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Fiscalité des entreprises

Transfert de déficits : le Conseil d’Etat livre un premier mode d’emploi des nouvelles règles encadrant la délivrance de l’agrément

21/12/2017

Anne Colmet Daâge - Mathieu Ferré

Dans une décision du 25 octobre 2017[1], le Conseil d'Etat vient interpréter, pour la première fois, les nouvelles règles encadrant le transfert des déficits résultant de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012[2]. S'il retient que ces nouvelles règles s'appliquent intégralement pour les transferts de déficits opérés au profit d'une société au cours d'un exercice clos à compter du 4 juillet 2012, il vient préciser que la nouvelle condition tenant à l'absence de changement significatif de l'activité dont les déficits transférés sont issus doit être appréciée intrinsèquement au regard des seules évolutions de cette activité. Si cette analyse est plutôt favorable aux entreprises, la portée de de cette décision doit être relativisée, les entreprises devant continuer de porter une attention particulière aux évolutions, tant sectorielles que globales, de leur(s) activité(s).

Dans le cadre de l'objectif de lutte contre les transferts abusifs de déficits, l'article 15 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 a, notamment, durci les conditions de délivrance de l'agrément conditionnant le transfert des déficits en cas d'opération de restructurations.

Si antérieurement les conditions requises étaient limitées à ce que l'opération de restructuration soit placée sous le régime spécial des fusions de l'article 210 A du code général des impôts (CGI), qu'elle soit justifiée du point de vue économique et obéisse à des motivations principales autres que fiscales[3], et que l'activité à l'origine des déficits soit poursuivie pendant au moins trois ans à compter de la réalisation de l'opération[4], le législateur est venu les renforcer en ajoutant les exigences suivantes :

- la condition tenant à la poursuite de l'activité par la société bénéficiaire de l'apport, figurant désormais au c) du II de l'article 209 du CGI, nécessite désormais que l'activité poursuivie ne fasse pas l'objet de « changement significatif, notamment en termes de clientèle, d'emploi, de moyens d'exploitation effectivement mis en œuvre, de nature et de volume d'activité » ;
- une nouvelle condition, figurant au b), prévoit que l'activité à l'origine des déficits ne doit « pas avoir fait l'objet par la société absorbée, pendant la période au titre de laquelle ces déficits et ces intérêts ont été constatés, de changement significatif, notamment en termes de clientèle, d'emploi, de moyens d'exploitation effectivement mis en œuvre, de nature et de volume d'activité » ;
- enfin, la loi prévoit expressément au d) l'exclusion du transfert des déficits provenant de la « gestion d'un patrimoine mobilier par des sociétés dont l'actif est principalement composé de participations financières dans d'autres sociétés ou groupements assimilés ni de la gestion d'un patrimoine immobilier »[5].

Ces nouvelles modalités, si elles encadrent le transfert des déficits à la société bénéficiaire des apports, conditionnent également le transfert des intérêts dont la déduction est différée en application du II de l'article 212 du CGI et doivent être respectées afin de pouvoir procéder à l'imputation des déficits d'un ancien groupe fiscal intégré sur une base élargie lorsque l'agrément prévu au 6 de l'article 223 I du CGI est sollicité[6].

Dans l'affaire soumise à l'examen du Conseil d'Etat, la société Serena Caoutchouc, dénommée à l'époque des faits SCI 159 de la Fuye, a procédé le 30 décembre 2012 à la dissolution sans liquidation (TUP) de sa filiale, la SARL Serena Caoutchouc, qu'elle détenait à 100 %. Souhaitant obtenir le transfert des déficits de celle-ci, estimés à 612 735 euros, elle avait sollicité, avant la réalisation de l'opération, la délivrance de l'agrément prévu au II de l'article 209 du CGI.

Pour autant, l'administration avait refusé de le lui délivrer au double motif que, d'une part, l'opération en cause n'aurait pas été justifiée par un motif économique, et, d'autre part, que l'activité de la filiale dissoute avait subi des changements significatifs au cours des exercices précédant l'opération qui faisaient, selon elle, obstacle au transfert desdits déficits en application des nouvelles règles.

