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Fiscalité des entreprises
Projet de loi de finances rectificative pour 2021
Jérôme Ardouin, Mathieu Ferré
Le projet de loi de finances rectificative pour 2021 a été présenté en Conseil des ministres et déposé à l'Assemblée nationale le 2 juin 2021.
Conformément à ce qui avait été annoncé dans la presse, ce texte prévoit un assouplissement temporaire du dispositif de report en arrière des déficits (« carry-back ») au titre du premier exercice déficitaire clos entre le 30 juin 2020 et le 30 juin 2021 : par dérogation aux règles classiques, le déficit de cet exercice pourrait être reporté, sans limite quant à son montant, sur les bénéfices réalisés au titre des trois exercices précédents.
Autrement, le projet, qui ne prévoit aucune hausse d'impôt, se limite, en matière fiscale, à reconduire le dispositif de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, à augmenter, de manière temporaire, le taux de la réduction d'impôt sur le revenu en cas de dons au profit d'associations cultuelles et à clarifier la portée de l'exonération des aides versées par le fonds de solidarité prévue par la loi de finances rectificative du 25 avril 2020[1].
Assouplissement temporaire des règles relatives au report en arrière des déficits (« carry-back »)
Les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés qui constatent un déficit au titre d'un exercice peuvent, sur option, décider d'imputer ce déficit sur le bénéfice déclaré au titre du précédent exercice dans la limite d'un montant maximum de 1 000 000 €[2]. Cette imputation permet à l'entreprise de bénéficier d'une créance sur l'Etat remboursable, en principe, à l'expiration d'un délai de cinq ans si elle n'a pas été utilisée entretemps par l'entreprise pour payer ses cotisations ultérieures d'impôt sur les sociétés.
Afin d'améliorer la situation financière des entreprises, le projet prévoit d'assouplir de manière exceptionnelle ces règles en permettant que le déficit constaté au titre du premier exercice déficitaire clos entre le 30 juin 2020 et le 30 juin 2021 puisse être imputé, sans limitation quant à son montant, sur les bénéfices déclarés au titre des trois exercices précédents, diminués des déficits qui auraient été antérieurement reportés en arrière. Si cette imputation pourrait être effectuée sans tenir compte du plafonnement de 1 000 000 €, les autres conditions relatives au bénéfice d'imputation devraient être respectées[3].
Pour les groupes fiscaux intégrés, le texte précise que le déficit d'ensemble pourrait être imputé, dans cette limite de trois exercices, sur les bénéfices d'ensemble déclarés par le groupe ou sur les bénéfices déclarés par la société mère avant la constitution du groupe fiscal.
Par dérogation aux règles classiques, le taux d'impôt sur les sociétés à appliquer aux déficits reportés en arrière pour déterminer le montant de la créance de carry-back serait de 25 %[4] ou, le cas échéant, le taux réduit des PME pour la fraction des bénéfices concernée[5].
Par ailleurs, si l'entreprise a déjà opté pour le report en arrière de son déficit de l'exercice en application des modalités de droit commun, le montant de la créance de carry-back résultant de l'application du dispositif temporaire serait diminué du montant de la créance de carry-back « classique ».
Enfin, la créance de carry-back résultant de l'application du dispositif temporaire ne pourrait pas bénéficier des modalités dérogatoires de remboursement immédiat prévues par la loi de finances rectificative pour 2020[6]. Comme cela ressort de l'exposé des motifs, seules les entreprises ayant fait l'objet d'une procédure de conciliation ou de sauvegarde, d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires pourraient obtenir le remboursement immédiat de leurs créances. Les autres entreprises ne pourraient obtenir le remboursement qu'au terme du délai habituel de cinq ans si elles n'ont pas été en mesure de l'utiliser pour payer leurs cotisations d'impôt sur les sociétés et si elles ne l'ont pas préalablement mobilisée.
L'option pour le report en arrière des déficits prévu par cette mesure, qui ne serait pas codifiée dans le Code général des impôts, devrait être exercée « jusqu'à la date limite de dépôt de la déclaration de résultats d'un exercice clos au 30 juin 2021[7] et au plus tard avant que la liquidation de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice suivant celui au titre duquel l'option est exercée ne soit intervenue ».
Reconduction de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat
Le projet prévoit de reconduire un dispositif de prime exceptionnelle de pouvoir d'achat. Seraient ainsi exonérées de tout prélèvement fiscal et social les primes, versées, entre le 1er juin 2021 et le 31 mars 2022, à des employés dont les salaires sont inférieurs ou égaux à trois fois le SMIC, dans la limite de 1 000 € par employé ou de 2 000 € dans certains cas particuliers.
[1] Loi n° 2020-473 de finances rectificative pour 2020, art. 1er
[2] CGI, art. 220 quinquies
[3] Le déficit ne pourrait ainsi pas être imputé, notamment, sur la fraction du bénéfice qui a été distribuée, sur des bénéfices exonérés d'impôt ou sur un bénéfice qui a donné lieu à un impôt payé au moyen de crédits d'impôt (CGI, art. 220 quinquies, I, al. 1er).
[4] Soit le taux applicable aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022. Selon l'administration ce taux correspond au taux d'imposition des bénéfices sur lesquels la majeure partie du déficit concerné par le dispositif aurait été imputée si celui-ci avait été reporté en avant.
[5] Pour apprécier si la société relève du taux réduit des PME, il est précisé qu'il conviendrait de se référer au chiffre d'affaires de l'exercice au titre duquel l'option est exercée.
[6] L'article 5 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 permettait un remboursement immédiat à l'ensemble des entreprises des créances de carry-back nées d'une option exercée au titre d'un exercice clos au plus tard le 31 décembre 2020.
[7] En vertu des dispositions de l'article 223 du CGI, cette date correspond au 30 septembre 2021.