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Fiscalité des entreprises

Finalement, les rehaussements afférents à la CFE 2010 ne doivent pas suivre les règles applicables à la procédure de rectification contradictoire

03/11/2017

Benjamin Bardet

​La CFE de l'année 2010 a été versée, à titre exceptionnel, au budget de l'Etat. Cette particularité a permis de l'envisager comme une imposition mise en recouvrement au profit de l'Etat, avec les conséquences à en tirer en matière de procédure de rectification. Mais le Conseil d'Etat, de manière surprenante, vient d'en décider autrement [1].

Bref rappel sur les particularités de la CFE 2010 et les enjeux en matière de procédure de redressement
Au titre de l'année 2010, année de suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale, composée de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, les impositions de CFE ont été, aux termes du second alinéa du I de l'article 1640 B du code général des impôts (CGI), « perçues au profit du budget général de l'Etat ». Dans le même temps, et selon ce même article, les collectivités locales, pour leur part, ont reçu, « au titre de l'année 2010, en lieu et place du produit de la taxe professionnelle, une compensation relais ».

Dès lors, il a pu être légitimement considéré que la CFE 2010 ne constituait pas une imposition directe perçue au profit des collectivités locales au sens de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales (LPF). Or, cet article prévoit que « la procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable : 1° En matière d'impositions directes perçues au profit des collectivités locales (…) », par opposition au principe posé par l'article L. 55 du même livre selon lequel « sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques (…), les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A ».

En conséquence, sont nés des contentieux relatifs à la régularité des rectifications opérées par l'administration en matière de CFE due au titre de l'année 2010 dès lors que le service vérificateur n'avait pas suivi la procédure de rectification contradictoire, privant ainsi le contribuable de l'ensemble des garanties qui entourent cette procédure [2]. En pratique, nous avions constaté un équilibre assez parfait entre les vérificateurs qui avait notifié leur intention de procéder à un rehaussement de la CFE 2010 par un simple courrier d'information (éventuellement selon le modèle 751), et ceux prenant soin d'adresser une proposition de rectification conforme à l'article L. 55 du LPF, ce qui témoignait du caractère particulier de la CFE 2010 et de la sensibilisation de certains services vérificateurs sur ce particularisme.

Des cours administratives d'appel divisées
Si la plupart des tribunaux administratifs ont suivi, sans surprise, la position de l'administration et refusé de déclarer un rehaussement afférent à la CFE 2010 irrégulier dès lors que n'avait pas été respectée la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du LPF, les cours administratives d'appel ont rendu, ces derniers mois, des décisions contrastées.

Des décisions favorables appliquant la lettre du texte. - Deux cours administratives d'appel ont confirmé le caractère d'imposition d'Etat de la CFE 2010.

Tout d'abord, la cour administrative d'appel de Paris dans un arrêt du 6 décembre 2016 [3], censuré par le Conseil d'Etat dans sa décision du 28 septembre 2017 objet du présent commentaire, a estimé que l'administration était tenue « de suivre la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales s'agissant du supplément de cotisation foncière des entreprises dû au titre de la seule année 2010 dès lors que, compte tenu de l'affectation de son produit au budget général de l'Etat, cette imposition n'était pas au nombre de celles qui sont visées au 1° de l'article L. 56 du même livre ». Cette même cour a considéré en outre que le recours à la méthode d'évaluation comptable prévue à l'article 1499, bien que ne résultant pas selon l'administration de la remise en cause des éléments déclarés par le contribuable, n'était pas de nature à exonérer cette dernière de suivre la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du LPF.

Ce raisonnement de la cour administrative d'appel de Paris a été logiquement reproduit une seconde fois dans un arrêt du 28 mars 2017 [4].

La cour administrative de Versailles, dans un arrêt du 28 février 2017, a également considéré que la cotisation foncière des entreprises de l'année 2010 n'entrait pas le champ d'application du 1° de l'article L. 56 du LPF dispensant l'administration de la procédure de rectification contradictoire pour les impositions directes perçues au profit des seules collectivités locales [5].

