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Fiscalité des entreprises
L’obligation de certification des logiciels de caisse est entrée en vigueur
Gwenaëlle Bernier - Laurence Bouchard-Plottin
Depuis le 1er janvier 2018, les assujettis à la TVA qui enregistrent les règlements de leurs clients non assujettis au moyen d'un logiciel ou d'un système de caisse sont tenus d'utiliser un logiciel ou un système « certifié », c'est-à-dire satisfaisant à des conditions d'inaltérabilité, de sécurisation, de conservation et d'archivage des données.
Le respect de ces quatre conditions se matérialise par la détention d'un certificat délivré par l'éditeur du logiciel ou par un organisme accrédité et attestant de la conformité du logiciel. En cas d'absence d'attestation de certification, l'utilisateur peut être sanctionné par une amende de 7.500 euros pouvant être réitérée –selon le BOFIP- tous les 60 jours, par attestation/certification manquante #1.
Afin d'enregistrer les règlements des clients, l'article 88 de la Loi de Finances pour 2016 a institué l'obligation d'utiliser des logiciels de comptabilité, de gestion ou des logiciels ou systèmes de caisse certifiés (art. 286 I 3°du CGI). Cette disposition avait un champ d'application très large dans la mesure où elle intégrait plusieurs types de logiciels (logiciel de comptabilité, logiciel de gestion et logiciel de caisse), tous types de transactions (B2B et B2C) ou encore tous types de règlements (espèces, chèques, cartes bancaires, etc.). Cela a suscité de nombreuses interrogations et inquiétudes de la part des contribuables qui ont de ce fait sollicité une limitation du champ d'application de cette mesure et ont tenté d'obtenir une date d'entrée en vigueur retardée.
Afin de répondre aux interrogations et inquiétudes des contribuables et de simplifier le dispositif, le champ d'application des dispositions de l'article 88 de la loi de finances pour 2016 a été restreint, via l'article 105 de la loi de finances pour 2018, aux seuls logiciels ou systèmes de caisse et aux seules transactions réalisées avec les clients non assujettis.
Un communiqué de presse du 15 juin 2017 du ministre de l'Action et des Comptes Publics avait marqué le souhait du gouvernement de recentrer ce dispositif sur les seuls logiciels et système de caisse. La foire aux questions (FAQ) publiée par l'administration fiscale le 28 juillet 2017 tout en confirmant ce périmètre a également circonscrit le dispositif aux seules opérations réalisées avec les clients non assujettis. Sont par ailleurs également exclus du respect de l'obligation de certification, les assujettis placés sous le régime de la franchise TVA (notamment les auto-entrepreneurs) et ceux qui effectuent des opérations exclusivement exonérées de TVA. Ces précisions de l'été 2017, n'ayant aucune valeur juridique, il a fallu attendre l'adoption de la loi de finances pour 2018 afin de confirmer les restrictions du champ d'application de cette mesure antifraude qui est entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2018.
Concernant les logiciels entrant dans le champ d'application de ce dispositif, l'article 105 de la Loi de finances pour 2018 précise que seuls les logiciels ou les systèmes de caisse qui peuvent être utilisés pour enregistrer les règlements des clients non assujettis entrent dans le champ d'application de ce dispositif. Le législateur a donc exclu de l'obligation de certification les logiciels de comptabilité et de gestion. Il pourrait en revanche en aller différemment si ces logiciels intégraient des fonctionnalités de caisse.
Concernant les assujettis entrant dans le champ d'application de ce dispositif, l'article 105 de la loi de finances pour 2018 vise les seules livraisons de biens et des prestations de services ne donnant pas lieu à obligation d'émission d'une facture conformément à l'article 289 du code général des impôts et enregistrées au moyen d'un logiciel ou d'un système de caisse : il s'agit en pratique de toutes les transactions opérées avec des particuliers, qu'une facture ait été ou non émise volontairement (puisque fiscalement - à quelques rares exceptions – l'émission d'une facture n'est pas obligatoire dans le cadre des opérations réalisées avec des particuliers). Le canal de vente traditionnel en boutique est donc visé, comme les canaux qu'offre la nouvelle économie numérique (ventes en ligne) mais également toutes les activités ayant concomitamment des clients professionnels et personnes physiques lorsqu'un seul logiciel de caisse est utilisé indépendamment de la qualité du client.
