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Covid-19 et aides aux PME en difficultés : Extension du panel des mesures de soutien à la trésorerie
Bernard Martinier, Romain David
Si le dispositif des prêts garantis par l'Etat (« PGE ») institué par loi n°2020-289 de finances rectificative pour 2020 du 23 mars 2020 modifiée par la loi n°2020-473 du 25 avril 2020, a bénéficié à un grand nombre d'entreprises[1] impactées par la crise sanitaire et économique du COVID 19, les plus fragiles d'entre elles ont cependant pu s'en voir refuser l'accès lors de l'examen de leur dossier par les comités de banques. Le dispositif du PGE, qui laisse reposer une partie du risque crédit sur la banque prêteuse, donne en effet à ces dernières l'entière maîtrise (à tout le moins à l'égard des PME) de la décision d'octroi du prêt ou de leur refus.
Par un décret du 12 juin 2020, le gouvernement est donc venu instaurer un nouveau dispositif en faveur des PME les plus fragiles qui, sous les conditions prévues par ce texte, pourront désormais bénéficier d'aides sous forme d'avances remboursables ou de prêts à taux bonifiés consentis par l'Etat (1).
Par ailleurs, le gouvernement a élargi le panel des mesures déjà existantes, d'une part en ouvrant plus largement aux fonds d'investissement la faculté de soutenir financièrement leurs participations (2), d'autre part en annonçant un nouveau dispositif innovant de préfinancement garanti par l'Etat des financements par affacturage (3).
I. Un nouveau dispositif de soutien à la trésorerie des PME fragilisées[2]
Pour mémoire, la Commission européenne a adopté un encadrement temporaire des mesures d'aide d'Etat visant à soutenir l'économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19[3]. Il y est précisé que sont incompatibles les aides au profit des « entreprises en difficulté » au sens de l'article 2 du règlement UE n°651/2014[4]. Le dispositif du PGE mis en place par le gouvernement français a retenu l'expression la plus restreinte possible de cette notion d'entreprises en difficulté en la limitant aux seules entreprises qui faisaient l'objet, au 31 décembre 2019, d'une procédure collective n'ayant pas encore débouché sur un plan de sauvegarde ou de redressement à la date d'octroi du prêt. Cette restriction de la définition ne bénéficie qu'aux PME[5], les ETI et grandes entreprises restant quant à elles soumises à la définition d'entreprises en difficulté au regard de l'ensemble des critères prévus par les textes communautaires[6].
Ainsi, une PME « fragilisée », soit parce qu'elle est entrée en procédure collective après le 1er janvier 2020, ou soit parce qu'elle est en cours d'exécution d'un plan de sauvegarde ou de redressement, ou soit encore parce qu'elle est en procédure préventive amiable de mandat ad hoc ou de conciliation, demeure en principe éligible au PGE. Pour autant, le dispositif du PGE ne consacre pas un droit au crédit pour ces entreprises en situation de particulière fragilité, et la FAQ PGE, dans sa version du 2 juillet 2020, rappelle que les banques pourraient refuser le PGE aux PME dont la situation financière apparaît obérée[7].
C'est en faveur de ces PME en difficulté qui n'ont pas convaincu les banques quant à leur capacité financière à supporter un PGE, qu'intervient le nouveau dispositif issu du décret du 12 juin 2020.
a. Entreprises éligibles
Sont éligibles au nouveau dispositif, les PME qui répondent aux critères cumulatifs suivants[8] :
1. ne pas avoir obtenu un PGE suffisant pour financer son exploitation, le cas échéant après intervention du médiateur du crédit,
2. justifier de perspectives réelles de redressement de l'exploitation,
3. ne pas faire l'objet au 31 décembre 2019 d'une procédure collective (la définition à cet égard étant la même qu'en matière de PGE, tel que précédemment rappelée).