Dans sa décision, après avoir rappelé les « dispositions claires du I de l'article 1640 B », la cour considère que la compensation relais ne saurait se confondre avec la cotisation foncière des entreprises et « qu'il en est ainsi non seulement des impositions primitives mais également des impositions supplémentaires quel que soit l'impact des rehaussements opérés par l'administration sur le montant de la compensation relais ». Le service soutenait en effet que dès lors que la compensation relais était actualisée en fonction des contrôles réalisés, les rehaussements devaient être regardés comme des impositions directes locales, argument peu convaincant.

Un autre argument du ministre reposait sur les modalités de contrôle prévues par les dispositions du III de l'article 1640 B du CGI selon lesquelles « les services fiscaux opèrent sur la taxe professionnelle de l'année 2010 les contrôles qu'ils auraient opérés si la taxe professionnelle avait été acquittée en 2010 ». La cour le rejette aussi dès lors que ces dispositions ne visent que la taxe professionnelle théorique de l'année 2010 et n'ont donc, selon la cour, « ni pour objet ni pour effet de dispenser de la procédure de rectification contradictoire les opérations de contrôle de la cotisation foncière des entreprises 2010 ». Là encore, l'argument du ministre était peu convaincant, les modalités du contrôle de la cotisation de taxe professionnelle théorique 2010 ne pouvant influer sur les modalités de contrôle de la CFE 2010.

Enfin, le ministre considérait que le supplément de cotisation ne résultait pas de la remise en cause d'éléments déclarés par le contribuable mais du recours à la méthode d'évaluation prévue à l'article 1499 du CGI (méthode comptable) et que cette nouvelle évaluation constituait une évaluation d'office se trouvant exclue de la procédure contradictoire en vertu du 4° de l'article L. 56 du LPF.

Sur le premier point, les magistrats de la cour administrative d'appel de Versailles rejoignent ceux de la cour administrative d'appel de Paris et considèrent qu'un rehaussement résultant d'un changement de méthode d'évaluation n'est « pas de nature à exonérer l'administration de suivre la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du LPF, laquelle ne se limite pas aux cas où l'administration remet en cause des éléments que le contribuable est tenu de déclarer en vue de permettre à celle-ci d'asseoir l'impôt ». Les magistrats accordent ainsi un champ d'application important à la procédure de rectification contradictoire, protectrice des droits des contribuables. Sur le second point, la cour relève sans surprise que les règles afférentes à l'évaluation d'office ne sauraient s'appliquer dès lors que ces dernières visent notamment les cas de défaut ou de retard de déclaration.

Une décision iconoclaste.- La cour administrative d'appel de Marseille, dans un arrêt du 27 avril 2017 a considéré qu'il résulte des dispositions combinées, d'une part, des articles L. 56, L. 57 et R. 57-1 du LPF et, d'autre part, du deuxième alinéa du I de l'article 1640 B du CGI, « que la procédure de redressement contradictoire est applicable aux rectifications apportées à la cotisation foncière des entreprises établie au titre de l'année 2010, qui n'est pas perçue au profit des collectivités locales » [6].

Toutefois, la cour poursuivait de manière surprenante en considérant que si le contribuable (la chambre de commerce et d'industrie) « n'a pas été destinataire, s'agissant de la cotisation supplémentaire de contribution foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010, de la proposition de rectification prévue à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, la lettre du 14 octobre 2011 (…) comportait une motivation complète des éléments justifiant le supplément d'imposition et permettait à la chambre de commerce et d'industrie de présenter ses observations dans un délai de trente jours ; qu'ainsi, la chambre de commerce et d'industrie n'a été privée d'aucune des garanties attachées à la procédure de redressement contradictoire ».

Les magistrats considéraient ainsi que la violation de la procédure contradictoire, qui trouvait donc à s'appliquer au cas de la CFE 2010, n'a porté aucun préjudice au contribuable. Pour la cour administrative d'appel de Marseille, la procédure prévue à l'article L. 55 du LPF se confond donc avec le principe général des droits de la défense posé par le Conseil d'Etat dans le cadre de l'article L. 56 du même livre dans son arrêt Simoens du 5 juin 2002 [7], alors que la Haute assemblée s'est attachée, dans sa jurisprudence ultérieure à cet arrêt de principe, à précisément ne pas confondre les deux procédures en refusant d'étendre au principe général des droits de la défense l'ensemble des garanties attachées à la procédure contradictoire.

