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Fiscalité des entreprises

Amendement Charasse et contrôle conjoint : une saisine loin de lever toutes les interrogations

12/03/2018

Anne Colmet Daâge - Mathieu Ferré

La décision du Conseil d'Etat#1, de renvoyer une QPC sur le dispositif Charasse au Conseil constitutionnel, ne résoudra pas pour autant les difficultés liées à la caractérisation d'un contrôle conjoint.

A l'heure où s'engagent des réflexions tant sur les évolutions du régime de l'intégration fiscale que sur les règles encadrant la déductibilité des charges financières à l'occasion de la transposition de la directive ATAD qui, espérons-le, sera l'occasion de toiletter le mille-feuille législatif français en la matière voire de corriger certaines différences de traitement injustifiées comme la limitation de la possibilité de justifier du taux de marché aux seuls emprunts conclus avec des actionnaires « majoritaires », le Conseil d'Etat vient de déférer au Conseil constitutionnel l'« amendement Charasse » figurant désormais au 6e alinéa de l'article 223 B du CGI.

Sans revenir sur cette décision, il convient tout de même de souligner que l'analyse opérée par le Conseil d'Etat pour apprécier le caractère sérieux de la QPC s'est fondée sur les travaux parlementaires relatifs à son adoption en 1988 pour mettre en évidence que, en dépit du caractère en apparence purement objectif de ce dispositif de réintégration des charges financières, l'objet de ce dernier était de constituer une mesure anti-abus visant à pénaliser les opérations de « rachat à soi-même » ne répondant qu'à une motivation fiscale.

Aussi intéressante soit-elle, la décision que rendront les sages ne lèvera pas toutes les difficultés d'application de ce dispositif. En effet, l'éventuel apport de celle-ci risque d'être limité à la consécration d'une faculté pour les contribuables d'échapper à la réintégration dans le cas particulier où l'opération se traduit par le passage d'une situation de contrôle exclusif à une hypothèse de contrôle conjoint, en démontrant que la restructuration avait des motivations autres que fiscales. Une telle tolérance se comprendrait dès lors que de tels cas, caractérisés par un désengagement de l'associé initial, ne correspondent pas aux montages initialement visés par le législateur.

S'il a validé l'interprétation de la loi retenue par les magistrats nantais#2 en considérant que, du fait du renvoi opéré par l'article 223 B du CGI à la notion de contrôle au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, envisageant le cas du contrôle conjoint dans son III, cette mesure devait s'appliquer « non seulement dans l'hypothèse d'une identité entre le ou les actionnaires de la société cédée et le ou les actionnaires exerçant le contrôle de la société cessionnaire mais également dans le cas où l'actionnaire qui contrôlait la société cédée exerce, de concert avec d'autres actionnaires le contrôle de la société cessionnaire », le Conseil d'Etat n'a en revanche pas pris position sur la caractérisation d'un tel contrôle.

Souhaitons que, quelle que soit l'issue de la QPC, la Haute-juridiction viendra clarifier ce point lors de la reprise de l'instance et mettra un terme à la propension consistant à déduire trop souvent l'existence d'une situation de contrôle de la constatation d'une simple action de concert en contradiction avec la jurisprudence du juge judiciaire rappelant que la caractérisation d'une pratique concertée ne suffit pas à démontrer l'existence d'un contrôle conjoint#3. Les pactes d'actionnaires n'organisant que des interdictions temporaires et des cessions conjointes ne devraient pas entrer dans le champ d'application de l'amendement Charasse dès lors que, d'une part, ils n'ont pas pour finalité de mettre en œuvre une politique commune vis-à-vis de la société ou d'obtenir le contrôle de celle-ci et ne révèlent donc pas l'existence d'une action de concert au sens de l'article L. 233-10 du code de commerce et, d'autre part, ils ne permettent pas, voire même n'ont pas pour objet, « de déterminer en fait les décisions prises en assemblée générale » au sens du III de l'article L. 233-3 de ce même code.

A l'heure où l'objectif de conformité transcende l'ensemble du cadre législatif et réglementaire, la notion protéiforme d'action de concert, née dans le creuset du droit boursier pour assurer la protection des intérêts des actionnaires et s'étant diffusée depuis lors dans de multiples autres branches juridiques afin de servir des finalités diverses, atteste des difficultés d'atteindre un tel Graal. Espérons que le Conseil d'Etat vienne, le cas échéant conjointement avec le juge judiciaire, contrôler la prolifération de celle-ci afin de participer au renforcement de la sécurité juridique des opérateurs économiques.

* Cet article a été publié dans Option Finance n°1452, 5 mars 2018


1 CE, 1er février 2018, n° 412155, SAS Mi Développement 2

2 CAA Nantes, 4 mai 2017, n° 15NT01908, SAS Mi Développement 2

3 Cass. com., 15 mars 2011, n° 10-11.877, SARL Libération c/ Aubenas