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Fiscalité des entreprises
Création d’un service de mise en conformité fiscale des entreprises
Jean-Pierre Lieb, Morgan Vail
La circulaire relative au service de mise en conformité fiscale des entreprises (« service de mise en conformité fiscale »), en date du 28 janvier 2019, a été publiée le 12 mars 2019 sur le site impots.gouv.fr.
Cette publication fait suite à la consultation publique, ouverte entre le 26 juillet 2018, au lendemain de l'adoption par le Parlement de la loi pour un Etat au service d'une société de confiance1, et le 14 octobre 2018.
La procédure imaginée par le Gouvernement s'inscrit en effet dans la recherche d'un équilibre entre le renforcement de la lutte contre la fraude et l'établissement d'une logique d'accompagnement et de conseil dans les relations entre l'administration et les administrés.
Cette mesure s'inscrit d'ailleurs dans le cadre d'une nouvelle relation de confiance entre l'administration fiscale et les contribuables. Elle en constitue l'un des sept piliers énoncés par le Ministre de l'Action et des Comptes publics, le 14 mars 2019 lors du colloque « Pour une nouvelle relation de confiance entre les entreprises et l'administration fiscale »2)
Les modalités de fonctionnement du service de mise en conformité fiscale sont les suivantes :
Ce qui pourra faire l'objet d'une demande de mise en conformité
Le service de mise en conformité fiscale ne pourra connaître que des demandes spontanées de mise en conformité. Sont donc exclues du dispositif l'ensemble des entreprises faisant l'objet d'un contrôle fiscal, d'une enquête en cours ou ayant reçu un avis de vérification de comptabilité.
La compétence du service est par ailleurs limitée aux cas de mises en conformité spontanées relatives :
De manière générale :
- aux anomalies fiscales découvertes par les nouveaux détenteurs et repreneurs d'une entreprise ;
- à l'ensemble des montages illicites ou abusifs faisant l'objet d'une fiche publiée sur le site « economie.gouv.fr » ;
- à toute opération susceptible de relever d'une des sanctions prévues en cas d'abus de droit3, de manœuvres frauduleuses4 ou encore d'activités occultes5.
En matière de fiscalité internationale :
- aux activités en France non déclarées et constitutives d'un établissement stable ;
- à la déduction de tout ou partie des intérêts d'un prêt consenti par une société étrangère au mépris des dispositions prévues par l'article 212 du code général des impôts (CGI).
En matière de fiscalité des dirigeants :
- au régime fiscal des impatriés prévu à l'article 155 B du CGI ;
- au non-respect des conditions d'un pacte Dutreil tel que prévu à l'article 787 B du CGI ;
- au non assujetissement à tort d'une plus-value de cession de titres ;
- aux schémas abusifs de management package et d'utilisation abusive de PEA, tels que décrits sur le site « economie.gouv.fr ».
On peut regretter que le champ d'application du service soit limité aux cas susvisés, cette limite n'apparaissant, par ailleurs, pas particulièrement en phase avec l'objectif annoncé d'établir une relation de confiance et d'échanges avec l'administration. Il aurait pu être intéressant d'inclure aussi les cas pouvant donner lieu à l'application de pénalités pour manquements délibérés6.
D'un point de vue pratique, on notera qu'il n'est pas précisé ce qu'il adviendra des dossiers déposés et considérés « hors-champ » par l'administration fiscale. Un double risque pourrait naître, tant du rejet de la demande de mise en conformité, que de l'usage qui pourrait être fait de cette demande par l'administration, notamment dans le cadre d'un contrôle fiscal.
Comment faire une demande de mise en conformité ?
Les contribuables intéressés devront être à l'initiative d'une proposition de règlement de la situation objet de la demande de mise en conformité et déposer auprès de la DGE7, laquelle aura le rôle de point d'accès unique au service de mise en conformité, un dossier complet comprenant les éléments suivants :
- une demande de mise en conformité fiscale ;
- un écrit comprenant de manière précise et circonstanciée la problématique faisant l'objet de la demande de mise en conformité, accompagnée de tout document probant ;
- les déclarations rectificatives couvrant toute la période non prescrite ;
- les justificatifs relatifs aux montants régularisés et permettant leur calcul pour s'assurer de l'exactitude des données chiffrées ;
- une attestation du contribuable selon laquelle son dossier est sincère.
