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Fiscalité des entreprises

Facturation électronique obligatoire en France à partir de 2023 : notre pays fera-t-il exception ?

16/09/2020

Gwenaelle Bernier, Kamila Ferhat, Solene Nogues

​La vie économique actuelle à l'épreuve de la COVID-19 tend inéluctablement vers un accroissement de l'utilisation des nouvelles technologies de l'information pour transformer le fonctionnement et l'organisation interne des entreprises, comme de l'administration fiscale. Sauf que lorsque l'Etat se mêle de numérique pour améliorer la gestion des finances publiques, ce sont toutes les relations qu'il entretient avec les entreprises qui s'en trouvent bouleversées. A titre d'illustration de ces changements, penchons-nous sur le cas topique du traitement des factures, dont les attributs multiples[1] en font un objet fiscal identifié en proie aux désirs de contrôles informatisés des administrations.

En 2019, 550[2] milliards de factures ont été échangées entre les différents acteurs économiques mondiaux. Parmi ces 550 milliards de factures, 55 milliards ont été échangées sous un format électronique, ce qui représente seulement une facture sur dix. Sept ans après la transposition de la Directive 2010/45/UE du 13 juillet 2010, dont l'un des objectifs affichés était d'encourager le recours à la facturation électronique, le bilan européen apparait mitigé. Toutefois, la mouvance actuelle semble prometteuse : les acteurs économiques privés ont été contraints par la crise de travailler avec les outils numériques et sans document papier, et bon nombre d'entre eux reconnaissent les avantages que la digitalisation peut leur apporter en termes d'automatisation de leurs processus internes et de facilitation des échanges avec les parties externes.

Les autorités fiscales françaises ont indiqué dans l'évaluation préalable ayant été présentée en amont de l'adoption de l'article 153 de la loi de finances pour 2020[3] que le recours à la facturation électronique obligatoire serait pour elles un moyen efficace de lutte contre la fraude et la diminution de l'écart de TVA au moyen de recoupements automatisés entre factures émises et factures reçues, mais aussi un moyen de connaître au fil de l'eau l'activité des entreprises permettant un pilotage plus fin des actions du Gouvernement en matière de politique économique. Toujours selon cette évaluation préalable, pour les entreprises, la facturation électronique permettrait l'amélioration de leur compétitivité en accédant au pré-remplissage des déclarations de TVA par les administrations grâce aux données de facturation transmises, mais aussi grâce à la diminution de la charge administrative de constitution et d'envoi des factures au format papier, ainsi qu'à la sécurisation des relations commerciales entre les entreprises. La facture n'en reste pas moins la clef de voûte du système de gestion de la TVA (collecte/déduction) : si les entreprises françaises avaient l'habitude de choisir librement les modalités techniques de transmission/réception des factures électroniques jusqu'à présent, il pourrait en aller différemment à compter de 2023, si le législateur vient imposer des normes fiscales plus restrictives en termes de format, contenu ou modalités de transmission, que ce qui est autorisé actuellement au plan fiscal[4].

L'évolution vers le recours obligatoire à la facture électronique, déjà très avancé dans certains pays, est une mesure qui impacte les administrations fiscales comme les entreprises s'agissant de leurs capacités et ressources pour : recevoir, traiter et archiver les factures et/ou leurs données, gérer la sécurité informatique, prévoir des architectures techniques adéquates, ou encore, en déduire l'impact des responsabilités et des risques qui en découlent.

Si les acteurs économiques partagent tous le même avis sur les avantages de la facturation électronique d'un point de vue opérationnel, l'hétérogénéité des règles fiscales applicables dans le monde en la matière[5], dès lors qu'aucune solution fiscale de facturation électronique retenue par un pays n'est exactement identique à celle du pays voisin (voir ci-dessous), ne simplifie pas la vie des entreprises, qui peinent à se mettre en conformité. C'est pourquoi le recours obligatoire à la facturation électronique devrait s'accompagner, du côté des gouvernants, d'une harmonisation des règles fiscales, au moins au niveau de l'Union européenne, afin d'envisager sereinement cette transition numérique.

