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Fiscalité des entreprises

Détermination de la valeur ajoutée et connexion fiscalo-comptable : entre réjouissances et désillusions

09/07/2019

Benjamin Bardet

Par une décision du 9 mai 2018, le Conseil d'État avait reconnu, pour le calcul de la valeur ajoutée en matière de taxe professionnelle, la déductibilité des dépenses de mécénat présentant le caractère de charges courantes. Si cette décision avait soulevé, à juste titre, l'enthousiasme des commentateurs et des nombreuses entreprises qui avaient été redressées par l'administration sur ce point, le principe de connexion fiscalo-comptable, dorénavant intrinsèque au calcul de la valeur ajoutée, entraine de nouvelles problématiques qui dépassent largement le cadre des dépenses de mécénat.

Un principe de connexion fiscalo-comptable favorable à la détermination de la valeur ajoutée

- Les dépenses de mécénat ou l'affirmation du principe de connexion fiscalo-comptable

La décision CRCAM de Pyrénées-Gascogne du '9 mai 2018[1] relative aux dépenses de mécénat, rendue par le Conseil d'Etat dans sa formation de plénière fiscale, a été largement commentée. Au cas particulier, il s'agissait de savoir si les dépenses de mécénat constituaient des charges déductibles pour le calcul de la valeur ajoutée utilisée dans les mécanismes du plafonnement et de la cotisation minimale en matière de taxe professionnelle : l'administration considérait en effet que de telles dépenses ne répondaient pas à la définition des charges déductibles de la valeur ajoutée retenue par l'article 1647 B sexies du code général des impôts, à savoir « des biens et services en provenance de tiers ». Depuis le passage à la CVAE, l'article 1586 sexies du CGI ne fait plus référence à la notion de biens et services en provenance de tiers mais à la notion comptable de « services extérieurs ». Ce changement lexical n'avait toutefois pas modifié la position des services vérificateurs qui contestaient la déductibilité des dépenses de mécénat au motif qu'elles n'auraient pas de contrepartie et, à titre subsidiaire, qu'elles auraient un caractère exceptionnel.

Dans sa décision, après avoir rappelé sa jurisprudence Foncière Ariane du 4 août 2006[2] selon laquelle, si la définition fiscale de la valeur ajoutée présente une certaine autonomie, elle doit malgré tout être interprétée au regard des normes comptables applicables aux années en litige, le Conseil d'Etat applique un principe de connexion fiscalo-comptable, et distingue selon que la norme comptable est impérative ou non.

Si la norme comptable est impérative, le juge doit tout d'abord vérifier si le produit ou la charge a été correctement comptabilisé et, dans le cas où l'écriture s'avère erronée, procéder si nécessaire à un retraitement extra-comptable ; puis, le juge doit rechercher si la qualification (ou requalification) retenue peut être rattachée à l'une des catégories énumérées par l'article du code général des impôts définissant la valeur ajoutée.

Si la norme comptable n'est pas impérative, le principe du réalisme du droit fiscal permet au juge de rechercher la solution la plus cohérente avec la définition fiscale de la valeur ajoutée.

Ainsi, la connexion fiscalo-comptable ne s'applique qu'aux normes comptables impératives n'ouvrant aucun choix au contribuable et ne saurait rendre opposables à l'administration les choix comptables faits par l'entreprise lorsque plusieurs options existent. S'agissant des dépenses de mécénat, la décision du 9 mai 2018 illustre ce principe de connexion fiscalo-comptable dès lors que la comptabilisation des dépenses de mécénat en dépenses courantes ou en dépenses exceptionnelles ne relève pas d'un choix de l'entreprise mais du caractère récurrent ou non de la dépense.

Cette solution, rendue sous le visa de l'ancien article 1647 B sexies du CGI, garde toute sa valeur au regard de la définition de la valeur ajoutée figurant à l'article 1586 sexies et permet une continuité entre la définition de la valeur ajoutée pour les besoins de la taxe professionnelle et celle de la valeur ajoutée pour les besoins de la CVAE, comme l'a confirmé en novembre 2018 le Conseil d'Etat[3].