Une décision écartant la lettre du texte au profit de la nature de l'imposition.- La cour administrative d'appel de Lyon, dans une décision du 31 août 2017, a, quant à elle, considéré que « la circonstance qu'à titre transitoire pour l'année 2010, le produit de la cotisation foncière des entreprises a été perçu par l'Etat au profit des collectivités locales, auxquels il a été reversé sous forme de dotations, n'est pas susceptible de remettre en cause la nature de cette imposition. Ce dispositif transitoire de perception de cette imposition, donnant lieu à un prélèvement additionnel au profit de l'Etat comme c'est le cas pour les autres impositions perçues au profit des collectivités territoriales n'a eu, par suite, ni pour objet, ni pour effet, de substituer de nouvelles règles de procédure d'imposition à la cotisation foncière des entreprises, sans qu'aient d'incidence à cet égard les dispositions du 2ème alinéa du I de l'article 1640 B du code général des impôts » [8].

La cour s'attache ici à la nature de l'imposition de CFE 2010, écartant délibérément la lettre du texte, pour considérer que la procédure de rectification visée à l'article L. 55 du LPF n'est pas applicable.

Ces jurisprudences contrastées devaient, bien entendu, conduire le Conseil d'Etat à se prononcer. Et on pouvait attendre de la Haute assemblée qu'elle applique rigoureusement le texte de loi voté par le législateur et en tire toutes les conséquences. Las, cette espérance légitime a été contrariée par une décision peu convaincante.

La décision du Conseil d'Etat, une solution qui apparait critiquable
La décision du Conseil d'Etat était donc attendue, dès lors que les décisions des juges du fond étaient diverses et qu'il s'agissait de trancher un point de droit. Mais les magistrats du Palais Royal ont apporté une solution peu convaincante.

Il apparait important de citer, à titre liminaire, le raisonnement suivi par le Conseil d'Etat :
« Il résulte des dispositions citées au point 1 [CGI, art. 1447-0 et art. 1640 B] que la cotisation foncière des entreprises a été instaurée à compter du 1er janvier 2010 en remplacement de la taxe professionnelle par l'article 2 de la loi de finances pour 2010 dont les dispositions sont insérées au chapitre I "Impôts directs et taxes assimilées" du titre I "Impositions communales" de la deuxième partie du code général des impôts, consacrée aux "Impositions perçues au profit des collectivités locales et de divers organismes". Cette cotisation constitue l'une des deux composantes de la contribution économique territoriale.

Si, pour l'année de sa mise en place, il a été prévu qu'elle serait affectée au budget général de l'Etat, cette affectation constitue le premier volet d'un dispositif dont le second volet consiste en la redistribution du produit de la cotisation foncière des entreprises aux collectivités territoriales et leurs groupements, afin de maintenir au même niveau les ressources qu'ils tiraient l'année précédente de la perception de la taxe professionnelle, au moyen d'une "compensation relais" calculée sur la base du produit de la taxe professionnelle perçu en 2009 ou du produit qui résulterait, au titre de l'année 2010, de l'application des dispositions en vigueur au 31 décembre 2009 en retenant le taux de 2009, dans la limite du taux appliqué en 2008 majoré de 1%.

Il suit de là que les dispositions de l'article 1640 B du code général des impôts ne sauraient être interprétées comme ayant donné à cette imposition, du seul fait de l'affectation du produit de la cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2010 au budget de l'Etat, le caractère d'une imposition d'Etat à laquelle la procédure contradictoire serait, en vertu des dispositions du 1° de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales citées au point 2, applicable
».

Par cette décision, le Conseil d'Etat vient donc affirmer que, malgré son affectation au budget de l'Etat, la CFE perçue au titre de l'année 2010 n'a pas le caractère d'une imposition d'Etat et que, dès lors, l'administration n'avait pas à mettre en œuvre la procédure de rectification contradictoire prévue aux articles L. 55 et suivants du LPF afin de notifier des rehaussements aux contribuables.

Cette décision censure directement la solution retenue par la cour administrative d'appel de Paris dans son arrêt du 6 décembre 2016 précité et, indirectement, celle adoptée par la cour administrative d'appel de Versailles, qui fait également l'objet d'un pourvoi en cassation [9]. Elle rend inopérant le moyen contentieux selon lequel la procédure de rehaussement relative à la CFE 2010 serait viciée faute pour l'administration d'avoir respecté la procédure de rectification contradictoire.

