins de liquidités.
- Aides sous forme de prêts publics bonifiés octroyés aux entreprises. - Les Etats membres pourront aussi accorder des prêts à des taux d'intérêt réduits aux entreprises, pour les aider à couvrir leurs besoins immédiats en fonds de roulement et en investissements. Ces prêts doivent être accordés à un taux d'intérêt au moins égal au taux de base applicable au 1er janvier 2020, majoré d'une prime pour risque de crédit correspondant au profil de risque du bénéficiaire (PME ou grandes entreprises) et de la durée du prêt. En ce qui concerne la possibilité d'accorder des garanties bonifiées, des limites sont fixées pour ce qui est du montant maximal des prêts, en fonction des besoins d'exploitation des entreprises (établis sur la base de la masse salariale ou des besoins de liquidités). Les prêts peuvent porter à la fois sur des crédits aux investissements et sur des besoins en fonds de roulement. À noter que pour le même principal de prêt sous-jacent, les aides octroyées sous forme de prêts publics bonifiés ne peuvent pas être cumulées avec celles sous forme de garanties bancaires bonifiées.
- Aides sous forme de garanties pour les banques qui acheminent les aides d'Etat vers l'économie réelle. - Comme certains Etats membres envisagent de s'appuyer sur les capacités de prêt existantes des banques et de les utiliser pour acheminer le soutien vers les entreprises, en particulier les PME, l'encadrement temporaire adopté par la Commission européenne précise que ce type d'aide est considéré comme une aide directe aux clients des banques, non aux banques elles-mêmes. L'encadrement donne également des orientations sur la manière de réduire au minimum toute aide résiduelle indue aux banques et de veiller à ce que les aides soient transmises, dans toute la mesure du possible, aux bénéficiaires finals, sous la forme de volumes de financement accrus, de portefeuilles plus risqués, d'exigences moindres en matière de sûretés, de primes de garantie moins élevées ou de taux d'intérêt plus faibles.
- Aides sous forme d'assurance-crédit à l'exportation à court terme. - L'encadrement temporaire prévoit enfin davantage de souplesse quant à la manière de démontrer que les risques ne sont pas cessibles dans certains pays, ce qui permet aux États membres de fournir une assurance-crédit à l'exportation lorsque cela est nécessaire.
Pour garantir l'emploi de cette souplesse à bon escient, cet encadrement temporaire ne pourra bénéficier qu'aux entreprises qui n'étaient pas déjà en difficultés au 31 décembre 2019, mais qui ont commencé à connaître des difficultés en raison de l'épidémie de Covid-19. En outre, des obligations générales de transparence (notamment la publication des mesures adoptées par les Etats membres) sont prévues.
Ce cadre règlementaire ad hoc s'applique aux aides octroyées à partir du 1er février 2020 et sera maintenu en place jusqu'à la fin du mois de décembre 2020, sauf si la Commission européenne estime nécessaire de la prolonger.
Validation des mesures françaises
Sur la base de ce texte, la Commission a déjà approuvé plus d'une vingtaine de mesures nationales déployées par différents Etats membres pour apporter un soutien financier aux entreprises subissant les dommages de la crise, dont les mesures proposées par le gouvernement français.
Elle a ainsi validé le plan d'aide français (appelé « fonds de solidarité ») qui débloque 1,2 milliard d'euros pour soutenir les petites et microentreprises[3] ainsi que les travailleurs indépendants dont l'activité a été suspendue par décision administrative à la suite de l'épidémie ou dont le chiffre d'affaires mensuel en mars 2020 a chuté d'au moins 50 % par rapport à leur chiffre d'affaires de l'année précédente au cours de la même période[4].
La Commission a constaté que le régime notifié par la France était conforme aux conditions énoncées dans l'encadrement temporaire. En particulier, il autorise l'octroi de subventions directes, qui ne peuvent pas dépasser 3 500 euros par entreprise.
Les prochaines étapes
Le 27 mars, la Commission européenne a proposé d'étendre l'encadrement temporaire qu'elle vient d'adopter[5] en ajoutant des possibilités de soutien supplémentaires pour cinq types de mesures d'aide :
- Un soutien aux activités de recherche et développement (R&D) liées au coronavirus
- Un soutien pour la construction et de la modernisation des installations d'essai concernant les produits utiles (vaccins, matériel ou dispositifs médicaux, matériel de protection et désinfectants). Les Etats membres peuvent aussi accorder des garanties contre les pertes pour inciter les entreprises à investir.
- Un soutien en faveur de la fabrication de ce type de produits utiles.