Cette solution étant admise, le débat ne porte dorénavant plus sur la déductibilité en tant que telles des dépenses de mécénat, mais sur la nature de la dépense en cause : charge courante et donc déductible de la valeur ajoutée ou bien charge exceptionnelle, non déductible de la valeur ajoutée…

- Le calcul des plus-values à retenir dans la valeur ajoutée

Aux termes de l'article 1586 sexies du CGI, la valeur ajoutée servant de base à la CVAE doit retenir les plus et moins-values de cessions d'immobilisations corporelles et incorporelles lorsqu'elles se rapportent à l'activité normale et courante de l'entreprise, c'est-à-dire, ainsi que l'a rappelé le Conseil d'Etat[4], celles qui entrent dans le cycle de production de l'entreprise ou qui revêtent un caractère habituel compte tenu de l'activité propre de l'entreprise.

S'agissant du calcul de la plus-value, le tribunal administratif de Montreuil avait saisi pour avis le Conseil d'Etat sur le point de savoir si le prix de cession devait être minoré du coût d'acquisition initial de l'immobilisation ou de sa valeur nette comptable, alors même que les dotations aux amortissements ne sont pas déductibles de la valeur ajoutée.

Le Conseil d'Etat, dans son avis du 26 septembre 2018[5], rappelle d'abord son considérant de principe selon lequel il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une des catégories d'éléments comptables énumérés au I de l'article 1586 sexies, de se reporter aux normes comptables, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée, dont l'application est obligatoire pour l'entreprise en cause. Il en est de même pour déterminer, le cas échéant, le mode de calcul des éléments comptables ainsi énumérés.

Puis, se référant au plan comptable général, le Conseil d'Etat relève qu'en cas de cession d'une immobilisation, la plus-value ou la moins-value réalisée est constatée dans les comptes par la différence entre le prix de cession et la valeur nette comptable de l'immobilisation cédée, laquelle correspond à la différence entre la valeur d'origine du bien inscrit au compte d'actif et, le cas échéant, le cumul des amortissements comptabilisés au titre de ce bien.

Le Conseil d'Etat en conclut, après avoir visé les travaux parlementaires de la loi de finances pour 2010 dont est issu l'article 1586 sexies que « les plus-values et moins-values de cession d'immobilisations corporelles et incorporelles lorsqu'elles se rapportent à une activité normale et courante figurant respectivement au 1 du I et au b du 4 du même I de cet article correspondent à la différence entre le prix de cession de l'immobilisation cédée et sa valeur nette comptable, nonobstant la circonstance que les éventuelles dotations aux amortissements comptabilisées au titre de l'élément d'actif cédé ne seraient pas déductibles du chiffre d'affaires pour la détermination de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en application au b du 4 du I de ce même article ».

Cet avis du Conseil d'Etat selon lequel les plus-values et moins-values de cession à retenir dans la valeur ajoutée correspondent à la différence entre le prix de cession de l'immobilisation cédée et sa valeur nette comptable, laquelle tient compte des amortissements comptabilisés au titre de ce bien, alors même que les amortissements ne sont, en règle générale, pas pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée produite, illustre la connexion fiscalo-comptable qui préempte désormais la détermination de la valeur ajoutée pour les besoins de la CVAE.

Mais cette connexion fiscalo-comptable peut aboutir à des solutions autrement moins favorables pour le contribuable.

Un principe de connexion fiscalo-comptable qui vient majorer la valeur ajoutée

- Existe-t-il encore des taxes déductibles de la valeur ajoutée ?

Pour le plafonnement de la taxe professionnelle et la détermination de la cotisation minimale de taxe professionnelle, le Conseil d'Etat avait jugé qu'il résultait des dispositions de l'ancien article 1647 B sexies que l'excédent de la production sur les consommations en provenance de tiers était déterminé après déduction non seulement de la TVA, mais également des taxes, qui, au regard de leur objet, grèvent le prix des biens et des services vendus par l'entreprise.

Le Conseil d'Etat a ainsi admis la déduction de la taxe sur le stockage et l'élimination des déchets[6], ainsi que de la taxe générale sur les activités polluantes, alors même que le législateur n'a pas expressément prévu l'obligation ni même la faculté de la répercuter sur le consommateur[7]. En revanche, la Haute Assemblée a rejeté la déductibilité de la valeur ajoutée[8] de diverses taxes sur les ventes de médicaments et notamment la contribution prévue à l'article L. 138-1 et suivants du code de la sécurité sociale.

