Prestation ajoutée au panier Aucune prestation n'a été sélectionnée. Continuer mes achats Valider mon panier Ajouter au panier Mon panier (0) (1)
prestations
Mon compte Connexion / Création compte Information < Retour aux offres Annuler Fermer Valider

Articles & Actualités

Fiscalité des entreprises

Pilier 2 de la proposition GloBE de l'OCDE : en marche vers un taux d'imposition minimal pour les multinationales*

04/01/2021

Eric Fourel, Valentin Deschamps

L'OCDE a ouvert le 12 octobre dernier une consultation publique sur ses dernières propositions en matière de lutte contre les pratiques fiscales agressives. Dans sa stratégie de multithérapies administrées aux multinationales, l'adjonction d'un taux minimum d'imposition pourrait constituer l'antidote phare de la deuxième vague.

Le projet de l'OCDE de lutte contre l'érosion des bases fiscales et le transfert de bénéfices (projet BEPS), dont les 15 actions faisant l'objet de rapports définitifs publiés en octobre 2015 ont généré au cours des dernières années de nombreuses modifications législatives, conventionnelles ou de « soft law », a radicalement modifié les pratiques des entreprises multinationales en matière de fiscalité internationale.

Le principal objectif poursuivi en 2015 était de faire coïncider le lieu d'imposition des profits avec celui de la création de valeur générée en regard de la localisation effective des fonctions humaines des entreprises ainsi que du contrôle des risques et des actifs. Le projet BEPS visait aussi à contre-carrer tout phénomène de double non-imposition et d'abus des conventions fiscales en instaurant davantage de cohérence et de transparence dans l'ordre fiscal international. A cette époque, nulle ambition était toutefois affichée de porter atteinte à la souveraineté fiscale des Etats et à leur capacité en particulier d'édicter des taux d'imposition faibles, voire nuls, pour les activités exercées localement.

Face à l'absence de consensus quant aux évolutions des règles de territorialité nécessaires pour adresser les problématiques spécifiques touchant à la numérisation de l'économie, les travaux BEPS de l'OCDE ont été poursuivis au sein du « Cadre inclusif » qui réunit 137 pays. C'est ainsi que, cinq ans plus tard, l'OCDE vient de soumettre à consultation publique, le 12 octobre 2020, une nouvelle Proposition globale de lutte contre l'érosion de la base d'imposition (GloBE). Le premier pilier de cette proposition est effectivement centré sur l'économie numérique tandis que son second pilier a une portée beaucoup plus large.

Ce second pilier de GloBE vise en effet à apporter une réponse beaucoup plus aboutie aux problématiques BEPS non résolues en 2015 en faisant en sorte que les grandes entreprises multinationales paient un niveau d'impôt minimum sur leurs bénéfices indépendamment de la localisation de leurs activités.

La solution systémique ainsi proposée par l'OCDE est applicable aux entreprises ayant un chiffre d'affaires supérieur à 750 millions d'euros (seuil identique à l'obligation d'établir une déclaration pays par pays issue de l'action 13 des travaux BEPS de 2015). Elle ne remet pas en cause directement la liberté des Etats à adopter le régime fiscal de leur choix mais, par le truchement d'un enchevêtrement de règles d'une rare complexité, elle organise la réallocation aux autres Etats d'implantation des multinationales de la base fiscale insuffisamment taxée constatée dans tel ou tel pays qui pratiquerait un régime fiscal privilégié.

L'objectif clairement affiché est de dissuader les entreprises à localiser des activités bénéficiaires dans des pays à faible fiscalité dès lors que les gains procurés par ces dispositifs ne compenseraient plus les coûts induits (coûts financiers et de conseil liés à ces dispositifs, coûts de réputation, etc.) et à inviter les Etats à réduire leurs écarts de taux en neutralisant leurs incitations fiscales excessives.

L'instauration d'un taux minimum d'imposition repose sur deux règles principales qui devront être introduites dans leur droit interne par les Etats qui adhéreront à la proposition GloBE.

Règle de l'inclusion du revenu

La règle de l'inclusion du revenu (RIR) prévoit l'imposition au niveau de la société mère ultime du groupe, ou de celle qui lui est immédiatement la plus proche dans la chaîne de participation, du bénéfice insuffisamment taxé provenant de ses filiales ou succursales ayant un taux effectif d'imposition inférieur au taux minimum fixé dans le cadre de ces travaux de l'OCDE. A ce stade, ce taux minimum n'est pas arrêté mais selon les divers exemples donnés dans le rapport, on peut penser qu'il se situera entre 10 % et 12,5 %.

