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Fiscalité des entreprises
Crédit d'impôt recherche : le Conseil d'Etat précise l'assiette des organismes de recherche agréés
Xavier Dange, Thibaut Grandchamp de Cueille
Par un arrêt du 9 septembre 2020[1], le Conseil d'Etat retient qu'un organisme de recherche privé agréé n'a pas à déduire de la base de calcul de son propre crédit d'impôt recherche (CIR) les sommes reçues des donneurs d'ordre pour lesquels les opérations de recherche sont réalisées et facturées mais doit uniquement exclure de cette base de calcul le montant des dépenses exposées pour réaliser de telles opérations.
Analyse
Dans cette affaire, la société Takima, organisme de recherche privé agréé, avait demandé, par la voie d'un recours pour excès de pouvoir, l'annulation des commentaires administratifs du III de l'article 244 quater B du code général des impôts selon lesquels un organisme de recherche privé agréé doit déduire de la base de calcul de son propre CIR les sommes reçues des donneurs d'ordre pour lesquels les opérations de recherche sont réalisées et facturées[2].
Afin d'éviter une double prise en compte des dépenses de recherche éligibles à la fois au niveau de l'entreprise donneur d'ordre et de l'organisme sous-traitant, le III de l'article 244 quater B prévoit en effet que les sommes reçues par les organismes ou experts agréés doivent être déduites des bases de calcul de leur propre CIR[3].
Interprétant ces dispositions de manière constructive, le Conseil d'Etat retient qu'il résulte de celles-ci que :
- Pour une entreprise donneuse d'ordre entrant dans le champ des bénéficiaires du CIR, les sommes reçues par les organismes de recherche privés agréés pour la réalisation d'opérations de recherche qu'elle leur confie constituent des dépenses éligibles au CIR ;
- Pour les organismes de recherche sous-traitants, ils ne peuvent inclure les dépenses exposées pour réaliser de telles opérations dans la base de calcul de leur CIR.
Le Conseil d'Etat en déduit que la doctrine administrative rajoute ainsi à la loi et doit être annulée.
Quelles conséquences pratiques ?
Pour l'avenir, comme l'indique le rapporteur public Romain Victor dans ses conclusions, « le mode d'emploi du CIR pour l'organisme de recherche agréé s'en trouve considérablement simplifié : il ne faut pas en effet inclure les dépenses de recherche réalisées en sous-traitance puis déduire les montants facturés, mais ignorer purement et simplement ces dépenses de recherche, pour ne retenir que celles qui, réalisées pour compte propre ou pour des bénéficiaires non éligibles, ont seules vocation à figurer dans la base de calcul du CIR propre de l'organisme ». En pratique, un organisme de recherche agréé devra ainsi extourner de l'assiette de calcul de son propre CIR le montant des dépenses éligibles supportées dans le cadre de travaux facturés à des entreprises donneuses d'ordre susceptibles de bénéficier du CIR, sans extourner de cette assiette la marge commerciale incluse dans cette facturation.
Pour le passé, les organismes de recherche agréés ayant appliqué la doctrine administrative et déduit la totalité des montants facturés de l'assiette de leur propre CIR peuvent réclamer le CIR correspondant à la différence entre les montants facturées à leurs donneurs d'ordre éligibles au CIR et le montant des dépenses de recherche correspondantes. Pour rappel, la déclaration rectificative de CIR[4] doit être déposée au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant la date d'expiration du délai de dépôt de la déclaration initiale. Ainsi, pour une société qui clôture au 31 décembre, le CIR de l'année 2017 déclaré en 2018, peut être rectifié jusqu'au 31 décembre 2020.
[1] CE, 9 septembre 2020, n° 440523, SARL Takima.
[2] BOI-BIC-RICI-10-10-20-30, 4 avril 2014, n° 220. Ces commentaires figurent désormais au BOI-BIC-RICI-10-10-20-30, 5 avril 2017, n° 220 et dans le Guide du crédit d'impôt recherche 2019.
[3] Selon la jurisprudence, ces dispositions s'appliquent également lorsque la société donneuse d'ordre n'est pas en mesure de bénéficier effectivement du crédit d'impôt recherche ou y renonce volontairement : CE, 5 mars 2018, n° 416836, Sté Lunalogic
[4] Formulaire n° 2069-A-SD