Ces solutions ont toutefois été rendues sous l'empire de l'ancien article 1647 B sexies relatif à la taxe professionnelle qui visait la production « hors taxe ».

Or, pour la CVAE, l'article 1586 sexies du CGI procède par énumération, le b du 4 du I de cet article disposant que sont déductibles « les taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées, les contributions indirectes, la taxe intérieure sur les produits énergétiques ».

Dans sa décision Compagnie exploitation et répartition pharmaceutique de Rouen de juin 2018[9], le Conseil d'Etat, après avoir rappelé que « les dispositions de l'article 1586 sexies, I du CGI fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises » et qu'« il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée, dont l'application est obligatoire pour l'entreprise en cause », se réfère aux travaux parlementaires et précise que la notion de taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées « désigne, non les taxes qui figurent au titre II de la première partie du Livre premier du CGI, mais la TVA et les taxes qui, en application des normes comptables, grèvent le prix des biens et des services vendus par l'entreprise ». Ce sont désormais les normes comptables et non l'objet de la taxe qui dicte la déductibilité.

L'impact de la décision est considérable.

Tout d'abord, mais sans surprise, la Haute Assemblée refuse de faire une lecture littérale selon laquelle ces dispositions renverraient au titre II de la première partie du Livre Ier du CGI intitulé « Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées », censurant implicitement la décision du tribunal administratif de Montreuil du 29 mars 2018[10].

Ensuite, comme l'y invitait le rapporteur public dans ses conclusions, le Conseil d'Etat retient « un critère objectif et rationnel » en interprétant l'article 1586 sexies « à la lumière des normes comptables et non comme un concept fiscal ou juridique autonome ». On ne peut affirmer plus clairement le principe de connexion entre la comptabilité et la fiscalité qui doit désormais guider la détermination de la valeur ajoutée pour les besoins de la CVAE.

En pratique, comme le souligne le rapporteur public, la lecture proposée de l'article 1586 sexies du CGI « est restrictive et pourrait conduire à refuser la déduction de nombreuses impositions, y compris certains prélèvements prévus par les dispositions aujourd'hui incluses dans la subdivision du code général des impôts relative aux taxes sur le chiffre d'affaires ». Dès lors que seules les taxes qui s'ajoutent comptablement au prix des biens et services vendus par l'entreprise sont déductibles de la valeur ajoutée, seules les taxes dont le montant est enregistré dans le chiffre d'affaires en sus du montant net des ventes sont déductibles de la valeur ajoutée. Ainsi, la TVA pourrait être déduite de la valeur ajoutée uniquement dans le cas où les produits sont enregistrés TVA comprise. Quant aux taxes assimilées aux taxes sur le chiffre d'affaires, elles ne grèvent pas, comptablement, les prix des biens et services vendus.

S'il est vrai que la rédaction des articles 1647 B sexies et 1586 sexies est différente, il n'est pas évident que le législateur ait voulu une telle différence en matière de calcul de la valeur ajoutée.

- La non-déductibilité des indemnités de départ à la retraite en cas d'externalisation de la gestion

La question de la déductibilité de la valeur ajoutée des charges de couverture, de préfinancement et de gestion des engagements financiers conventionnels ou contractuels d'exécution différée des indemnités de départ à la retraite, lorsque ces dépenses sont externalisées, a donné lieu, comme les dépenses de mécénat, à un contentieux important.

Alors que l'administration soutenait que ces dépenses avaient in fine la nature de charges de personnel et n'étaient de ce fait pas déductibles de la valeur ajoutée pour la détermination de la CVAE, les contribuables redressés opposaient, non sans arguments, que les dépenses exposées constituaient en tout état de cause des charges externes, comptabilisées correctement à un compte de tiers #616 « Primes d'assurances », dès lors que la comptabilisation d'un produit ou d'une charge doit s'apprécier en fonction de la nature de ladite dépense ou charge et non pas de sa finalité.

Le principe de connexion entre comptabilité et fiscalité ne s'impose, en l'absence d'erreur comptable, que si la classification comptable est non équivoque et impérative. Si tel n'est pas le cas, il appartient alors au juge de rechercher si la classification comptable non impérative retenue correspond à la définition fiscale de la valeur ajoutée.

