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Fiscalité des particuliers
Covid-19 - Focus sur les enjeux de fin d'année en mobilité internationale
Emmanuel Morisson-Couderc, Xavier Delaunay
L'altération des déplacements engendrée par l'épidémie de Covid-19 soulève de nombreuses interrogations en matière d'imposition et cotisations sociales. Les échéances de fin d'année conduisent toutefois les employeurs à devoir se positionner rapidement sur le traitement fiscal et social des rémunérations versées à leurs salariés en mobilité en 2020.
Quel régime de sécurité sociale?
Etats parties aux règlements européens de coordination des régimes de sécurité sociale
Une réponse a été rapidement apportée au niveau européen pour maintenir le statu quo en matière de législation de sécurité sociale applicable et éviter des changements d'affiliation pour les mouvements intra-Europe. Cette neutralisation initialement actée jusqu'au 31 décembre 2020 se prolongera jusqu'au 30 juin 2021.
Etats liés à la France par un accord de sécurité sociale
La neutralisation est également opérée sous réserve de l'obtention d'un certificat de détachement de la part des autorités du pays d'origine du salarié. Si la situation perdure, il conviendra de s'assurer que les salariés de sociétés françaises réfugiés dans un Etat conventionné ou, à l'inverse, les salariés de sociétés étrangères venus se réfugier en France disposent de certificats de détachement pour éviter toute modification du régime de sécurité sociale et les obligations d'enregistrement de l'employeur qui en résulteraient.
Etats non liés à la France par un accord de sécurité sociale
Une attention particulière est à apporter à ces situations car aucune tolérance n'est prévue pour éviter le paiement des cotisations de sécurité sociale françaises si le salarié est venu s'installer en France. Si ce point n'avait pas nécessairement été pris en compte en début d'année au moment du premier confinement, l'installation plus durable de la situation et le temps de présence conséquent en France du salarié doit conduire à revoir la situation pour une éventuelle régularisation et affiliation de la société étrangère en France pour le paiement des cotisations.
Quel régime fiscal ?
Le sort des salariés frontaliers
Des accords spécifiques ont été signés avec l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et la Suisse afin d'assurer la neutralité fiscale des jours télétravaillés à domicile en 2020. Les salariés concernés ne perdront pas leur éligibilité aux régimes spécifiques d'imposition prévus avec chaque pays.
Le sort des salariés transfrontaliers
Des conventions ont été signées avec l'Allemagne, la Belgique, l'Italie et la Suisse permettant au salarié de choisir si la rémunération versée au titre de ses jours de télétravail contraints est imposable dans son Etat de résidence ou dans l'Etat de son activité habituelle. Une application concertée et symétrique entre les deux Etats est requise.
Ces accords initialement valables de mi-mars 2020 jusqu'au 31 décembre 2020 sont en cours de prolongation jusqu'au 31 mars 2021.
- Allemagne / Belgique : « opt-in »
Le principe est celui d'une imposition dans l'Etat de résidence, le salarié pouvant opter pour une imposition dans l'Etat d'exercice habituel.
- Suisse / Italie : « opt-out »
Le principe est celui d'une imposition dans l'Etat d'exercice habituel, le salarié pouvant opter pour une imposition dans l'Etat de résidence.
- Enjeux pour l'employeur
Il convient de s'assurer dès à présent du choix du salarié et acter des conséquences déclaratives, fiscales et financières qui en découlent au titre des rémunérations versées en 2020.
En particulier, les retenues à la source sur les salaires versés à des non-résidents devraient être régularisées au plus tard le 15 janvier 2021. Compte tenu du caractère libératoire de ces retenues, leur absence d'application par l'employeur pourrait en effet pénaliser le salarié qui souhaiterait être soumis à l'impôt en France sur ses jours « Covid » s'il exerce son droit d'option.
Par ailleurs, la formalisation de l'option du salarié implique pour l'employeur la production d'une attestation quant au nombre de jours concernés par le dispositif qu'il est nécessaire d'anticiper.
Le sort des régimes d'imposition de faveur en France
Les régimes fiscaux des impatriés (art. 155 B du CGI) et des expatriés (art. 81 A du CGI) permettent sous conditions d'exonérer d'impôt la rémunération relative aux jours travaillés hors de France. L'application stricte des textes conduit à exclure les jours passés en télétravail dès lors qu'ils ne l'ont pas été à l'étranger « dans l'intérêt direct et exclusif » de l'employeur. Il convient d'anticiper la régularisation fiscale des exonérations appliquées en paie en 2020 afin que le salarié ne bénéficie pas d'un avantage indu et le sensibiliser à la charge fiscale supplémentaire qui en résultera.
Les enjeux de résidence fiscale et de droit d'imposition
En l'état actuel, la détermination du droit d'imposer dépend pour chaque situation bilatérale de la convention fiscale applicable. Un jour de télétravail « Covid » est en principe imposable dans l'Etat où il a été effectué, sous réserve de la résidence fiscale du salarié et de la règle dite des 183 jours. Certains Etats ont exprimé des positions souples permettant à l'Etat de résidence ou d'activité habituelle d'imposer la rémunération au titre des jours de télétravail contraints. D'autres Etats ont retenu une application plus stricte. Il est donc indispensable d'analyser au cas par cas la symétrie du traitement fiscal à opérer en France et dans l'autre Etat, notamment pour les cadres dirigeants.