En effet, la filiale qui exerçait historiquement une activité déficitaire de production de ficelles, corde et filets avait, à compter de l'exercice 2009, développé en parallèle une nouvelle activité de négoce, également déficitaire. Cette nouvelle activité avait bien vite supplanté la première puisqu'elle avait représenté 41 % du chiffre d'affaires global de la société en 2009, 97 % de celui-ci en 2010 et était même devenue l'activité exclusive de la filiale à compter de l'exercice 2011.

Contestant ce refus, la société avait donc saisi le juge de l'excès de pouvoir.

La détermination de la portée temporelle et des incidences concrètes de la réforme opérée par la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 était donc essentielle puisque l'administration opposait à la société les nouvelles dispositions du b) du II de l'article 209 du CGI.

Alors que la société contestait tant le fait que ces nouvelles règles lui soient appliquées que l'interprétation qu'en retenait l'administration, elle n'obtint aucune satisfaction devant les juges du fond puisque la Cour administrative d'appel de Nantes considéra que l'opération réalisée par la société entrait dans le champ du nouveau dispositif et que la filiale ne satisfaisait pas aux nouvelles conditions, notamment, du fait de l'évolution de son activité appréciée de manière globale[7].

Dans le cadre de son pourvoi en cassation, la société contestait, d'une part, le fait que la cour administrative d'appel ait fait application des nouveaux critères à l'opération en cause alors même les déficits dont elle sollicitait le transfert avait été dégagé antérieurement à la réforme et, d'autre part, l'interprétation retenue par les magistrats nantais de la nouvelle condition figurant au b) du II de l'article 209 du CGI tenant à l'absence de changement significatif affectant l'activité de la société dissoute.

Si la Haute-juridiction va, sous réserve d'une rectification formelle, avaliser l'analyse développée par la cour quant aux modalités d'entrée en vigueur de la réforme, elle va en revanche censurer la portée conférée par celle-ci à la nouvelle condition du b) du II de l'article 209 du CGI.

Date d'entrée en vigueur de la réforme
S'agissant de ce point, la difficulté résultait du fait que les modalités d'entrée en vigueur de la modification des conditions encadrant la délivrance de l'agrément étaient moins claires que celles prévues dans les précédentes lois ayant modifié les règles relatives au transfert des déficits en cas d'opération de restructurations.

En effet, tandis que ces textes, à savoir la loi de finances pour 2002[8] et la loi de finances rectificative pour 2004[9], avaient prévu l'application des règles qu'elles instauraient « aux opérations réalisées à compter du », respectivement, 1er janvier 2002 et du 1er janvier 2005, ce qui définissait comme élément d'appréciation la date de réalisation de l'opération de restructuration, les dispositions de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 étaient moins claires puisqu'elles se contentaient de prévoir, au II de son article 15, que les nouvelles règles « s'applique[nt] aux exercices clos à compter du 4 juillet 2012 »[10].

Dans ses conclusions devant la cour administrative d'appel[11], le rapporteur public soutenait pour sa part que les nouvelles conditions s'appliquaient « à toute demande d'agrément, quelle que soit la date à laquelle elle a été déposée, sur laquelle il a été statué après le 4 juillet 2012 ». Il retenait ainsi comme critère pertinent la date à laquelle l'administration statuait sur la demande d'agrément en se fondant sur le principe selon lequel la légalité du refus de l'agrément devait s'apprécier au regard des dispositions applicables au jour de son édiction dès lors que le recours contre le refus d'agrément relève du contentieux de l'excès de pouvoir[12].

Une telle solution, un peu trop constructive au regard des termes du II de l'article 15 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 ne convainquit pas totalement la cour administrative d'appel qui considéra que la nouvelle rédaction du II de l'article 209 du CGI « est applicable [...] "aux exercices clos à compter du 4 juillet 2012", c'est-à-dire lorsque les déficits dont le transfert est demandé sont imputables, pour la première fois, sur des bénéfices réalisés par la société absorbante au titre d'exercice clos à compter du 4 juillet 2012 »[13] avant de considérer qu'elle s'appliquait donc à la demande d'agrément de la société au cas d'espèce.

Dans son pourvoi, la société soutenait que les dispositions de l'article 15 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 devaient être interprétées comme ne prévoyant l'application des nouvelles règles que pour les déficits constatés à la suite d'exercice clos à compter du 4 juillet 2012 et que la cour administrative d'appel avait dès lors commis une erreur de droit.