La lourdeur de ce formalisme pourra cependant être atténuée grâce à la possibilité de déposer, par exception et dans certains cas particuliers, les déclarations rectificatives ainsi que les justificatifs relatifs aux montants régularisés dans un délai de six mois après le dépôt de la demande de mise en conformité fiscale.
Il n'est en revanche pas précisé les conséquences qu'engendrerait le dépassement d'un tel délai.
Par ailleurs, en amont du dépôt d'un dossier, un dialogue pourra s'engager entre le service de mise en conformité et les contribuables sur le traitement fiscal à réserver à la situation que ces derniers souhaitent corriger. Une fois le dossier déposé, le service pourra également demander des compléments d'information au contribuable.
La circulaire précise enfin que les garanties accordées au contribuable dans le cadre d'un contrôle fiscal seront transposées à la procédure de mise en conformité. Les contribuables auront ainsi la possibilité de bénéficier de deux niveaux de recours hiérarchique et de saisir la commission nationale ou départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la Commission de conciliation ou le Comité de l'abus de droit fiscal.
Quelles sont les conséquences d'une demande de mise en conformité ?
En matière de prescription
La circulaire prévoit que les délais de reprise de droit commun s'appliqueront, notamment le délai étendu de 10 ans en cas d'exercice d'une activité occulte (art. L. 169 du Livre des procédures fiscales (LPF)).
Il n'est cependant pas précisé la conséquence qu'aura une telle demande de mise en conformité sur le droit de reprise de l'administration. Dès lors que la présentation du dossier pourrait être regardée comme une reconnaissance de la dette fiscale par le contribuable, il nous semble qu'elle devrait entraîner interruption de prescription8.
En matière de paiement des droits et des pénalités
Concernant le paiement des droits dus, les contribuables devront s'acquitter du paiement intégral des impositions supplémentaires à leur charge, ou s'engager à les acquitter selon un échelonnement convenu avec l'administration.
Concernant les pénalités et intérêts de retard, leur montant pourra être modulé par voie transactionnelle prévue à l'article L. 247 du LPF et conformément aux barèmes indicatifs suivants, lesquels seront appliqués en fonction des circonstances conduisant à la demande de mise en conformité :
Taux de droit commun | Taux de régularisation | Intérêts de retard |
80 % | 30 % | Réduits de 40 % |
40 % | 15 % | Réduits de 40 % |
10 % | 0 % | Réduits de 50 % |
Il est toutefois précisé que lorsque le montant de la remise transactionnelle excédera 200 000 €, la proposition de transaction sera soumise à l'avis du comité du contentieux fiscal, douanier et des changes.
Rappelons enfin que la conclusion d'une transaction fait obstacle à ce que le contribuable puisse, par la suite, contester les droits ou les pénalités devant le juge de l'impôt (art. L. 251 du LPF).
En matière de contrôle fiscal ultérieur
L'administration fiscale pourra engager un contrôle fiscal en cas de désaccord avec le contribuable sur les conditions de mise en conformité.
Situation particulière des repreneurs d'une entreprise intervenant dans le délai de 12 mois à compter de la reprise
Le projet distingue trois cas de figure selon que le bénéficiaire bénéficie ou non d'une garantie de passif de la part du cédant :
- lorsque les conséquences fiscales de la mise en conformité pèsent en totalité sur le cédant (garantie de passif totale), les remises de pénalités ne trouvent pas à s'appliquer ;
- lorsque les conséquences fiscales de la mise en conformité pèsent en partie sur le cédant (garantie de passif partielle), les remises de pénalités s'appliqueront à hauteur du prorata prévu par la convention de garantie de passif et restant à la charge du cessionnaire ;
- lorsque les conséquences fiscales mise en conformité pèsent exclusivement sur le cessionnaire, le barème s'appliquera en totalité.
Durée de fonctionnement du guichet de mise en conformité fiscale
Aucune durée spécifique de fonctionnement n'a, pour le moment, été annoncée pour le service de mise en conformité fiscale. Il est néanmoins prévu, qu'au bout d'un an d'existence, le dispositif fera l'objet d'un bilan en vue d'éventuels aménagements.
[1] Loi n° 2018-727 du 10 août 2018.
[2] https://www.economie.gouv.fr/colloque-entreprises-administration-fiscale-nouvelle-relation-confiance
[3] CGI, art. 1729, b.
[4] CGI, art. 1729, c.
[5] CGI, art. 1728, c.
[6] CGI, art. 1729, a.
[7] Direction des Grandes Entreprises, sise 8 rue Courtois, 93505 Pantin Cedex
[8] LPF, art. L. 189.