On regrettera que le décret ne comporte pas de dispositions quant à la définition de « PME ». Il nous semble qu'il faille s'en tenir aux seuils européens[9] qui sont ceux retenus également pour fixer la rémunération de la garantie de l'Etat dans le cadre du dispositif PGE[10]. Les fiches récemment publiées sur le site du Ministère de l'économie se réfèrent d'ailleurs également à ces seuils[11]. Ainsi, constitue une PME : une entreprise occupant moins de 250 personnes et ayant un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas 50 millions d'euros ou un total de bilan n'excédant pas 43 millions d'euros.
Outre ces conditions objectives, le décret du 12 juin 2020 ajoute que sont pris en compte des critères plus qualitatifs portant sur le « positionnement économique et industriel de l'entreprise », impliquant notamment une appréciation du caractère stratégique, du savoir-faire, de sa position dans une chaîne de valeur ainsi que l'importance de l'entreprise au sein du bassin d'emploi local.
b. Montant et nature du soutien financier
Le dispositif prend la forme d'avances remboursables ou de prêts consentis par l'Etat et gérés par la société Bpifrance Financement SA. Dans tous les cas, le crédit peut être décaissé jusqu'au 31 décembre 2020.
L'aide peut couvrir des besoins en fonds de roulement mais aussi des besoins en investissement.
Le montant maximum du soutien financier est apprécié en fonction de la date de création de l'entreprise, comme suit :
1. entreprises créées avant le 1er janvier 2019 : le montant se limite à 25% du chiffre d'affaires hors taxes 2019 constaté, ou le cas échéant, de celui du dernier exercice clos disponible ;
2. entreprises créées depuis le 1er janvier 2019 : le montant se limite à la masse salariale en France estimée sur les deux premières années d'activité.
Il est à noter que pour les entreprises innovantes (tel que définies par l'article D.313-45-1 du Code de l'entrée et du séjour des entreprises et du droit d'asile), le montant pourra s'élever, si ce critère est plus favorable, jusqu'à deux fois la masse salariale constatée en France en 2019 ou, le cas échéant, lors de la dernière année disponible.
En fonction du montant de l'aide, celle-ci prendra la forme d'une avance remboursable ou d'un prêt, assortie d'une durée et de conditions financières propres à la catégorie dont elle relève :
- lorsque le montant est inférieur ou égal à 800.000 €, l'aide prend la forme d'une avance remboursable d'une durée d'amortissement maximum de 10 ans, avec différé d'amortissement en capital pouvant aller jusqu'à 3 ans, portant intérêt à un taux fixe au moins égal à 100 points de base ;
- lorsque le montant est supérieur à 800.000 €, l'aide prend la forme d'un prêt dont la durée d'amortissement est limitée à 6 ans, avec différé d'amortissement en capital possible jusqu'à un an, portant intérêt à un taux fixe déterminé selon la durée du prêt. Ce taux est fixé par l'arrêté du 19 juin 2020, et est croissant de 150 points de base à 225 points de base selon la maturité du prêt de 3 à 6 ans.
Il est précisé qu'en cas de financement accordé sur fonds publics pour un montant supérieur à 800.000 € mais dont la part financée par l'Etat est inférieure à ce montant, ainsi qu'en cas d'aide complétant un PGE, les dispositions ci-dessus relatives au prêt à taux bonifié s'appliquent.
c. Procédure et instruction du dossier
Bien que le dispositif soit géré opérationnellement par BPIfrance Financement SA, l'entreprise candidate doit adresser sa demande d'aide au comité départemental d'examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI) dans le ressort duquel elle est située. Le CODEFI émet un avis sur la demande mais la décision finale d'attribution relève d'un arrêté du ministre chargé de l'Economie. Il en est de même pour les décisions de rééchelonnement d'amortissement de créances qui sont prises par voie d'arrêté.
