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Fiscalité des entreprises
Nouvelle relation de confiance : des partenariats renouvelés en vue d’une approche plus collaborative avec la DGFiP ?
Jean-Pierre Lieb, Charles Ménard, Morgan Vail
Le 14 mars 2019, lors du colloque intitulé « Pour une nouvelle relation de confiance entre les entreprises et l'administration fiscale », le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a dévoilé les sept piliers de la nouvelle relation de confiance imaginée par la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP).
Cette démarche s'inscrit dans le prolongement de la loi pour un État au service d'une société de confiance (ESSOC)1 et permet de dépoussiérer une initiative déjà lancée il y a cinq ans par la DGFiP.
Les sept initiatives de la nouvelle relation de confiance sont les suivantes :
- le partenariat fiscal pour les entreprises de taille moyenne (« ETI ») et les grandes entreprises ;
- l'accompagnement fiscal personnalisé pour les PME ;
- l'examen de conformité fiscale par un tiers de confiance ;
- la création d'un service de mise en conformité fiscale2 ;
- l'amélioration du dialogue et des recours dans le cadre des contrôles ;
- la création d'un guichet unique pour les rescrits ;
- le soutien des entreprises françaises à l'international.
La présente lettre d'alerte détaille les trois premières mesures.
La mise en place d'un partenariat fiscal pour les ETI et les grandes entreprises
A la suite de l'expérimentation qui avait été conduite en 2013 auprès de 14 entreprises, la DGFiP entend renouveler le dispositif de partenariat fiscal, dans une version améliorée et plus flexible.
Reconduit de manière tacite chaque année, le partenariat fiscal « nouvelle génération » se traduit par la signature d'un protocole avec l'Etat au terme duquel les parties s'engagent à respecter des principes de coopération et d'échange en matière fiscale. Le 14 mars 2019, douze premiers protocoles de partenariat ont ainsi été signés3.
A qui s'adresse le partenariat fiscal ?
Le partenariat fiscal est ouvert aux entreprises de plus de 250 salariés réalisant un chiffre d'affaires égal ou supérieur à 50 millions d'euros4 et ayant respecté, au cours des trois dernières années précédant celle du dépôt de candidature, l'ensemble de leurs obligations déclaratives, de conformité et de paiement.
Au cours de ces trois années, l'entreprise candidate doit également avoir fait preuve de diligence eu égard notamment à son obligation de réponse aux demandes de renseignement de l'administration et ne doit pas avoir fait l'objet de pénalités pour manquement intentionnel5. Ces conditions sont, de manière générale, appréciées au niveau de l'entreprise signataire seulement. Néanmoins, en présence d'un groupe intégré au plan fiscal, l'appréciation des manquements se fait au niveau de l'ensemble des sociétés membres de l'intégration, s'ils résultent d'une décision arrêtée par le groupe ou s'ils apparaissent d'un niveau significatif6 au regard de ce dernier. Cette hypothèse devra être explicitée car en l'absence de personnalité juridique et/ou d'organe décisionnel du groupe intégré, elle est pour le moment assez difficile à appréhender.
Le guide publié sur le site economie.gouv.fr précise néanmoins que l'ensemble des critères sont appréciés conjointement avec l'entreprise et en tenant compte des circonstances et des enjeux entourant la demande de partenariat.
Les conditions d'éligibilité doivent par ailleurs être respectées durant toute la durée du partenariat.
Quel est l'objet du partenariat conclu par l'entreprise avec l'Etat ?
L'objet du partenariat fiscal consiste à sécuriser les positions fiscales retenues par l'entreprise grâce à l'émission de rescrits qui seront délivrés par l'administration fiscale. Ces rescrits sont délivrés à la suite d'un dialogue établi avec l'entreprise sur les traitements fiscaux qu'il convient de retenir pour certaines opérations et points fiscaux dits « à enjeux », dont le contour aura été déterminé préalablement par l'entreprise, en lien avec l'administration.
Pour faciliter le dialogue et la coopération, l'entreprise peut s'adresser à un interlocuteur fiscal unique désigné par l'administration et dont le rôle est de mobiliser les compétences nécessaires pour répondre aux questions qui lui sont posées. Cet interlocuteur n'est pas issu, contrairement à la première expérimentation conduite en 2013, du service de contrôle, mais du service partenaire des entreprises (SPE), service dédié nouvellement créé au sein de la direction des grandes entreprises (DGE).
Quelles sont les conséquences du dialogue permanent engagé avec l'administration dans le cadre du partenariat ?
La société s'engage, dans le cadre du partenariat, à présenter son activité à l'administration ainsi que, chaque année, les évènements stratégiques, financiers et juridiques affectant la vie du groupe. En matière fiscale plus précisément, elle doit fournir l'ensemble des documents permettant d'identifier les problématiques relatives au champ du partenariat.
En retour, elle bénéficie d'un accès facilité aux rescrits ainsi que d'un traitement de faveur lorsqu'elle entend corriger des erreurs qu'elle a commises de bonne foi. Il est notamment prévu que la correction d'erreurs ou omissions commises de bonne foi et révélées dans le cadre du partenariat seront prises en compte sans application de pénalités et avec un intérêt de retard réduit de moitié.
Par ailleurs, comme dans le cadre de la procédure de rescrit général, toute problématique fiscale ayant donné lieu à l'émission d'un avis formel de la part de l'administration ne pourra donner lieu à des rappels si la position de l'entreprise est conforme à la solution retenue par l'administration dans son avis et que les faits constatés sont identiques à ceux qui lui avaient été présentés. De manière favorable, dans le cas d'un groupe d'intégration fiscale, les positions prises par la DGFiP dans le cadre du partenariat fiscal lui sont opposables par toutes les sociétés membres du groupe se trouvant dans une situation identique.