- Un soutien ciblé sous la forme de reports de paiement des impôts et des taxes et/ou de suspensions de cotisations patronales de sécurité sociale afin d'éviter les licenciements dus à la crise dans les régions ou les secteurs les plus durement touchés par la pandémie.
- Un soutien ciblé sous la forme de subventions salariales afin d'éviter de tes licenciements.
Les Etats membres ont maintenant la possibilité de formuler des observations sur le projet de proposition de la Commission. L'objectif est que l'encadrement temporaire modifié soit en place début avril.
D'où viennent les fonds ?
Compte tenu de la taille limitée du budget de l'Union, l'essentiel de la réponse pour faire face aux répercussions économiques de la crise sanitaire viendra des budgets nationaux des Etats membres. On notera toutefois que le législateur européen a décidé en urgence la mise à disposition de fonds européens pour lutter contre les effets de la crise sanitaire. Deux règlements spécifiques ont été adoptés en ce sens.
Tout d'abord, le règlement concernant « l'initiative d'investissement en réaction au Coronavirus »[6] permettra aux Etats membres d'avoir accès à 37 milliards d'euros provenant des fonds de cohésion afin de renforcer les systèmes de santé ainsi que de soutenir les PME, les dispositifs de chômage partiel et les services de proximité. Sur ce montant total, quelque 8 milliards d'euros proviendront des préfinancements non dépensés en 2019 au titre des fonds structurels européens. Cette nouvelle mesure permet aux Etats membres de dépenser des fonds inutilisés pour atténuer les effets de la pandémie au lieu de les reverser au budget de l'UE. Un montant supplémentaire de 29 milliards d'euros sera versé en avance au titre de crédits qui auraient été dus dans le courant de l'année 2020. Ces fonds sont mis à disposition à partir du 1er février 2020.
Ensuite, le législateur européen a également modifié le champ d'application du Fonds de solidarité de l'UE afin d'y inclure, outre les catastrophes naturelles, les urgences de santé publique[7]. Cette mesure devrait aider les Etats membres et les pays en voie d'adhésion à répondre aux besoins immédiats des populations durant la pandémie.
Incitation complémentaire à exploiter les possibilités juridiques ordinaires
Toutes ces mesures « exceptionnelles » s'ajoutent aux possibilités de réponse déjà ouvertes aux Etats membres dans le cadre règlementaire classique. Dès le 13 mars, la Commission européenne avait d'ailleurs rappelé dans une Communication[8] que les États peuvent prévoir des mesures d'adaptation d'effet général en faveur des entreprises (par exemple, différer le paiement des taxes et des impôts ou subventionner le chômage partiel dans tous les secteurs) qui ne relèvent pas des règles en matière d'aides d'Etat.
En outre, sur la base de l'article 107, paragraphe 2, point b), du TFUE ils peuvent accorder (après notification et autorisation) des indemnisations aux entreprises de secteurs particulièrement touchés par l'épidémie (transports, tourisme, culture, hôtellerie et restauration, et commerce de détail, par exemple) pour les dommages subis qui ont été directement causés par l'épidémie.
Ils peuvent également concevoir des mesures de soutien conformes au règlement général d'exemption par catégorie[9].
Reste aux Etats à mettre en œuvre ces différentes possibilités, qui pourraient être complétées pour répondre à une crise dont l'étendue n'est pas encore connue et permettre de reconstruire le tissu économique européen.
[1] COM(2020) 1863 final.
[2] A noter que des règles spécifiques sont applicables au secteur agricole primaire et au secteur de la pêche et de l'aquaculture.
[3] Entreprises de 10 salariés au maximum, dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas un million d'euros et dont le bénéfice imposable est inférieur à 60 000 euros. À noter que le communiqué de presse de la Commission européenne annonçant la validation des mesures françaises fait référence à un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas un million d'euros.
[4] Initialement fixé à 70%, le pourcentage de chute du chiffre d'affaires permettant de bénéficier du fonds de solidarité a été abaissé à 50 %. Le communiqué de presse de la Commission européenne annonçant la validation des mesures françaises fait référence au taux de 70%. Par ailleurs, pour les entreprises crées après le 1er mars 2019, le chiffre d'affaires de comparaison à retenir est le chiffre d'affaires mensuel moyen entre la date de création et le 1er mars 2020.
[5] Voir STATEMENT/20/551.
[6] Règlement (UE) n° 2020/460.
[7] Règlement (UE) n° 2020/461.
[8] COM(2020) 112 final.
[9] Règlement (UE) n° 651/14.
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