L'imposition complémentaire à prélever correspondra à l'écart existant entre ce taux et le taux effectif d'imposition (TEI) de l'ensemble des entités contrôlées au sein d'un même pays ; le TEI étant déterminé à partir des bénéfices locaux ressortant des comptes consolidés après divers retraitements spécifiques visant notamment à neutraliser les dividendes et plus-values intra-groupes. Des règles complexes sont par ailleurs prévues pour tenir compte, d'une part, de différences temporaires pouvant abaisser le TEI en deçà du taux minimum ou générer un complément d'imposition seulement de manière circonstancielle, et d'autre part, pour exclure de la RIR le bénéfice dégagé à raison d'un rendement notionnel des actifs investis.

Règle relative aux paiements insuffisamment imposés

La règle relative aux paiements insuffisamment imposés (RPII) intervient à titre supplétif lorsque la RIR n'a pu être appliquée, en tout ou partie, parce que l'Etat de la société mère ultime ou des autres entités interposées dans la chaîne de détention n'auraient pas incorporé la RIR dans leur droit interne ou bien lorsque la société mère ultime est elle-même sous imposée.

Dans cette hypothèse, l'écart d'imposition résiduel entre le TEI et le taux minimum sera réalloué aux Etats des autres entités d'implantation du groupe ayant introduit la RPII et ce, soit au prorata des paiements intra-groupe faits au pays concerné par toutes les entités appliquant la RPII, soit en cas d'insuffisance résiduelle d'imposition, au prorata des charges nettes intra-groupe de ces entités.

En définitive, le système fonctionne de telle manière que, dès lors qu'un pays d'implantation génère un TEI inférieur au taux minimum, un complément d'imposition sera nécessairement déclenché selon la séquence orchestrée par le dispositif entre les Etats d'implantation du groupe qui auront introduit le dispositif dans leur droit interne. Voilà qui devrait être un puissant accélérateur à l'adoption du régime par les différents Etats s'ils ne veulent pas laisser échoir à d'autres les compléments d'imposition qu'ils seraient en droit de prélever selon la proposition GloBE.

Règles de nature conventionnelle

Deux autres règles, nécessitant quant à elles des modifications conventionnelles qui pourraient intervenir à nouveau par voie d'un accord multilatéral comme pour l'action 15 issue des travaux de 2015, viennent compléter le dispositif :
- la règle d'assujettissement à l'impôt (RAI) qui permet aux Etats d'où proviennent des paiements de nature passive (intérêts, redevances et rémunérations de certaines prestations de services) de pratiquer une retenue à la source à hauteur de l'impôt minimal s'il ne correspond pas au taux d'impôt nominal pratiqué sur ces paiements par l'Etat de l'entité réceptrice ;
- la règle de substitution (RS) qui permet à l'Etat de siège d'une société mère d'appliquer la RIR à ses propres succursales y compris lorsque la convention applicable prévoit une méthode d'exonération des bénéfices de celle-ci.


La perspective de devoir appliquer un dispositif aussi complexe a évidemment suscité de nombreuses demandes de simplification qui sont esquissées dans le rapport publié le 12 octobre et qui sont l'objet de la consultation publique devant se clore le 14 décembre 2020 en vue de travaux complémentaires. Il n'empêche que dès lors qu'un consensus politique se dégagera au niveau de l'OCDE tel qu'il est espéré au cours de l'année 2021, il est probable que l'entrée en vigueur de la solution proposée interviendra progressivement au cours des prochaines années. Même si le projet est aujourd'hui très avancé, un certain nombre de difficultés techniques demeurent à résoudre comme, par exemple, les conditions d'entrée et de sortie du régime en présence de déficits et les adaptations au cadre fiscal spécifique des Etats-Unis rendues nécessaires pour emporter leur adhésion.

Parce que la solution proposée est fondée sur des critères mécaniques et objectifs construits de manière systémique, elle constituera un contre feu quasi-imparable à la localisation de base imposable dans des pays à fiscalité privilégiée. Restera néanmoins au service de la planification fiscale internationale des entreprises, la capacité d'opérer des arbitrages favorables puisque le taux minimum envisagé ne devrait pas être supérieur à 12,5 % alors que la moyenne des taux applicables au sein de l'OCDE est actuellement de 20 %. Une telle perspective suppose toutefois qu'il n'y ait pas à moyen terme une troisième vague aux travaux BEPS visant à resserrer encore plus drastiquement les écarts de taux qui demeurent pour l'instant admis.


* Cet article a été publié dans la revue Option Finance du 7 décembre 2020

Les expertises qui pourraient vous intéresser