Comme le relève le rapporteur public dans ses conclusions devant le Conseil d'Etat, l'application immédiate de la réforme aux stocks de déficits existants résultait de l'esprit de cette réforme puisque « la solution […] défendue par la société, qui revendrait d'ailleurs à différer considérablement dans le temps l'effet de la réforme, serait contraire à la lettre du texte mais aussi à l'intention concordante du législateur révélée par l'examen des travaux préparatoires ». Ainsi, il proposait d'écarter le moyen du contribuable en indiquant qu' « il est logique de raisonner, pour l'application de cette disposition, par rapport à l'exercice d'imputation des déficits dont le transfert est souhaité ».

Dans sa décision, la formation de jugement si elle n'annule pas l'arrêt de la cour sur ce point, vient tout de même légèrement modifier la formule retenue.

La Haute-juridiction juge que « la nouvelle rédaction du II de l'article 209 du code général des impôts est applicable lorsque les déficits dont le transfert est demandé sont transférables à la société absorbante au cours d'un exercice clos à compter du 4 juillet 2012 »[14] et ce indépendamment de leur imputation effective au titre de cet exercice.

Si la Haute-juridiction partage l'interprétation retenue par les magistrats nantais s'agissant de l'entrée en vigueur de la réforme, elle va en revanche retenir une analyse bien différente quant à l'appréciation de la nouvelle exigence figurant au b) du II de l'article 209 du CGI.

L'interprétation de la condition mentionnée au b) : l'exigence d'une analyse sectorielle du changement significatif d'activité
Rappelons que, désormais, le b du II de l'article 209 du CGI prévoit, comme condition à la délivrance de l'agrément que « l'activité à l'origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé n'a pas fait l'objet par la société absorbée ou apporteuse, pendant la période au titre de laquelle ces déficits et ces intérêts ont été constatés, de changement significatif, notamment en termes de clientèle, d'emploi, de moyens d'exploitation effectivement mis en œuvre, de nature et de volume d'activité ».

Interprétant ce texte, la Cour administrative d'appel de Nantes avait retenu une conception « globale » de l'activité à laquelle cette disposition se réfère, suivant sur ce point les conclusions de son rapporteur public selon lesquelles « compte tenu des intentions du législateur, [...] l'appréciation de l'existence, pendant la période au titre de laquelle les déficits et intérêts dont le transfert est demandé ont été constatés, d'un "changement significatif [...]" dont l' "activité à l'origine des déficits ou des intérêts" aurait fait l'objet par la société absorbée doit se faire globalement au niveau de la société »[15].

La cour administrative d'appel avait ainsi considéré, en droit, que « lorsque d'une part, une ou plusieurs branches d'activité déficitaires ont été adjointes par la société absorbée à celles préexistantes au cours de la période au titre de laquelle ont été constatés les déficits dont le transfert a été demandé, et, d'autre part, les branches d'activité préexistantes ne représentent plus qu'une part marginale, voire nulle, de l'activité transférée à la société absorbante, cette activité doit être regardée comme ayant subi des changements significatifs »[16], avant de juger que tel était le cas en l'espèce dès lors que, à compter de l'exercice 2009, la filiale avait développé une nouvelle activité de négoce, qui était devenue prépondérante au point de représenter 97 % du chiffre d'affaires réalisé par la société en 2010 suite à une cession d'une branche d'activité, et même l'unique activité de la société à partir de l'exercice 2011[17].

Une telle analyse est vigoureusement censurée par le Conseil d'Etat dans cette décision qui vient rétablir une interprétation du texte conforme à la lettre des dispositions en cause en affirmant qu' « il résulte toutefois des dispositions du b du II de l'article 209 du code général des impôts précitées que la condition qu'elles énoncent tient à ce qu'examinée pour elle-même, l'activité transférée à la société absorbante n'ait pas fait l'objet de changements significatifs pendant la période au titre de laquelle ont été constatés les déficits dont le transfert est demandé »[18].

Comme l'indique le rapporteur public dans ses conclusions, si cette question était inédite dans la jurisprudence du Conseil d'Etat, l'exigence d'une analyse sectorielle du changement significatif de l'activité ressortait de la logique du texte.