Recours obligatoire ou non à la facturation électronique

Une étude[6] que nous avons réalisée en 2020 auprès de 129 pays a permis de mettre en relief le premier point d'hétérogénéité des règles de facturation électronique dans le monde, celui relatif à l'obligation du recours à la facturation électronique : 69% des pays sondés autorisent le recours à la facturation électronique ou n'ont pas de réglementation restrictive sur le sujet, 22% des pays ont rendu obligatoire le recours à la facturation électronique et 9% des pays interdisent le recours à la facturation électronique.

La règlementation relative à l'utilisation de la facturation électronique dans le monde

Facturation électronique obligatoire en France à partir de 2023 : notre pays fera-t-il exception ?

Cette étude a permis également de constater que les pays ayant rendu obligatoire le recours à la facturation électronique (22%) sont souvent venus compléter cette obligation d'un dispositif de transmission de données, appelé « e-reporting ». Dès lors que l'obligation de facturation ne s'applique pas à tous les types de transactions réalisés par une entreprise (par exemple, les transactions BtoC[7] en sont souvent exclues), la plupart de ces pays exigent des entreprises une transmission des données de facturation n'entrant pas dans le périmètre de l'obligation de facturation (électronique).

Il est à noter que cette obligation de transmission des données de facturation n'a pas été identifiée uniquement dans les pays ayant rendu obligatoire la facturation mais aussi dans d'autres pays. Dans ce dernier cas, les entreprises continuent d'échanger leurs factures dans le format convenu entre elles, mais envoient les données de facturation aux administrations fiscales de leurs pays respectif selon des modalités des formats prévus par chaque pays.

Des schémas hétérogènes de facturation électronique

Un des points communs à tous les pays ayant rendu obligatoire la facturation électronique (cf. carte ci-dessus) est le passage obligatoire par un tiers intermédiaire entre l'émetteur de la facture (le fournisseur/vendeur ou son mandataire) et le destinataire de la facture (le client/consommateur ou son mandataire). Cet intermédiaire est (i) soit le point de passage obligatoire de toute facture électronique, c'est-à-dire que ce dernier est en charge de la transmission de la facture au client final, (ii) soit il est l'intermédiaire en charge de la validation de la facture électronique et de la qualité de la donnée transmise - aussi bien de son format que de son contenu - avant envoi par le fournisseur à son client.

L'intermédiaire par lequel transitent les factures peut-être, selon les pays, soit l'administration fiscale du pays concerné elle-même (via une plateforme étatique ou par un interfaçage direct du système d'information de l'administration fiscale), soit un tiers privé et certifié (prestataire de service de facturation électronique, experts comptables, etc.). Dans les deux cas, le fournisseur et son client disposent d'une « clearance » de la facture envoyée, c'est-à-dire que la facture a été validée par l'administration ou le tiers certifié, et est conforme aux exigences formelles attendues.

En France, si le recours obligatoire à la facturation électronique semble acté, l'architecture retenue n'a pas encore été dévoilée par les autorités fiscales françaises. Le rapport présenté par la DGFiP au Parlement à la rentrée 2020 permettra probablement de répondre à ces interrogations.

Une même obligation, des modalités d'application différentes

S'agissant du format des factures électroniques, bien qu'il existe une grande hétérogénéité de formats, il semblerait toutefois que les administrations fiscales privilégient la transmission de fichiers structurés (exemple : fichier XML). En effet, ces derniers présentent l'avantage indéniable de permettre une exploitation facilitée et automatisée de leur contenu par des logiciels d'analyse de données. Cependant, si le fichier structuré semble faire l'unanimité auprès des administrations fiscales, ces dernières semblent privilégier des syntaxes de fichiers adaptées à leur propres besoins et contraintes informatiques sans tenir compte des contraintes des entreprises opérant dans plusieurs pays, ni des propositions de normalisation de formats de fichiers de factures XMC/UBL par des organismes de normalisation (par ex., la norme EN 16931-1:2017 publié le 28 juin 2017 par le Comité européen de normalisation (CEN)).

A date, les autorités fiscales françaises n'ont pas précisé le format des factures qui doivent être échangées entre les entreprises ni le format des données qui vont lui être transmises. Là encore, une harmonisation européenne serait la bienvenue.

