Articles & Actualités
Fiscalité des entreprises
Crédit d’impôt recherche : de nouvelles précisions sur les travaux de recherches externalisés
Xavier Dange, Thibaut Grandchamp de Cueille
Dans un arrêt du 22 juillet 2020[1], le Conseil d'Etat considère que les travaux sous-traités à un organisme public ou privé agréé ouvrent droit au crédit d'impôt recherche (« CIR ») lorsqu'ils sont nécessaires aux opérations de R&D même si, pris isolément, ils n'en constituent pas.
Analyse
Dans cette affaire, la Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences (« FNAMS ») avait confié à des prestataires des études analytiques et des tests permettant d'étudier l'impact de nouvelles solutions de lutte contre les bio-agresseurs, faute de disposer elle-même des équipements nécessaires. Ces prestations s'inscrivaient dans le cadre de projets de recherche entrepris par la FNAMS.
A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a remis en cause l'éligibilité de ces dépenses au motif que les travaux externalisés ne constituaient pas en eux-mêmes des opérations de recherche au sens du CIR. L'administration faisait ainsi application de la position exprimée dans le Guide du CIR[2], reprise par la suite dans sa doctrine administrative[3], en vertu de laquelle les travaux sous-traités « doivent correspondre à la réalisation de véritables opérations de R&D, nettement individualisées ».
Le Conseil d'Etat infirme cette analyse en considérant que de telles dépenses peuvent ouvrir droit au CIR dès lors qu'elles sont nécessaires à des opérations de recherche engagées par le contribuable, indépendamment du fait que les travaux sous-traités constituent, en eux-mêmes, des opérations de recherche.
Quelles conséquences pratiques ?
Cette décision du Conseil d'Etat permet aux entreprises d'inclure dans l'assiette de leur CIR les dépenses afférentes à des travaux externalisés à un organisme de recherche public ou privé agréé dès lors que ces travaux sont nécessaires à la réalisation des opérations éligibles, même si, pris isolément, ces travaux ne constituent pas des opérations de recherche.
Une telle possibilité est-elle subordonnée à ce que l'entreprise justifie ne pas être en capacité de réaliser elle-même les travaux sous-traités ? Dans sa décision, réglant l'affaire au fond, le Conseil d'Etat relève que les prestations sous-traitées ne pouvaient être réalisées par le donneur d'ordre « faute de disposer des équipements scientifiques nécessaires ».
Dans le même ordre d'idée, le Guide du CIR prévoit, depuis sa mise à jour en 2019, que pour être éligible, la sous-traitance « doit répondre à un besoin de compétences spécifiques pour réaliser une opération de R&D, dans le cas où le donneur d'ordre n'a pas les compétences adéquates pour réaliser l'opération »[4]. Ce guide, bien que dépourvu de valeur légale, n'en reste pas moins un indicateur important de l'approche de l'administration fiscale.
A cet égard, si le Conseil d'Etat ne semble pas subordonner dans sa décision l'éligibilité au CIR à l'incapacité du donneur d'ordre de réaliser en interne les opérations sous-traitées, l'administration pourrait être tentée de redresser en cas de prise en compte dans l'assiette du CIR de dépenses correspondantes à l'externalisation d'opérations que l'entreprise pourrait réaliser avec ses propres moyens matériels et humains.
[1] CE, 9e et 10e ch., 22 juillet 2020, n° 428127, Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences
[2] Cette précision, qui figurait dans les guides du CIR pour les années redressées, 2010 à 2013, est toujours présente dans le Guide du CIR 2019 (page 27).
[3] BOI-BIC-RICI-10-10-20-30, n° 1 du 7 décembre 2016, non modifié lors de la mise à jour en date du 5 avril 2017.
[4] Guide du CIR 2019, page 26