En effet, comme cela peut se constater tant dans la rédaction du texte que dans les travaux parlementaires[19], les dispositions du b) ne sont que le miroir de celles figurant au c) ; la seconde visant à s'assurer que l'activité à l'origine des déficits soit poursuivie et ne fasse pas l'objet de changement significatif pendant une certaine durée postérieurement à l'opération, tandis que la première prévoit un contrôle similaire s'agissant de la période antérieure à l'opération, au cours de laquelle les déficits ont été constatés[20].

Or, comme le rappelle le rapporteur public, l'objet du c) est de s'assurer que « sont seuls transférables les déficits d'une activité reprise par la société absorbante, à l'exclusion du déficit né d'une activité abandonnée », ce qui ressortait clairement de l'exposé des motifs du projet de loi[21].

Il résulte de cette symétrie que c'est au regard de chaque activité transférée qu'il convient d'examiner si celle-ci a fait l'objet, au cours de la période de naissance des déficits, d'un changement significatif d'une nature quelconque. Ceci est d'ailleurs conforme à l'objectif poursuivi par le législateur qui était de « s'assurer que le déficit n'a pas été volontairement créé par une modification de l'activité de la société, afin de pouvoir être transféré ultérieurement à une société bénéficiaire ».

L'analyse opérée doit ainsi nécessairement être sectorielle sans qu'il y ait lieu de procéder à l'appréciation de la stabilité de l'activité de l'entreprise étudiée dans son ensemble. Selon le rapporteur public, « le simple changement significatif du poids relatif d'une activité transférée ne peut donc justifier, à lui seul, le refus d'agrément ».

Il est intéressant de relever que pour le rapporteur public, la solution inverse aurait été susceptible de faire « obstacle à des transferts de déficits sur agrément pourtant légitimes ». Il évoque à ce titre le cas d'une entité qui transférerait une activité déficitaire, exploitée de manière constante, dans le cadre d'une fusion après avoir cédé une autre activité. Si au vu de l'interprétation adoptée par la juridiction, les dispositions du II de l'article 209 du CGI ne feront pas obstacles au transfert de ce déficit, il n'en demeure pas moins que les possibilités de transférer les déficits dans une telle situation ne sont pas garanties (v. infra).

Ainsi, au vu de cette interprétation, la formation de jugement ne pouvait que censurer pour erreur de droit l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Nantes dès lors que celle-ci avait, pour rejeter la requête de la société, jugé que l'activité de négoce - la seule à avoir été transférée à la société absorbante - devait être réputée avoir subi des changements significatifs en se fondant uniquement sur les évolutions afférentes à l'activité de production.

L'arrêt est donc annulé avant que l'affaire ne soit renvoyée devant les magistrats nantais afin d'y être rejugée.

Portée de la décision
Si cette décision est favorable au contribuable, il ne faut pas se méprendre sur sa portée réelle. En effet, cette solution ne signifie pas que, dans le cas d'espèce, la société pourra obtenir, au fond, l'annulation du refus d'agrément et le transfert de l'intégralité des déficits litigieux. Par ailleurs, contrairement à ce que laisseraient sous-entendre les propos du rapporteur public, l'évolution globale de l'activité de la société pourra tout de même être susceptible d'impacter le montant des déficits susceptibles d'être transférés, y compris dans les cas où l'activité à l'origine de ceux-ci n'a pas subi, en elle-même de changement significatif.

En effet, au cas d'espèce, le Conseil d'Etat n'a pas considéré que l'activité de négoce exercée par la société n'a pas, en elle-même, fait l'objet de changements significatifs car telle n'est pas la portée de la décision qui vient uniquement censurer le raisonnement mis en œuvre par les juges du fond. Ainsi, cette décision ne fait pas obstacle à ce que la cour de renvoi aboutisse à la même conclusion que dans l'arrêt annulé en se fondant cette fois-ci exclusivement sur les évolutions de l'activité de négoce entre l'exercice 2009 au cours duquel elle a été initiée et l'exercice de dissolution de la filiale, comme par exemple, sur le fait que le volume du chiffre d'affaires de cette activité aurait significativement augmenté.

