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Fiscalité des entreprises
Projet de loi de finances pour 2022
Jérôme Ardouin, Mathieu Ferré
Le projet de loi de finances pour 2022 a été présenté en Conseil des ministres et déposé à l'Assemblée nationale le 22 septembre 2021.
En matière de fiscalité des particuliers, les mesures prévues sont anecdotiques, comme la sécurisation du champ d'application du crédit d'impôt en faveur des services à la personne
En matière d'imposition des bénéfices, les principales mesures sont en lien avec le plan en faveur des travailleurs indépendants présenté le 16 septembre, que ce soit l'aménagement des dispositifs d'exonération prévus en cas de transmission d'une entreprise ou la déduction fiscale, à titre temporaire, de l'amortissement du fonds commercial des petites entreprises. En matière de TVA, plusieurs modifications sont apportées, comme la possibilité, pour les assujettis concernés, de déterminer précisément la portée de l'option pour l'assujettissement à la TVA de certaines prestations bancaires et financières ou encore l'exigibilité de la TVA sur les livraisons de biens au moment du versement d'un acompte.
S'adaptant aux injonctions de la jurisprudence, le projet aménage plusieurs dispositifs de retenues à la source afin de permettre la prise en compte des charges supportées pour l'acquisition et la perception du revenu, y compris par le biais d'une déduction forfaire dans le cas de la retenue à la source de l'article 182 B.
Enfin, malgré la contrainte budgétaire, le projet ne remet pas en cause la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés, fixé à 25 % à partir du 1er janvier 2022, ou la suppression progressive de la taxe d'habitation précédemment adoptées.
Fiscalité des entreprises
Imposition des revenus des non-résidents
Mise en conformité de certaines retenues à la source avec le droit de l'Union européenne
Le projet prévoit d'aménager plusieurs retenues à la source, notamment celle de l'article 182 B du code général des impôts sur les rémunérations des prestations de service et les redevances et celle du 2 de l'article 119 bis du même code sur les dividendes, afin de prendre en compte la jurisprudence du Conseil d'Etat[1].
Concernant la retenue à la source de l'article 182 B, elle serait désormais calculée sur le montant brut des sommes versées, diminué d'un abattement de 10 % lorsque le bénéficiaire est une personne morale ou un organisme dont les résultats ne sont pas imposés à l'impôt sur le revenu entre les mains d'un associé et dont le siège ou l'établissement stable dans le résultat duquel les sommes ou produits sont inclus est situé soit dans un Etat membre de l'Union européenne (UE), soit dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen (EEE) qui a conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et qui n'est pas non coopératif. Par ailleurs, un tel bénéficiaire pourrait réclamer, sous réserve que les règles de son Etat de résidence ne lui permettent pas d'imputer la retenue à source, la restitution de la fraction excédant l'imposition qui aurait été due en France sur ces revenus compte tenu des charges directement liées à leur acquisition et à leur perception qu'il a supportées et qui auraient été fiscalement déductibles si le bénéficiaire avait été situé en France.
Cette possibilité de réclamer l'excédent de retenue à la source serait aussi prévue, sous les mêmes conditions, pour la retenue à la source de l'article 182 A bis relative aux revenus tirés de prestations artistiques fournies ou utilisées en France.
Elle serait aussi prévue pour la retenue à la source du 2 de l'article 119 bis sous réserve que le bénéficiaire soit situé, soit dans un Etat membre de l'UE, soit dans un Etat de l'EEE qui a conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et qui n'est pas non coopératif, soit même dans un autre pays ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et qui n'est pas non coopératif si la participation détenue par le bénéficiaire des dividendes dans la société distributrice ne lui permet pas de participer de manière effective à la gestion ou au contrôle de celle-ci[2].
Enfin, le projet prévoit d'aménager légèrement la procédure permettant aux personnes morales étrangères déficitaires d'obtenir la restitution de la retenue à la source qu'elles ont supportée en France[3] : la demande de restitution pourrait désormais être présentée dans le délai de réclamation prévu par les articles R*196-1 et R*196-3 du livre des procédures fiscales et le délai dont dispose les personnes ayant obtenu le remboursement de sommes pour déposer leur déclaration de résultat et bénéficier du maintien du report d'imposition serait relevé de trois à six mois à compter de la clôture de l'exercice.
Ces modifications s'appliqueraient aux retenues à la source dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2022.