II. L'élargissement des conditions d'octroi de quasi-fonds propres aux entreprises en difficulté par des fonds d'investissement et des sociétés de capital-risque
Par l'ordonnance n°2020-740 du 17 juin 2020 prise en application de l'article 11 de la loi d'urgence n°2020-290 du 23 mars 2020, le gouvernement a élargi la faculté donnée aux organismes de placement collectif de capital investissement et les sociétés de capital-risque, d'octroyer des avances en compte courant aux entreprises en difficulté dans lesquelles ils détiennent une participation.
Le texte introduit à cet effet deux dérogations temporaires aux limites posées par le Code monétaire et financier et la loi n°85-695 du 11 juillet 1985 en matière d'octroi d'avances en compte courant par certains fonds d'investissements, organismes de placement collectif et de capital-risque qui comprennent notamment les fonds professionnels de capital investissement (« FPCI »), les fonds communs de placements dans l'innovation (« FCPI »), les fonds communs de placement à risque (« FCPR »), les fonds d'investissement de proximité (« FIP »), les sociétés de libre partenariat ayant opté pour les règles d'investissement applicable aux FCPI (« SLP »), et les sociétés de capital-risque.
a. Un rehaussement des plafonds légaux applicables en matière d'avances en compte courant
L'article 1er de l'ordonnance relève à 20% de l'actif le plafond applicable à l'octroi des avances en comptes courant, contre 15% applicable en temps normal aux fonds de capital-investissement régis par les articles L.214-27 et suivants du Code monétaire et financier. Comme l'indique le rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance, le plafond de 15% est une limite susceptible d'être rapidement atteinte par de nombreux véhicules d'investissement, restreignant leur capacité à apporter de l'argent « frais » pour soutenir le besoin de fonds de roulement des entreprises, particulièrement pénalisant pour les jeunes entreprises innovantes dont l'accès au crédit bancaire peut être plus complexe.
Pour les FPCI, le plafond de 15% est d'autant plus un obstacle qu'il est usuellement calculé sur la base des actifs gérés, et que ces fonds n'appellent pas la totalité des engagements de souscription des investisseurs dès leur constitution mais procèdent à un échelonnement des appels selon l'accroissement des besoins liés aux actifs gérés. En conséquence, pour les FCPI (et les SLP ayant opté pour les mêmes règles d'investissement), l'article 1er de l'ordonnance réhausse le plafond à 30% du montant total des engagements de souscription (comprenant le capital appelé ainsi que celui non libéré).
Enfin, pour les sociétés de capital-risque, le plafond est également relevé à 30% de la situation nette comptable de ces sociétés.
b. Une tolérance de dépassement des seuils légaux pour subvenir aux entreprises en difficulté
Le Gouvernement a souhaité réserver l'assouplissement des seuils légaux précités aux avances destinées à des entreprises dont « la viabilité est mise en cause » (Rapport au Président de la République).
Ainsi, les avances en compte-courant ne sont autorisées au-delà des plafonds légaux que lorsqu'elles bénéficient aux sociétés :
- qui constatent une perte de leur chiffre d'affaires d'au moins 10% entre le 1er mars 2020 et le 30 avril 2020, par rapport à la même période de l'année précédente, ou, pour les sociétés créées après le 1er mars 2019, par rapport à la période comprise entre leur date de création et le 29 février 2020, ou
- qui constatent une baisse d'activité en raison de leur dépendance à l'accueil du public (critère qui ne peut concerner que certains secteurs d'activité).
c. Un champ d'application résolument élargi : la suppression du plancher de détention d'au moins 5% du capital
En temps normal, les fonds de capital investissement régis par les articles L.214-28 et suivants du Code monétaire et financier et les sociétés de capital-risque ne peuvent consentir d'avances en compte courant qu'aux sociétés dont ils détiennent au moins 5% du capital, contrairement au FPCI qui peuvent consentir librement des quasi-fonds propres à toutes sociétés dans lesquelles ils détiennent une participation.