S'agissant du contenu des factures électroniques, l'étude que nous avons réalisée en 2020 a permis de constater qu'il existe autant de listes de données requises par les administrations qu'il existe de pays dans le monde. Malgré cette grande diversité apparente, un certain nombre de mentions obligatoires sont néanmoins communes à un grand nombre de pays. Parmi ces mentions, l'on retrouve des mentions relatives à la facture et à la taxe (ex : le numéro et la date de la facture, le montant total HT, le montant total TTC, le taux de TVA appliqué, le montant de la taxe à payer, etc.), des mentions relatives à l'émetteur de la facture (ex : son nom ou sa dénomination sociale, son numéro d'identification à la TVA, etc.), des mentions relatives au destinataire de la facture (ex : son nom et sa dénomination sociale, son numéro d'identification à la TVA, etc.) ou encore des mentions relatives aux biens ou services vendus (ex : la quantité du bien ou service, la description du bien ou du service vendu, le prix unitaire hors taxe du bien ou service vendu, le montant d'un rabais, d'une remise ou d'une ristourne accordé, etc.).

A ce socle de mentions communes, s'ajoutent des mentions spécifiques par pays en fonction de leurs besoins respectifs. C'est le cas à titre d'exemple du numéro de contrat, les informations de paiement, les informations sur les conditions de livraison, etc.

A date, les autorités fiscales françaises n'ont pas précisé le contenu des factures qui doivent être échangées entre les entreprises ni la liste des données qui vont lui être transmises.

Les enjeux d'une digitalisation inévitable

Les évolutions en matière de facturation électronique et les hétérogénéités impactent et impacteront les pratiques des entreprises qui devront à la fois adapter leur système d'information aux exigences imposées par chacune des administrations fiscales pour la mise en place de la facture électronique afin que les données contenues dans le système d'information des entreprises soient exploitables, fiables et complètes, mais aussi et surtout, adapter leurs méthodes de travail en sensibilisant les équipes sur les contrôles à effectuer quant aux contenus des données de facturation avant toute transmission aux autorités fiscales.

Par ailleurs, si les administrations fiscales ont des exigences différentes sur le contenu, le format et les modalités de transmissions des factures électroniques, nous constatons qu'elles veulent toutes la même chose, à savoir les données transactionnelles des entreprises avec un niveau de détails de plus en plus important. C'est pour cette raison que les entreprises devraient imaginer une architecture informatique en étoile permettant de positionner les données transactionnelles dans une base de données flexibles dans laquelle, par un effet de tamis, chaque type de fichier requis par pays serait extrait et envoyé vers la plateforme des différents pays. C'est à ce prix que les adaptations à réaliser par les entreprises pourront rester raisonnables.

Toutefois, il apparaît dommage que, pour répondre à toutes ces demandes de transmission de données, les gouvernants ne se soient pas penchés sur l'intérêt, pour elles comme pour les entreprises, de la blockchain comme un moyen de transmettre en temps réel des données fiables de façon sécurisée.

Les administrations fiscales devenant de plus en plus des « e-administrations », les entreprises se doivent d'en faire autant, et dans des délais plus proches qu'ils n'y paraissent ! Pensez-vous être prêt aux changements à venir ?


[1] Objet de gestion opérationnelle avec les contreparties, preuve d'une créance en droit commercial, clef de voûte du système de collecte et de remboursement de la TVA, unité de la tenue de comptabilité, etc.

[2] « The e-invoicing journey 2019-2025 », Billentis, September 2019

[3] Projet de loi de finances n° 2272 pour 2020, art. 56 : mise en œuvre de la facturation électronique dans les relations interentreprises et remise d'un rapport sur les conditions de cette mise en œuvre

[4] Art. 233 de la Directive 20016/112, transposé à l'art. 289 V et VII du CGI

[5] Les hétérogénéités constatées portent notamment sur l'architecture des flux d'échanges des factures, le format des factures électronique mais aussi le contenu de ces factures.

[6] Etude réalisée dans le cadre de la préparation du « Worldwide VAT, GST and Sales Tax Guide 2020 » d'EY au cours du 1er semestre de l'année 2020.

[7] BtoC : Business to Consumer (les transactions entre les entreprises privées et les particuliers).

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