L'absence de transfert des déficits afférents à une activité non transférée. - Alors même que la cour de renvoi considérerait que l'opération était bien justifiée par un motif économique et que l'activité de négoce n'avait pas subi de changements significatifs sur la période en cause permettant ainsi le transfert du déficit dégagé par cette activité, seule la fraction des déficits afférente à l'activité de négoce exercée à partir de 2008 pourrait, en application du c du II de l'article 209 du CGI, être transférée à l'exclusion de celle résultant de l'activité de production ayant cessé en 2011 comme l'indique expressément dans ses conclusions le rapporteur public devant le Conseil d'Etat[22].

Le risque de cessation d'entreprise résultant d'un changement d'activité (CGI, art. 221, 5). - Cette décision ne doit pas être interprétée comme signifiant qu'un changement significatif dans l'activité globale de la société, comme par exemple l'adjonction d'une activité nouvelle - même bénéficiaire -, ne peut jamais faire obstacle au transfert des déficits.

En effet pour que le déficit puisse être transféré, encore faut-il qu'il existe encore à la date où le transfert est demandé, voire même, à la date où l'opération est réalisée.

Or, la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 a également modifié les dispositions du 5 de l'article 221 du CGI[23] selon lesquelles « le changement de […] l'activité réelle d'une société emporte cessation d'entreprise » afin de prévoir qu'un tel changement d'activité sera réputé être intervenu, sous réserve des cas où la société obtiendrait un agrément de l'administration à la suite d'une demande préalable[24], en cas :

- d'adjonction d'une activité entraînant, au titre de l'exercice de sa survenance ou de l'exercice suivant, une augmentation de plus de 50 % par rapport à l'exercice précédant celui de l'adjonction soit du chiffre d'affaires de la société, soit de l'effectif moyen du personnel et du montant brut des éléments de l'actif immobilisé de la société ;
- d'abandon ou du transfert, même partiel, d'une ou de plusieurs activités entraînant, au titre de l'exercice de sa survenance ou de l'exercice suivant, une diminution de plus de 50 % par rapport à l'exercice précédant celui de l'abandon ou du transfert soit du chiffre d'affaires de la société, soit de l'effectif moyen du personnel et du montant brut des éléments de l'actif immobilisé de la société.

En application de ce texte, quand bien même l'activité à l'origine du déficit n'aurait pas fait, en elle-même, l'objet d'un changement significatif au sens du b du II de l'article 209 du CGI, l'ajout ou l'abandon d'une autre activité par la société déficitaire avant la réalisation de l'opération pourra se traduire, dans le cas où l'entreprise n'aurait pas sollicité préalablement un agrément auprès de l'administration, par la perte de son déficit reportable faisant obstacle à son éventuel transfert ultérieur.

Précisons que, eu égard aux modalités d'entrée en vigueur de la modification du 5 de l'article 221 du CGI, ce risque ne concerne que les changements d'activité survenus à compter d'un exercice clos à compter du 4 juillet 2012. En revanche, à compter de cette date, la survenance d'un tel changement sans agrément entraînera la perte de l'intégralité du stock de déficits existant à la clôture de l'exercice au cours duquel le seuil est dépassé.

En pratique, lorsqu'une société souhaitera vérifier si son déficit est bien susceptible d'être transféré elle devra :

- D'une part, procéder à une analyse globale visant à vérifier qu'elle n'a pas fait l'objet d'un changement d'activité au sens des conditions prévues par le 5 de l'article 221 du CGI au cours d'un exercice clos à compter du 4 août 2012 ;

Si tel est le cas, seuls les déficits générés postérieurement à l'événement en question seront susceptibles de faire l'objet d'un transfert. Dans le cas où une partie de son stock de déficits proviendrait d'exercices antérieurs, cet examen ne devra pas être occulté mais il conviendra de le réaliser au regard des conditions beaucoup plus libérales posées par l'ancienne jurisprudence du Conseil d'Etat[25].

- D'autre part, identifier les activités à l'origine de son déficit et procéder à une analyse sectorielle de l'évolution des activités transférées.

En premier lieu, seuls les déficits générés par la ou les activités qui seront effectivement transférées pourront faire l'objet du transfert. En second lieu, la société devra vérifier, pour chacune des activités transférées ayant contribué au stock de déficit, si celles-ci, prises individuellement, n'ont pas fait l'objet d'un changement significatif au cours de la période où les déficits ont été constatés.

Les sociétés déficitaires qui tiennent à leur déficit doivent donc être particulièrement vigilantes lorsqu'elles envisagent une modification de leur(s) activité(s)...