Dans la mesure où ce seuil de 5% peut constituer un frein au soutien financier de ces véhicules d'investissement, l'ordonnance permet de s'exempter temporairement de cette limite, de sorte que les fonds et sociétés de capital-risque concernés peuvent consentir des avances en compte-courant à toutes leurs participations répondant aux critères susvisés.
d. Dispositif temporaire
L'ensemble des dérogations visées ci-dessus est applicable aux avances consenties entre le 18 juin 2020 et le 31 décembre 2020 inclus.
En outre, il convient de noter que les fonds et sociétés concernés par les rehaussements de plafonds (de 20 ou de 30%) auront l'obligation de revenir en deçà du plafond de 15% qui leur est applicable au plus tard au 30 juin 2022. En d'autres termes, d'ici cette date, les avances consenties au-delà du plafond de 15% devront avoir été remboursées par les entreprises bénéficiaires concernées.
III. Nouveau dispositif de garantie d'Etat du financement des entreprises par affacturage
Le 10 juillet 2020, l'Assemblée Nationale a adopté, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances rectificatives n°3[12], un nouveau dispositif proposé par le gouvernement afin de renforcer le financement du poste client des entreprises grâce à l'affacturage.
En complément des PGE, ce dispositif permettra aux entreprises de bénéficier de financements d'affacturage dès la prise de commandes, sans attendre la livraison et l'émission des factures correspondantes. Ces préfinancements seront éligibles à la garantie de l'État.
Comme l'indique le communiqué du Ministère de l'Economie du 10 juillet 2020, « Ce préfinancement garanti permettra aux entreprises de gagner en moyenne 45 jours de trésorerie par rapport à l'affacturage classique. Ces financements permettront le financement du besoin en fonds de roulement lié à la reprise d'activité et ainsi, d'honorer le plus grand nombre de commandes nouvelles. Ce préfinancement de court terme permettra également de détendre les délais de paiement au sein des chaînes de valeur, notamment dans l'industrie, le bâtiment et la construction. »
Une fois la loi définitivement adoptée, le nouveau dispositif sera soumis à l'approbation de la Commission européenne. Les mesures d'application réglementaires sont annoncées en vue d'une entrée en vigueur du dispositif dans le courant de l'été. Il sera applicable aux financements de commandes prises jusqu'au 31 décembre 2020.
[1] Selon le tableau de bord PGE au 3 juillet 2020 : plus de 535.000 ont bénéficié du PGE
[2] Décret n°2020-712 du 12 juin 2020 relatif à la création d'un dispositif d'aides ad hoc et arrêté du 19 juin 2020 fixant le barème des taux d'emprunt des aides de soutien en trésorerie des petites et moyennes entreprises fragilisées par la crise de covid-19
[3] Communication de la commission européenne, « Encadrement temporaire des mesures d'aide d'Etat visant à soutenir l'économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 », JOUE 20 mars 2020
[4] Règlement (UE) No 651/2014 DE LA COMMISSION du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité
[5] Se pose toutefois la question de savoir s'il ne fallait pas une autorisation de la Commission pour restreindre la notion d'entreprises en difficulté notamment à l'égard des PME. En effet, des critères autres que celui relatif à l'existence d'une procédure collective semblent s'appliquer aux PME de 3 ans et plus conformément au Règlement (UE) N°651/2014
[6] FAQ PGE, question n°2
[7] Question 9 de la FAQ PGE
[8] Article 2 du décret du 12 juin 2020
[9] Règlement (CEE) n° 696/93 du Conseil du 15 mars 1993 et Recommandation de la Commission du 6 mai 2003 concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises – Les seuils ont été repris en droit français par le décret n°2008-1354 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise pour les besoins de l'analyse statistique et économique
[10] Voir notamment l'article 7 de l'arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l'Etat et la question 15 de la FAQ PGE
[11] A noter ; ces fiches ne reprennent néanmoins pas correctement la définition des PME (notamment utilisation d'un « et » à la place du « ou »)
[12] Article 16 sexies, Amendement n°2410
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