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Articles & Actualités

Fiscalité des entreprises

Régime TVA des prestations afférentes aux opérations d’assurance

13/02/2020

Alain Guerineau, Carole Traoré


Le 13 novembre 2019, l'administration fiscale est venue compléter sa doctrine administrative officielle relative aux opérations d'intermédiation en assurance en faisant sienne l'analyse retenue par la Cour de Justice de l'union Européenne (CJUE) dans la décision communautaire la plus récente en la matière, l'affaire Aspiro du 17 mars 2016[1].

Cette modification de la doctrine administrative fait également suite à la décision rendue par le Conseil d'Etat le 9 octobre 2019 à l'occasion de laquelle la haute juridiction est venue s'aligner sur la position adoptée par la CJUE dans l'affaire Aspiro.

Pour mémoire, la décision Aspiro avait été rendue concernant l'application de l'exonération de la TVA à des services de règlement de sinistres fournis par Aspiro à une entreprise d'assurance.

Dans cette affaire, la société Aspiro, mandatée par une entreprise d'assurance afin d'effectuer en son nom et pour son compte l'ensemble des services afférents au règlement des sinistres, avait considéré que ces services devaient bénéficier de l'exonération de TVA prévue à l'article 135, 1-a de la directive 2006/112/CE[2].

Pour la CJUE, de tels services de règlement de sinistres ne peuvent bénéficier de l'exonération qu'à condition qu'ils recouvrent les « aspects essentiels de la fonction d'intermédiaire d'assurance, tels que la recherche de prospects et la mise en relation de ceux-ci avec l'assureur en vue de la conclusion de contrats d'assurance ».

Or au cas particulier, l'activité de la société se limitait à régler des sinistres au nom et pour le compte de l'entreprise d'assurance, sans toutefois pouvoir être rattachés à la recherche préalable de prospects ou à la mise en relation de ces derniers avec l'entreprise d'assurance en vue de la conclusion de contrats d'assurance. Partant de cette constatation, la CJUE avait alors exclu du bénéfice de l'exonération les services de règlement de sinistres fournis par la société.

Dans une décision rendue le 9 octobre dernier, le Conseil d'Etat est venu s'approprier la grille de lecture adoptée par les juges communautaires pour refuser l'exonération de TVA concernant les services fournis à un agent général d'assurances et qui ne comportaient pas de dimension de prospection[3].

L'affaire qui était soumise à la haute juridiction portait sur l'application de la TVA à des services de traitement de données et de fourniture d'informations rendus par la société de droit marocain MMD à un agent général d'assurances établi en France.

Considérant que ces prestations relevaient de l'exonération de TVA applicable aux prestations afférentes à des opérations d'assurance réalisées par les courtiers et les intermédiaires d'assurance, le bénéficiaire des services n'a pas auto-liquidé la TVA française au titre de ces services.

A l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a considéré que les prestations en cause ne sauraient bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions du 2° de l'article 261 C du CGI.

Dans sa décision, le Conseil d'Etat a tout d'abord rappelé la solution retenue par la CJUE dans l'affaire Aspiro en considérant qu'il résulte de l'interprétation faite par la CJUE dans « son arrêt du 17 mars 2016, (C-40/15), Minister Finansów c/ Aspiro SA, que les prestations de services afférentes à des opérations d'assurance effectuées par les courtiers et les intermédiaires d'assurance doivent être liées à la nature même du métier de courtier ou d'intermédiaire d'assurance, lequel consiste en la recherche de clients et la mise en relation de ceux-ci avec l'assureur, en vue de la conclusion de contrats d'assurance et que, s'agissant d'un sous-traitant, il importe que celui-ci participe à la conclusion de contrats d'assurance ».

La haute juridiction s'est ensuite appuyée sur l'appréciation des faits réalisée par la cour administrative d'appel de Nantes en relevant que la société MMD n'effectuait aucune recherche de clients au profit de l'agent d'assurance et ne disposait pas de la liberté de choix de l'assureur. Les prestations qu'elle rendait à l'agent d'assurance portaient sur des services tels que l'appel automatique des clients (programmé informatiquement à partir des fichiers transmis par celui-ci) et la fourniture, à ce dernier, des informations nécessaires à l'émission du contrat d'assurance qui était signé en son nom pour le compte de la compagnie d'assurance.

Ainsi, en l'absence de la participation de la société MMD à la conclusion des contrats d'assurance, le Conseil d'Etat a considéré que les services fournis par la société MMD à l'agent d'assurance ne constituaient pas des « prestations de services afférentes à des opérations d'assurance effectuées par un intermédiaire d'assurance au sens de l'article 261 C » du CGI et partant, a rejeté le pourvoi intenté par le requérant.