Au cas du préfinancement et de la gestion des indemnités de départ à la retraite confiés à un prestataire extérieur, le Conseil d'Etat a estimé[11] que l'inscription au compte #616 « ne résulte pas de manière univoque des normes comptables en vigueur, lesquelles ne s'opposent pas à une inscription alternative dans une subdivision du compte #645 "Charges de sécurité sociale et de prévoyance", ces versements correspondent en réalité à des avantages octroyés aux salariés, qui conservent, quelle qu'en soient les modalités de gestion, la nature de charges de personnel ». En conséquence, ces dépenses ne figurent pas parmi les dépenses qui, en application des dispositions de l'ancien article 1647 B sexies et de l'actuel article 1586 sexies du CGI, peuvent être déduites de la valeur ajoutée pour le calcul de la valeur ajoutée[12].

Pour considérer que les engagements de départ à la retraite avaient, indépendamment du mode de gestion des droits toujours, pour la société qui les verse, le caractère de dépenses de personnel, la Haute Assemblée a procédé à une analyse en substance des droits en considérant que les indemnités versées aux salariés d'une entreprise à l'occasion de leur départ à la retraite, qu'elles découlent d'une obligation législative ou réglementaire, d'engagements conventionnels ou d'une décision unilatérale de l'employeur, constituaient, dans leur substance, un avantage du personnel.

Au cas particulier, force est de reconnaitre que le classement comptable par nature de la dépense n'interdit pas une analyse en substance de la charge[13]. Or, comme le souligne le rapporteur public dans ses conclusions, la charge ici exposée ne couvre pas un risque (au sens d'un service d'assurance). De même, l'entreprise reste généralement seule responsable de ses engagements envers ses salariés et est susceptible de recouvrer les fonds versés en cas de cessation d'assujettissement si le régime s'avère excédentaire.

Conclusion

Il était d'usage de considérer que la définition de la valeur ajoutée pour les besoins de la CVAE répondait à la fois à une définition fiscale, comptable et même économique (l'activité normale et courante). Le courant jurisprudentiel du Conseil d'Etat adopté depuis un an est venu affirmer la prédominance d'une définition, la définition comptable, sur les autres et de son corollaire, la connexion entre comptabilité et fiscalité.

Dès lors que, la connexion entre comptabilité et fiscalité est dorénavant prédominante dans la définition de la valeur ajoutée, la question de la régularité de l'écriture comptable ou du choix de l'écriture se pose avec acuité.

[1] CE, plén., 9 mai 2018, n° 388209, CRCAM de Pyrénées-Gascogne

[2] CE, 4 août 2006, n° 267150, min. c/ Sté Foncière Ariane

[3] CE, 28 novembre 2018, n° 413121, SNC Lancôme Parfum et Beauté et Cie

[4] CE, 6 décembre 2017, n° 401533, min/ Sté Paris Saint-Germain Football Club

[5] CE avis, 26 septembre 2018, n° 421182, Sté Stade Rennais Football Club

[6] CE, 1er avril 2005, n° 267946, Sté Sucra

[7] CE, 23 juin 2014, n° 352610, Sté Esso SAF

[8] CE, 21 avril 2017, n° 398246, Sté Pierre Fable Médicament

[9] CE, 29 juin 2018, n° 416346, SAS Compagnie exploitation et répartition pharmaceutique de Rouen

[10] TA Montreuil, 29 mars 2018, n° 1704265, Orange SA

[11] CE, 28 novembre 2018, n° 413121, SNC Lancôme Parfums et Beauté et Cie

[12] La solution a été rendue au double visa de l'ancien article 1647 B sexies au regard de la cotisation minimale de taxe professionnelle et de l'actuel article 1586 sexies qui définit la valeur ajoutée pour les besoins de la CVAE.

[13] Certains auteurs considèrent que les primes versées pourraient être comptabilisées parmi les charges de personnel dès lors qu'elles ne correspondent pas réellement à des risques assurés : C. Lopater, « CVAE et primes d'assurance finançant les IDR : le réalisme fiscal retoque la pratique comptable ! », FR 6/19

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