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Fiscalité des entreprises
Projet de loi de finances pour 2021 : anticiper la baisse annoncée des impôts de production
Benjamin Bardet
Conformément aux annonces du gouvernement lors de la présentation du plan de relance de l'économie pour faire face à la crise, plusieurs articles du projet de loi de finances pour 2021 sont consacrés à la baisse des impôts dits de production.
Si la plupart des mesures prévues ne nécessitent aucune action particulière des entreprises, il peut être utile d'anticiper dès à présent l'impact de ces mesures.
Baisse de la CVAE[1]
Actuellement fixé à 1,5 %, le taux de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) serait divisé par deux pour être fixé à 0,75 %.
Corrélativement ;
- le montant du dégrèvement barémique serait modifié afin que les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 500.000 euros et 50 millions d'euros bénéficient également de cette division du taux par deux ;
- le dégrèvement complémentaire pour les petites entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 millions d'euros serait également divisé par deux et fixé à 500 euros (au lieu de 1.000 euros) ;
- le montant de la CVAE minimale serait abaissé à 125 euros (au lieu de 250 euros) ;
- le seuil d'exigibilité des acomptes serait également adapté et fixé à 1.500 euros (au lieu de 3.000 euros).
A noter, le taux de la taxe additionnelle à la CVAE serait en revanche multiplié par deux afin de ne pas affecter les ressources des chambres de commerce et d'industrie, passant ainsi de 1,73 % à 3,46 %.
Cette mesure serait applicable dès les impositions de CVAE due au titre de 2021.
Quelles conséquences pratiques ?
La baisse de la CVAE, considérée comme un impôt en US GAAP, viendra alléger la charge fiscale pesant sur l'entreprise. L'impact de cette baisse doit notamment être anticipé sur les acomptes à verser en 2021 mais pas sur le solde de CVAE 2020 à verser en mai 2021.
Abaissement à 2 % du taux du plafonnement de la CET[2]
En application de l'article 1647 B sexies du CGI, la contribution économique territoriale (CET) de chaque entreprise, composée de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la CVAE, est plafonnée à 3 % de sa valeur ajoutée : lorsque la charge de CET excède ce plafond, l'excédent peut faire l'objet d'un dégrèvement.
Le taux du plafonnement serait abaissé à 2 %, à compter des impositions 2021, afin de ne pas exclure du dispositif les entreprises qui bénéficieront de la baisse de leur charge de CVAE.
Quelles conséquences pratiques ?
La baisse du taux du plafonnement à la valeur ajoutée devrait entrainer une augmentation du nombre de redevables susceptibles d'en bénéficier, sous réserve de ne pas oublier de faire la demande de dégrèvement. Rappelons que cette demande doit prendre la forme d'une réclamation contentieuse à déposer dans le même délai que celui applicable en CFE, i.e. avant le 31 décembre de l'année N+1 pour un plafonnement sollicité au titre de l'année N.
Allègement de l'évaluation de la valeur locative des établissements industriels[3]
Le projet prévoit une réduction de moitié des taux d'intérêt servant à la détermination de la valeur locative comptable des établissements industriels. Il en résulterait une division par deux de la charge de CFE et de taxes foncières.
Actuellement, la valeur locative d'un établissement industriel s'obtient en appliquant au prix de revient de ses différents éléments, un taux d'intérêt fixé par décret à 8 % pour les terrains. Fixé à 12 % pour les constructions et installations soumises à la taxe foncière, ce taux fait l'objet d'un abattement de 25 % pour les biens acquis ou créés avant le 1er janvier 1976 (soit 9 %) et de 33,33 % pour ceux acquis ou créés à partir de cette date (soit 8 %).
Pour les impositions établies au titre de 2021, ces taux seraient directement fixés par la loi et ils s'élèveraient à 4 % pour les sols et terrains et à, respectivement, 4,5 % (6 % moins abattement de 25 %) et 4 % (8 % moins abattement de 33,33 %) pour les constructions et installations selon qu'elles aient été acquises ou créées avant ou après le 1er janvier 1976.
L'abattement de 30 % de la valeur locative des établissements industriels applicable pour la détermination de CFE serait maintenu.
Parallèlement, serait également modifiée la revalorisation annuelle de la valeur locative afin de la rapprocher de celle applicable aux locaux professionnels, ce qui devrait entrainer une hausse annuelle moins rapide que celle constatée ces dernières années.
Quelles conséquences pratiques ?
L'allègement de la valeur locative des établissements industriels peut amener à rebattre les cartes des contentieux afférents à la nature industrielle ou non de certains établissements, et des arbitrages passés pourront être reconsidérés.
En effet, compte tenu de cette baisse de la valeur locative des établissements industriels, l'évaluation des bâtiments selon la méthode comptable pourrait ne pas être systématiquement moins favorable qu'une évaluation selon la méthode tarifaire applicable aux locaux professionnels, laquelle a été réformée en 2017.
Il conviendra donc d'apprécier les impacts en matière de TF et de CFE de la qualification fiscale de certains établissements, tout en prenant en considération la réforme des valeurs locatives des locaux professionnels ainsi que les impacts du passage d'une catégorie de locaux à une autre.
Exonération facultative de CFE pendant trois ans pour les créations ou extensions d'établissement[4]
Actuellement, en cas de création d'établissement, la CFE n'est pas due l'année de création et la base du nouvel exploitant est réduite de moitié pour la première année d'imposition. En cas d'extension d'établissement, compte tenu de la période de référence de la CFE, l'augmentation des bases constatées à la clôture d'une période de référence N est imposée à compter de l'année d'imposition N+2.
Afin de favoriser l'implantation ou l'extension d'activité sur leur territoire, le projet prévoit que, sur délibération des collectivités locales, l'exonération de CFE en cas de création d'établissement pourrait être prolongée de trois ans, et cet avantage fiscal pourrait être étendue aux extensions d'établissement. Cette exonération serait applicable aux créations et extensions intervenues à compter du 1er janvier 2021.
Une nouvelle définition de la notion d'extension d'établissement serait à cette occasion codifiée.
Conformément aux règles applicables en matière de CET, cette exonération facultative de CFE serait transposable à la CVAE due au titre de l'établissement concerné.
Ces dispositions concerneraient les établissements industriels et les établissements professionnels, et le bénéfice de l'exonération serait soumis à une déclaration du contribuable.
Quelles conséquences pratiques ?
Cette mesure d'exonération étant subordonnée à une décision des collectivités locales, tout projet de de création ou d'extension d'établissement invite à se rapprocher des élus locaux afin d'étudier les possibilités de mettre en œuvre une telle exonération, puis à bien s'assurer du respect des obligations déclaratives pour ne pas perdre le bénéfice de la mesure.
[1] Projet, art. 3
[2] Projet, art. 3
[3] Projet, art. 4
[4] Projet, art. 42