Dans le cas où l'entreprise n'est pas d'accord avec la solution retenue par l'administration, elle peut demander un second examen en vertu de l'article L. 80 CB du livre des procédures fiscales (LPF). Si un accord ne peut pas être trouvé, la DGFiP notifiera, via la DGE, les conséquences fiscales de sa position et le litige pourra être soumis par l'entreprise au juge de l'impôt selon les voies de droit habituelles.
Enfin, pour les informations et documents reçus dans le cadre du partenariat mais qui ne concerneraient pas les sujets clés identifiés par l'entreprise, l'administration est tenue au secret professionnel et ne peut les utiliser à des fins de contrôle fiscal.
L'accompagnement fiscal personnalisé pour les PME
L'accompagnement fiscal personnalisé est un partenariat « à la carte » qui entend cibler, en priorité, les PME à fort potentiel de croissance en termes de chiffre d'affaires et d'emploi.
A qui s'adresse l'accompagnement fiscal personnalisé ?
L'accompagnement fiscal est destiné aux PME au sens du droit de l'Union européenne (UE), c'est-à-dire aux entreprises de moins de 250 salariés et qui ont un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 millions d'euros7.
De la même manière que pour le partenariat avec les ETI et grands groupes, les PME ayant fait l'objet de pénalités pour manquement intentionnel sont en principe non éligibles à l'accompagnement. Pour autant, là-aussi, une appréciation conjointe entre l'administration et l'entreprise de l'ensemble des critères, à l'aune des circonstances et des enjeux entourant la demande d'accompagnement, sera menée.
Quel est l'objet de l'accompagnement fiscal pour les PME ?
L'objet de l'accompagnement fiscal consiste également à sécuriser les positions fiscales retenues par l'entreprise grâce à l'émission d'un rescrit.
Cependant, contrairement à ce qui est prévu dans le cadre du partenariat, le dialogue qui s'engage avec l'administration n'est pas permanent mais « à la carte ». Il s'engage selon les besoins du contribuable, dès lors qu'il a des interrogations sur une opération, que celle-ci soit récurrente ou ponctuelle.
L'administration a par ailleurs un rôle d'assistance et de conseil plus affirmé. En effet, elle intervient comme un quasi-conseil fiscal aidant le contribuable à identifier les sujets fiscaux dont le traitement mériterait d'être clarifié et analysant avec lui les options fiscales dont il dispose. Elle peut également assurer la formalisation des questions sur lesquelles une prise de position formelle de l'administration serait nécessaire.
L'interlocuteur des PME est issu des équipes du service juridique des directions régionales (DRFiP), distinctes de celles des services de contrôle fiscal.
Quelles sont les conséquences des échanges ?
Les conséquences sont les mêmes que celles exposées ci-avant en matière de partenariat.
L'examen de conformité fiscale par un tiers de confiance
Les contours de la nouvelle mission d'examen de conformité fiscale avaient déjà été dévoilés dans le cadre de la consultation publique, ouverte en juillet 2018, au lendemain de l'adoption par le Parlement de la loi pour un Etat au service d'une société de confiance8.
Un groupe de travail animé par la DGFiP est toujours chargé de finaliser l'élaboration des textes entourant ce pilier, mais les principales caractéristiques de ce nouveau service ont été présentées par Gérald Darmanin.
Pensé pour sécuriser des questions simples, usuelles et pour lesquelles il y a généralement convergence entre le droit fiscal et la comptabilité, l'examen de conformité fiscale par un tiers de confiance serait, dans un premier temps, réalisé par les commissaires aux comptes (CAC) avant d'être éventuellement ouvert, dans un second temps, à d'autres professions.
A l'aune de ce qui a été à date présenté, toutes les entreprises pourraient avoir recours à ce service. En cas de contrôle et de rappel ultérieur sur un point validé par le tiers certificateur, les conséquences seraient doubles :
- Tout d'abord, l'entreprise pourrait obtenir le remboursement des honoraires payés au tiers certificateur et engager la responsabilité civile de ce dernier en cas de préjudice subi.
- Par ailleurs, aucune pénalité et aucun intérêt de retard ne seraient appliqués à l'entreprise qui aura suivi les recommandations de son tiers certificateur.
[1] Loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance (JO du 11 août 2018).
[2] Voir sur ce point notre alerte : Service de mise en conformité fiscale pour les entreprises
[3] Les signataires sont Air Liquide, Air France, Arkema, BPCE, Engie, Safran, Saint-Gobain, Total, Nestlé France, General Electric France, Parts Holding Europe et Haulotte Group.
[4] Ou dont le total de bilan est supérieur ou égal à 43 millions d'euros.
[5] Pénalités pour manquement délibéré prévues à l'article 1729, a du CGI ainsi que celles prévues en cas d'abus de droit (1729, b du CGI), de manœuvres frauduleuses (1729, c du CGI) ou d'activité occulte (1728, c du CGI)
[6] Il n'est pas précisé ce qu'il convient d'entendre par « significatifs », ce terme pouvant renvoyer tant aux montants en jeu, qu'à la récurrence des manquements constatés ou même au caractère fréquemment rencontré du sujet par la DGFiP (sujet de place).
[7] Ou un total de bilan n'excédant pas 43 millions d'euros.
[8] Loi n° 2018-727 du 10 août 2018.