Imposition des bénéfices
Le projet contient plusieurs mesures fiscales précédemment annoncées par le Gouvernement dans le cadre du plan en faveur des indépendants :
- Abattement sur les plus-values mobilières en cas de départ à la retraite du dirigeant d'une PME[4]
Le délai maximal pouvant s'écouler entre la date du départ à la retraite et la date de la cession des titres serait porté à 36 mois (au lieu de 24) pour les départs à la retraite intervenant entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021. Par ailleurs, le bénéfice de cet abattement serait prorogé aux cessions réalisées jusqu'au 31 décembre 2024.
- Exonération de plus-values professionnelles en cas de départ à la retraite d'un entrepreneur individuel[5]
Le délai maximal pouvant s'écouler entre la date du départ à la retraite et la date de la cession des titres serait également porté à 36 mois (au lieu de 24) pour les départs à la retraite intervenant entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021.
Par ailleurs, en cas d'entreprise donnée en location-gérance, le champ d'application du dispositif serait étendu à sa cession à une personne autre que le locataire-gérant.
- Exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés des plus-values de cession d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité[6]
Ces plus-values seraient exonérées, en totalité lorsque le prix de cession, ou la valeur vénale des éléments transmis, est inférieur ou égal à 500 000 euros (au lieu de 300 000 euros actuellement), et partiellement lorsque le prix de cession est compris entre 500 000 euros et 1 000 000 euros (au lieu de 500 000 euros).
Le champ d'application du dispositif serait par ailleurs étendu à la cession d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité donnée en location-gérance à une autre personne que le locataire-gérant.
- Déduction fiscale de l'amortissement du fonds commercial des petites entreprises
L'article 214-3 du Plan comptable général permet aux petites entreprises au sens de l'article L. 123-16 du code de commerce d'amortir leurs fonds commerciaux sur 10 ans sans avoir à justifier que les effets bénéfiques de cet actif prendront fin à une date déterminée. Toutefois, un tel amortissement n'est pas déductible sur le plan fiscal[7]. De manière dérogatoire et temporaire, le projet prévoit la possibilité de déduire fiscalement les amortissements du fonds commercial constatés en comptabilité au titre des fonds acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2023.
- Option pour le régime réel d'imposition
Le délai pour opter ou pour renoncer à un régime réel d'imposition en matière de bénéfices industriels et commerciaux (BIC), de bénéfices non commerciaux (BNC) ou de bénéfices agricoles (BA) serait étendu.
Taxe sur la valeur ajoutée
Modification des règles d'exigibilité de la TVA sur les acomptes liés à des livraisons de biens
Afin de mettre en conformité le droit interne avec la directive TVA, le projet prévoit que la TVA afférente à des livraisons de biens serait exigible au moment de l'encaissement d'un acompte, à concurrence du montant perçu, lorsque celui-ci intervient avant la date de la livraison. Cette nouvelle règle s'appliquerait aux acomptes perçus à compter du 1er janvier 2023.
Modification de l'option pour l'assujettissement à la TVA de certains services financiers
Les assujettis peuvent, en application de l'article 260 B du code général des impôts, opter pour l'assujettissement à la TVA de certaines opérations qui se rattachent aux activités bancaires, financières et, d'une manière générale, au commerce des valeurs et de l'argent. A l'heure actuelle, cette option est globale et couvre, lorsqu'elle est exercée, toutes les opérations entrant dans le champ de la mesure.
Le projet prévoit que les assujettis puissent opter opération par opération, plutôt que globalement. A défaut de disposition particulière, ces nouvelles règles seraient applicables à compter du 1er janvier 2022.
TVA à l'importation
Le projet prévoit d'étendre le nouveau régime de la TVA à l'importation aux personnes morales non assujetties identifiées à la TVA. Par ailleurs, le délai de déclaration en matière de TVA à l'importation serait aligné sur le délai de droit commun en supprimant le délai supplémentaire de deux mois. A défaut de disposition particulière, ces nouvelles règles seraient applicables à compter du 1er janvier 2022.
Autres mesures en matière de TVA
- Le projet précise les conditions requises pour être accrédité comme représentant fiscal, conditions afférentes à leur moralité fiscale et économique, à l'adéquation de leurs moyens par rapport à leur mission de représentation et à leur solvabilité financière. A cet égard, les personnes déjà accréditées bénéficieraient d'un délai de deux ans pour se mettre en conformité avec l'obligation de solvabilité.
- Le projet précise, pour la détermination de la base d'imposition à la TVA des opérations fournies en contrepartie de la remise de bons à usages multiples[8], qu'en l'absence d'information sur la contrepartie payée en échange du bon, il faudrait utilisée la valeur monétaire indiquée sur le bon ou dans la documentation correspondante. Cette règle entrerait en vigueur le 1er juillet 2022.