Pour ce faire, le Conseil d'Etat n'hésite pas à s'écarter de la lettre de l'article 1640 B du CGI qui prévoit, pourtant de manière claire comme l'avaient relevé les magistrats de la cour administrative d'appel de Versailles, que « les impositions à la cotisation foncière des entreprises établies au titre de l'année 2010 sont perçues au profit du budget général de l'Etat », pour considérer que cette seule affectation du produit de la cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2010 au budget de l'Etat ne lui confère pas le caractère d'une imposition d'Etat. Le Conseil d'Etat retient deux éléments :
- d'une part, la disposition de l'article 1640 B, I, est insérée au chapitre I « Impôts directs et taxes assimilées » du titre I « Impositions communales » de la deuxième partie du CGI consacrée aux « Impositions perçues au profit des collectivités locales et divers organismes » ;
- d'autre part, la compensation relais versée au titre de l'année 2010 en lieu et place de la CFE aux collectivités locales serait abondée par le produit de la CFE perçu par l'Etat.

Cette motivation suscite, pour le moins, plusieurs observations.

Certes, comme le souligne le rapporteur public Vincent Daumas dans ses conclusions rendues sous l'arrêt, « l'ensemble des dispositions issues de la loi de finances pour 2010 (…) ont été codifiées dans la deuxième partie du CGI, consacrée aux "Impositions perçues au profit des collectivités locales et divers organismes", dont l'intitulé n'a pas été modifié ».

Relevons d'emblée que cet argument, invoqué in fine par le rapporteur public dans ses conclusions, est relevé en premier point par le Conseil d'Etat dans sa décision. Le Conseil d'Etat semble donc conférer une importance particulière à la place d'un article au sein du Code général des impôts. Or, s'il est usuel de voir les rapporteurs publics faire référence dans leurs conclusions à la place d'un texte dans le code, il est beaucoup plus rare que cet argument soit expressément mentionné par le Conseil d'Etat dans ses décisions. En effet, comme le précise le professeur Philippe Régnié, « la Commission supérieures de codification a récemment rappelé que "la codification était faite d'abord pour les usagers" » [10]. Jusqu'à présent, l'emplacement d'une disposition au sein du Code général des impôts ne devait pas nécessairement permettre d'en interpréter ni la portée ni le sens, mais devait permettre d'assurer l'intelligibilité de la loi par l'usager, et non par la Haute assemblée. Ce temps semble révolu à la lecture de l'arrêt commenté.

S'agissant de la compensation relais, et le fait qu'elle serait abondée par le produit de la CFE 2010 versée au budget de l'Etat, l'argument n'emporte pas non plus nécessairement la conviction.

En matière de finances publiques, le principe d'universalité, selon lequel l'ensemble des recettes couvre l'ensemble des dépenses, implique la règle de non-compensation et de non-affectation, cette dernière interdisant l'affectation d'une recette à une dépense déterminée. Si ce principe comporte, comme tout principe, son exception au travers du principe de spécialité qui impose d'indiquer précisément le montant et la nature des opérations prévues par la loi de finances, celui-ci implique une nomenclature budgétaire appropriée et il ne nous semble pas que cela fut le cas pour la perception par l'Etat du produit de la CFE 2010. S'il en avait été ainsi, le rapporteur public en aurait certainement fait état dans ses conclusions. Or, ce dernier considère uniquement que cette compensation relais correspond « peu ou prou au produit de la taxe professionnelle fictive qui résulterait de l'application, aux bases d'impositions constatées en 2010, des modalités d'imposition en vigueur en 2009 ».

Au contraire, l'examen des travaux parlementaires permet de relever que « cette "compensation relais" devrait s'élever à 32,558 milliard d'euros et prendra la forme d'un prélèvement sur recettes de l'Etat au profit des collectivités territoriale » [11]. Ce prélèvement sur recettes constitue une dérogation au principe d'universalité au regard de son exigence de non-compensation, mais non pas au regard de son exigence de non-affectation. Le produit de la CFE 2010 est donc non affecté. Aussi, il apparaît difficile d'affirmer que le produit de la CFE 2010 est redistribué aux collectivités territoriales et leurs groupements au moyen de la « compensation relais » ce qui confèrerait à cette CFE 2010 un caractère d'imposition locale.