Sont en revanche exclues de cette mesure les opérations réalisées entre assujettis à la TVA (opérations entre professionnels), avec des assujettis bénéficiant de la franchise en base de la TVA, des assujettis placés sous le régime du remboursement forfaitaire, ainsi que les opérateurs effectuant exclusivement des opérations exonérées de TVA.
A ce jour, de nombreuses questions demeurent cependant quant au périmètre d'application de la nouvelle obligation de certification : ainsi, s'agissant des logiciels multifonctions (comprenant simultanément des fonctionnalités de caisse, comptabilité et gestion), il faudra attendre la publication d'une nouvelle instruction administrative pour avoir confirmation de l'applicabilité de cette réglementation aux seules fonctions de caisse des logiciels multifonctions. Cette instruction attendue dans les semaines à venir devrait également confirmer, comme le prévoit la FAQ du 29 juillet 2017 (non opposable légalement à l'administration), que les entreprises étrangères immatriculées à la TVA non établies en France ne sont pas concernées par l'obligation de certification, par voie de tolérance administrative.
Mais les incertitudes les plus nombreuses concernent encore les modalités de certification elles-mêmes : les éditeurs de logiciels peuvent attester de la conformité de leur logiciel, alors que les entreprises n'ayant pas ce statut devront obligatoirement se faire certifier par l'un des deux seuls organismes certificateurs agréés (LNE ou AFNOR Certification). Ce qui pose plusieurs questions pratiques :
- Que faire si un éditeur n'est pas en mesure de délivrer une attestation ou un certificat dès le 1er janvier 2018 ? Une proposition de charte d'engagement de conformité publiée par l'académie des sciences techniques comptables financières semble avoir eu l'aval au moins informel des autorités fiscales de régulation, à titre transitoire dans l'attente de l'attestation #2.
- Pour les entreprises qui ont pour seul contact un intégrateur de logiciel et non son éditeur, ces obligations d'attestation ou de certification s'appliquent mutatis mutandis à cet intégrateur ; il est donc urgent de vérifier si une obligation de conformité fiscale existe dans les contrats informatiques en cours, pour obtenir cette attestation de leur part.
- Pour les entreprises qui ont développé en interne un logiciel, le passage par l'un des deux organismes certificateurs est obligatoire : à ce jour, les dossiers ne peuvent être traités rapidement en raison de l'afflux de demandes de certification, et pour se prémunir de sanctions possibles en cas de contrôle fiscal, il faudra pouvoir présenter un devis et le paiement d'un acompte auprès d'un de ces deux organismes.
La mesure est globalement louable en s'inscrivant dans la démarche visant à assainir le marché de logiciels trop permissifs permettant d'effectuer des fraudes à la TVA, notamment par l'effacement de certaines données d'encaissement. Au-delà de ces cas manifestes de fraude, les faiblesses de beaucoup de logiciels du marché en terme d'intégrité des données et d'archivage mettent en évidence à tout le moins des risques de pertes de données révélant une faille dans le chemin de révision entre l'encaissement la comptabilisation des opérations de vente.
Toutefois, on peut se demander si son champ d'application ne reste toutefois pas beaucoup trop large au regard de l'autre objectif poursuivi, qui était probablement aussi celui de limiter les investigations conduites par les vérificateurs, par une présomption de conformité. En effet, depuis 2014, des dispositions spécifiques s'appliquent déjà aux logiciels dits permissifs, sanctionnant pénalement tant les éditeurs de logiciels que les utilisateurs ayant sciemment opéré « une manœuvre destinée à égarer l'administration », permettant de supprimer ou altérer un enregistrement stocké ou conservé au moyen d'un dispositif électronique, sans préserver les données originales #3.
Il n'en reste pas moins que l'application de cette nouvelle obligation de certification reste en pratique compliquée et chère pour les entreprises (coût de la certification ou de la mise à jour du logiciel permettant d'obtenir l'attestation), mais pourtant indispensable puisque ce sont elles qui seront in fine sanctionnées.
La DGFIP annonce une application mesurée de la loi en 2018.
2 http://www.lacademie.info/evenements/les_conferences/systemes_de_caisse_et_controle_fiscal_informatise_etes_vous_pret_e
3 CGI, art. 1770 undecies : sanction de 15 % du chiffre d'affaires provenant de la commercialisation des logiciels