Ces décisions de la CJUE et du Conseil d'Etat sont ainsi venues préciser les critères permettant d'apprécier le champ d'application de l'exonération de TVA applicable aux opérations d'intermédiation en assurance.

La doctrine fiscale faisait en effet du statut régulé de l'intermédiaire, un critère clé de l'exonération des opérations d'intermédiation en prévoyant que :

« Les courtiers d'assurance et de réassurance sont exonérés pour les opérations qu'ils réalisent dans le cadre de leur activité réglementée (…).

Qu'il s'agisse de co-courtage (intervention conjointe de plusieurs courtiers recevant directement chacun sa part de rémunération) ou de sous-courtage (rétrocession par un courtier à un confrère d'une partie de sa rémunération), les sommes acquises par chacun des intervenants sont exonérées de la TVA.

Il en est de même dans l'hypothèse où un courtier d'assurance gère ou exploite un portefeuille de courtage qui ne lui appartient pas, s'il est établi que ce portefeuille appartient à un courtier habilité.

En définitive, demeurent seules imposables les opérations accomplies par des courtiers n'agissant pas en tant que tels ou qui ne constituent pas des prestations de services afférentes à des opérations d'assurance. »[4].

Le fait de subordonner le bénéfice d'un régime spécifique ou d'une exonération au statut du prestataire ayant généralement été censuré par la CJUE (ce fut le cas concernant le régime des agences de voyages ou encore le secteur médical), le rôle effectif joué par lesdits intermédiaires (i.e., conditions de fond) devient un critère essentiel dans l'appréciation du régime d'exonération.

C'est ainsi que le BOFiP précise que :

« Il résulte de la jurisprudence de l'Union européenne (CJUE, affaire C-40/15, Aspiro SA, arrêt du 17 mars 2016,) que deux conditions sont requises aux fins de l'examen du contenu des activités susceptibles de bénéficier de l'exonération de TVA applicable aux prestations de services afférentes à des opérations d'assurance effectuées par les courtiers et les intermédiaires d'assurance. D'une part, ces prestataires doivent être en relation avec l'assureur et l'assuré, cette condition pouvant être satisfaite même si le lien avec l'assuré est indirect. D'autre part, l'activité exercée doit recouvrir des aspects essentiels de la fonction d'intermédiaire d'assurance, tels que la recherche de clients et la mise en relation de ceux-ci avec l'assureur, en vue de la conclusion de contrats d'assurances (prospection).

Sont considérés comme des aspects essentiels à la fonction d'intermédiaire les prestations liées à la nature même du métier de courtier ou d'intermédiaire.

Ainsi, des prestations de back-office, des prestations se bornant à régler des sinistres au nom et pour le compte d'un assureur, des prestations consistant uniquement en la mise à disposition d'un système informatique ou encore des prestations s'analysant comme un démembrement des activités exercées par les entreprises d'assurance ne présentent pas le caractère essentiel à la fonction d'intermédiaire, et ne sont pas, à ce titre, exonérées de TVA. »[5]

Si les précisions apportées par le BOFiP n'emportent pas en tant que telles un rétrécissement du champ d'application de l'exonération applicable aux opérations d'intermédiation, elles en impliquent probablement une lecture plus stricte.

Précisons qu'il pourra en pratique s'avérer complexe de qualifier le rôle (en lien avec la distribution des produits d'assurance) joué par chacun des intervenants, dans un certain nombre de situations particulières, telles que le co-courtage, le sous-courtage, les courtiers grossistes ou encore l'intervention de plateformes.

Un état des lieux des schémas de distribution et de services fournis pourra dès lors s'avérer nécessaire afin de sécuriser le traitement TVA appliqué.

Dans l'hypothèse où tout ou partie des prestations fournies venait à être soumis à la TVA (en particulier dans le cas où le rôle du gestionnaire dans la distribution s'évèrerait insuffisant) la mise en œuvre d'une politique pertinente de gestion des droits à déduction de la TVA d'amont ainsi que de la taxe sur les salaires au niveau du prestataire pourrait permettre de maîtriser la politique tarifaire entre les parties et limiter le potentiel impact financier lié à cet assujettissement

[1] CJUE, 17 mars 2016, aff. C-40/15, Aspiro SA

[2] CGI, art. 261 C, 2°

[3] CE, 9 octobre 2019, n° 416107

[4] BOI-TVA-CHAMP-30-10-60-10

[5] BOI-TVA-CHAMP-30-10-60-10, n°290

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