Sur ce point, la lecture des conclusions ne nous convainc guère au strict plan juridique. Ainsi, le rapporteur public considère d'emblée que le pourvoi « pose une question d'interprétation de la loi qui, pour circonscrite qu'elle soit, peut faire hésiter ». Puis il expose que ce mécanisme afférent à l'affectation du produit de la CFE 2010 a été adopté « à titre tout à fait transitoire car pour la seule années 2010 » et selon des dispositions « éminemment transitoires, nous sommes presque tentés de dire accidentelles ».

Devrions-nous en déduire qu'une règle claire adoptée accidentellement et à titre transitoire ne mérite pas qu'on l'applique et que l'on doive nécessairement l'interpréter en se référant à « l'économie générale de la loi de finances pour 2010 » ? Il nous semble difficile d'y souscrire, sauf à considérer qu'un texte sans ambiguïté doit, en tout état de cause, être interprété, non pas au regard de la volonté du législateur qui résulterait des débats parlementaires (il n'en est rien au cas particulier), mais au regard de l'économie générale que l'on se fait d'une loi de finances et de son contexte.

Remarquons enfin que cette solution du Conseil d'Etat peut apparaitre en contradiction avec l'avis de section rendu par le Conseil et relatif à taxe sur les surfaces commerciales [12] qui a reconnu le caractère d'impôt local de cette dernière au motif que la majorité de son produit est affecté aux collectivités locales. Pour contourner cette difficulté, le rapporteur public énonce que « cette jurisprudence porte sur la seule question des voies de recours ouvertes à l'encontre des jugements de tribunaux administratifs se prononçant sur les litiges relatifs aux impôts locaux ». Là encore, l'argument ne convainc guère.

La lecture de l'avis révèle effectivement, s'agissant du dispositif prévu au Code de justice administrative et qui dispose que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort « sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale », que « pour l'application de ces dispositions, doit être regardé comme un impôt local tout impôt dont le produit, pour l'année d'imposition en cause, est majoritairement affecté aux collectivités territoriales, à leurs groupements ou aux établissements publics qui en dépendent ». Si cet avis publié a été rendu au visa du 4° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, il n'en parait pas moins donner la définition qu'il convient de retenir d'un impôt local.

L'analyse proposée par le rapporteur public et suivie par le Conseil d'Etat conduit donc à apprécier différemment la notion d'impôt local selon que l'on se place dans le cadre des voies de recours ou bien de la procédure applicable en cas de redressement.

Au final, la solution du Conseil d'Etat du 28 septembre 2017 apparait pour le moins surprenante, sauf si on prend en considération le souci de préserver les ressources budgétaires de l'Etat, alors même que la portée des contentieux en question était strictement cantonnée à la CFE 2010. En cela, cette décision apparait surtout comme une décision d'opportunité, comme en témoigne le fait qu'il ne sera ni mentionné, ni publié au recueil Lebon.

Il n'en reste pas moins qu'il y a, avec ce genre de décisions, de quoi perdre son latin car, ceux qui se souviennent des adages qui ponctuaient les cours de droit ne pourront que s'interroger sur l'impossible coexistence du réalisme du droit fiscal avec le principe selon lequel, si un texte est clair, il n'a pas à être interprété : Interpretatio cessat in claris.

1 CE, 28 septembre 2017, n° 407447, min/ Sté Fedex Express France

2 Voir notamment les Lettres Juridiques et Fiscales de février 2014 et mars 2017

3 CAA Paris, 6 décembre 2016, n° 16PA00508, Sté Fedex Express France

4 CAA Paris, 28 mars 2017, n° 16PA03016, Sté Cassese

5 CAA Versailles, 28 février 2017, n° 15VE00665, Sté OCP Répartition

6 CAA Marseille, 27 avril 2017, n° 16MA01273

7 CE, 5 juin 2002, n° 219840, Simoens (publié au Lebon)

8 CAA Lyon, 31 août 2017, n° 15LY02228

9 Pourvoi n° 409801 (8ème chambre)

10 La numérotation dans la codification, rapport général, juillet 1999

11 Rapport général fait au nom de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2010, rapport n° 101, p. 15112q

12 CE, Sect., 2 juin 2017, n° 405595, SARL Privilège Automobiles

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