- Le projet aménage les taux réduits de TVA applicables dans les secteurs de l'agroalimentaire et de la santé
- Le projet transpose plusieurs directives et légalise des positions doctrinales afin d'exonérer à compter du 1er janvier 2021 certaines opérations réalisées par la Commission européenne ou d'autres organismes européens dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 ou, à compter du 1er juillet 2022, les opérations réalisées sous certaines conditions par les forces armées des Etats membres de l'UE ou de l'OTAN.
Mesures diverses
Création d'une taxe sur les exploitants de plateformes de mise en relation en vue de fournir certaines prestations de transport
Afin de financer l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi (ARPE)[9], le projet prévoit d'instaurer une taxe due par les plateformes proposant des services de mise en relation proposés en vue de fournir certaines prestations, comme le transport de passagers au moyen d'une voiture avec chauffeur ou une livraison de marchandises au moyen d'un véhicule à deux ou trois roues.
La taxe, dont le taux sera fixé par arrêté sans toutefois dépasser 0,5 %, serait calculée sur une assiette égale à la différence entre les sommes encaissées au cours d'une année par l'opérateur de plateforme et celles qu'il verse aux utilisateurs du service de mise en relation. La taxe serait due à raison des revenus encaissés dès 2021.
Suppression de taxes à faible rendement
Le projet prévoit la suppression de plusieurs taxes dites à faible rendement :
- la tarification des déplacements effectués au moyen de véhicules terrestres à moteur (péage urbain) ;
- la taxe due par les entreprises de transport maritime de passagers en outre-mer ;
- la taxe sur les frais d'intervention occasionnés par l'usage d'une fréquence ou d'une installation radioélectrique, sans autorisation ou en dehors des conditions légales et réglementaires, ayant causé ou susceptible de causer le brouillage d'une fréquence régulièrement attribuée ;
- la redevance spécifique due par les titulaires de concessions de mines hydrocarbures dans la zone économique exclusive au large de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Suppression de niches fiscales
Le projet prévoit la suppression de plusieurs dépenses fiscales :
- l'exonération d'impôt sur les sociétés des bénéfices réalisés, au cours des 24 mois suivant leur création, par les sociétés créées entre le 1er juillet 2007 et le 31 décembre 2021 en vue de reprendre une entreprise ou des établissements industriels en difficulté, ainsi que les exonérations temporaires d'impôts locaux dont bénéficient ces entreprises ;
-l'exonération, sur agrément, des bénéfices réinvestis dans l'entreprise par les sociétés de recherche et d'exploitation minière dans les départements d'outre-mer ;
- l'exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés prévue pour les entreprises qui exercent une activité en zones franches urbaines (ZFU) ;
- la réduction d'impôt sur le revenu au titre des dépenses réalisées sur certains espaces naturels en vue du maintien et de la protection du patrimoine naturel ;
- l'exonération d'impôt sur le revenu des lots d'obligations et primes de remboursement attachées à des emprunts négociables émis avant le 1er janvier 1992 ;
- l'exonération d'impôt sur le revenu des intérêts des sommes inscrites sur un compte épargne d'assurance pour la forêt (CEAF) ouverts jusqu'au 31 décembre 2013.
[1] CE, 22 novembre 2019, n° 423698, SAEM de gestion du Port Vauban et CE, 9 septembre 2020, n° 434364, Sté Damolin Etrechy à propos de l'article 182 B ; CE, 11 mai 2021, n° 438135, UBS Asset Management Life Ltd à propos de l'article 119 bis, 2.
[2] Cette condition particulière prévue pour les bénéficiaires résidents de pays en dehors de l'UE ou de l'EEE est identique à celle prévue dans le cadre de la procédure de remboursement des retenues à la source supportées par des sociétés déficitaires (CGI, art. 235 quater) ou, en dernier lieu depuis la loi de finances rectificative pour 2021, pour obtenir la restitution de l'excédent du prélèvement de l'article 244 bis B du CGI.
[3] CGI, art. 235 quater
[4] CGI, art. 150-0 D ter
[5] CGI, art. 151 septies A. L'exonération s'applique aussi aux personnes exerçant dans le cadre d'une société de personnes relevant de l'article 8 du CGI.
[6] CGI, art. 238 quindecies
[7] CE, avis, 8 septembre 2021, n° 453458, SELARL Pharmacie de Bracieux
[8] CGI, art. 266, 1, a bis
[9] Ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d'exercice de cette représentation