[1] CE, 25 octobre 2017, n° 401403, SARL Serena Caoutchouc

[2] Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, art. 15

[3] CGI (ancien), art. 209, II, a) ; cette condition figure désormais au a) du II de l'article 209 du CGI.

[4] CGI (ancien), art. 209, II, b)

[5] Rappelons que le Conseil d'Etat a considéré que, dans leurs versions antérieures, les dispositions du II de l'article 209 du CGI ne faisait pas obstacle à la transmission du déficit d'une holding pure (v. notamment CE, 25 janvier 2017, n° 388834, min. c/ SA A2micile Europe ; CE, 25 janvier 2017, n° 387187, Sté Korian : RJF 2/17 n° 310).

[6] CGI, art. 223 I, 6, c) ; dans un tel cas, ces conditions doivent être respectées par l'ensemble des sociétés membres de l'ancien groupe qui sont reprises dans le cadre du nouveau groupe et qui font partie du périmètre de la base élargie sollicitée.

[7] CAA Nantes, 12 mai 2016, n° 14NT02921, SARL Serena Caoutchouc : RJF 2/17 n° 110

[8] Loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002, art. 85, I, E et II, D

[9] Loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, art. 42

[10] Relevons que cette différence de rédaction est justifiée par le fait que l'article 15 de la loi en question prévoyait des modifications d'autres dispositions ne concernant pas spécifiquement les opérations de restructuration

[11] Concl. A.-C. Wunderlich : RJF 2/17 n° C 110, § 18

[12] A rapprocher de CE, Sect., 6 mars 1992, n° 100445, AFACE : RJF 4/92 n° 540 reprenant, implicitement, la solution édictée en matière de contentieux général (v. par exemple CE, Sect., 22 juillet 1949, Sté des automobiles Berliet : Rec. p. 367)

[13] CAA Nantes, 12 mai 2016, n° 14NT02921, SARL Serena Caoutchouc, cons. 3

[14] CE, 25 octobre 2017, n° 401403, SARL Serena Caoutchouc, cons. 3

[15] Concl. A.-C. Wunderlich : RJF 2/17 n° C 110, § 20

[16] CAA Nantes, 12 mai 2016, n° 14NT02921, SARL Serena Caoutchouc, cons. 6

[17] Ibid., cons. 7

[18] CE, 25 octobre 2017, n° 401403, SARL Serena Caoutchouc, cons. 4

[19] « le c nouveau prévoit une condition de stabilité future pour l'activité de la société absorbante, cette nouvelle rédaction du b introduit une condition de stabilité passée de l'activité de la société absorbée » (Rapport de C. Eckert fait au nom de la Commission des finances de l'Assemblée nationale, p. 236)

[20] L'objectif de ces deux textes est en revanche différent : tandis que le c) vise à s'assurer de la pérennité de l'activité transférée, le b) vise quant à lui à vérifier que l'activité n'a pas fait l'objet de changements destinés à apporter du déficit à la société absorbante.

[21] On peut en effet lire dans l'évaluation préalable de l'article 12 du projet de deuxième loi de finances rectificative pour 2012 que « Il est économiquement et juridiquement cohérent que les déficits suivent l'activité apportée lors d'une opération de restructuration, dès lors qu'elle est effectivement poursuivie dans des conditions analogues. » (Projet enregistré à l'Assemblée nationale le 4 juillet 2012, p. 207).

[22] « Ainsi dans le cas de la société Serena, la circonstance que seule l'activité de négoce a été reprise faisait obstacle au transfert du déficit reportable de l'activité de production abandonnée en 2011 ».

[23] Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, art. 15, I, B

[24] Le ii du c du 5 de l'article 221 du CGI prévoit en effet que ne sont pas considérées comme entraînant une cessation d'activité de tels changements à la suite d'un agrément délivré par l'administration lorsque ces opérations sont « indispensables à la poursuite de l'activité à l'origine des déficits et à la pérennité de l'emploi » (v. également BOI-IS-CESS-10, 2 août 2017, n° 480).

[25] V. par exemple CE, 18 mai 2005, n° 259276, SARL Sophie B : RJF 8-9/05 n° 834, concl. P. Collin : BDCF 8-9/05 n° 99

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