Articles & Actualités
Fiscalité des entreprises
Loi de finances pour 2022
Jérôme Ardouin, Mathieu Ferré
La loi de finances pour 2022 a été définitivement adoptée par l'Assemblée nationale le 15 décembre 2021.
Sous réserve d'éventuelles censures à la suite de l'examen par le Conseil constitutionnel, qui a d'ores et déjà été saisi, les principales mesures sont désormais connues.
Si les mesures fiscales à destination des entreprises contenues dans le projet initial ont été assez peu modifiées à l'occasion de la navette parlementaire, l'Assemblée nationale a enrichi le texte de quelques nouveaux dispositifs comme, par exemple, la clarification d'une règle d'application du dispositif anti-hybride ou la création d'un crédit d'impôt en faveur de la recherche collaborative.
En matière de fiscalité des particuliers, les modifications sont peu nombreuses tels l'aménagement des règles d'imposition des revenus exceptionnels et différés, des retouches des règles relatives à l'imposition des gains de cession d'actifs numériques ou l'instauration d'une présomption de contrôle pesant sur les constituants de trust situés dans un Etat à fiscalité privilégié.
Imposition des revenus des non-résidents
Mise en conformité de certaines retenues à la source avec le droit de l'Union européenne
La loi de finances aménage plusieurs retenues à la source, notamment celle de l'article 182 B du code général des impôts (CGI) sur les rémunérations des prestations de service et les redevances et celle du 2 de l'article 119 bis du même code sur les dividendes, afin de prendre en compte la jurisprudence du Conseil d'Etat rendue au sujet de l'application des libertés de circulation[1].
Concernant la retenue à la source de l'article 182 B[2], elle sera désormais calculée sur le montant brut des sommes versées, diminué d'un abattement de 10 % lorsque le bénéficiaire est une personne morale ou un organisme dont les résultats ne sont pas imposés à l'impôt sur le revenu entre les mains d'un associé et dont le siège ou l'établissement stable dans le résultat duquel les sommes ou produits sont inclus est situé soit dans un Etat membre de l'Union européenne (UE), soit dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen (EEE) qui a conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et qui n'est pas non coopératif.
Par ailleurs, un tel bénéficiaire pourra réclamer, sous réserve que les règles de son Etat de résidence ne lui permettent pas d'imputer la retenue à source, la restitution de la fraction excédant l'imposition qui aurait été due en France sur ces revenus compte tenu des charges directement liées à leur acquisition et à leur conservation qu'il a supportées et qui auraient été fiscalement déductibles si le bénéficiaire avait été situé en France.
Cette possibilité de réclamer l'excédent de retenue à la source est aussi prévue, sous les mêmes conditions, pour la retenue à la source de l'article 182 A bis relative aux revenus tirés de prestations artistiques fournies ou utilisées en France.
Elle est également prévue pour la retenue à la source sur les dividendes du 2 de l'article 119 bis sous réserve que le bénéficiaire soit situé :
- soit dans un Etat membre de l'UE,
- soit dans un Etat de l'EEE qui a conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et qui n'est pas non coopératif ;
- soit même dans un autre pays ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et qui n'est pas non coopératif, si la participation détenue par le bénéficiaire des dividendes dans la société distributrice ne lui permet pas de participer de manière effective à la gestion ou au contrôle de celle-ci[3].
Enfin, la loi aménage légèrement la procédure permettant aux personnes morales étrangères déficitaires d'obtenir la restitution des retenues ou prélèvements à la source qu'elles ont supportés en France[4] : la demande de restitution pourra désormais être présentée dans le délai prévu pour les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts locaux et le délai dont dispose les personnes ayant obtenu le remboursement de sommes pour déposer leur déclaration de résultat conditionnant le maintien du report d'imposition est relevé de trois à six mois à compter de la clôture de l'exercice. Il est également précisé que lorsque les impositions mises en report en application de ce mécanisme portent sur des exercices distincts, la déchéance de ce report s'applique en priorité aux impositions les plus anciennes.
Ces modifications s'appliqueront aux retenues à la source dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2022.
Conditions pour pouvoir être désigné en qualité de représentant fiscal
La loi modifie les dispositions de l'article 244 bis A du CGI afin de prévoir des conditions d'accréditation des représentants fiscaux distinctes de celles qui sont désormais fixées par la loi pour les représentants fiscaux en matière de TVA (v. infra).
Pourront ainsi être accréditées, les personnes établies en France qui remplissent les conditions suivantes :
- ni elle, ni aucun de ses dirigeants lorsqu'il s'agit d'une personne morale, n'a commis d'infractions graves ou répétées aux dispositions fiscales, n'a fait l'objet des sanctions prévues aux articles L. 651-2, L. 653-2 et L. 653-8 du code de commerce au cours des trois années qui précèdent, ni n'a fait l'objet d'une mesure d'interdiction en cours d'exécution prévue au même article L. 653-8[5] ;
- elle respecte les obligations fiscales déclaratives et de paiement qui lui incombent pour le compte des personnes qu'elle représente ou pour son propre compte ;
- elle dispose de garanties permettant d'assurer le respect des obligations résultant de sa qualité de représentant.
Les représentants fiscaux ayant obtenu une accréditation avant l'entrée en vigueur du décret à paraître devront se conformer aux prescriptions de celui-ci dans les 12 mois à compter de son entrée en vigueur sous peine de caducité de plein droit de leur accréditation.
Fiscalité des entreprises
Imposition des bénéfices
Déduction fiscale de l'amortissement du fonds commercial
La loi de finances prévoit que les amortissements des fonds commerciaux ne sont pas admis en déduction du résultat fiscal. Cependant, de manière dérogatoire et temporaire, est autorisée la déduction fiscale des amortissements régulièrement constatés en comptabilité au titre des fonds acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025.
Sont ainsi concernées par cette mesure les entreprises en mesure d'amortir un tel fonds sur le plan comptable, à savoir :
- les entreprises qui peuvent établir que la durée d'utilisation de leur fonds est limitée ;
- les petites entreprises au sens de l'article L. 123-16 du code de commerce qui peuvent amortir leurs fonds commerciaux sur 10 ans sans avoir à justifier que les effets bénéfiques de cet actif prendront fin à une date déterminée conformément aux dispositions de l'article 214-3 du Plan comptable général.
Cette mesure s'applique aux exercices clos à compter du 31 décembre 2021.
Clarification de l'incidence du délai d'inclusion de 24 mois dans le cadre du dispositif anti-hybride
En vertu des dispositions de l'article 205 B du CGI qui visent à lutter contre les asymétries hybrides, une société ne peut pas déduire de l'impôt sur les sociétés (IS) en France une charge lorsque celle-ci n'a pas donné lieu à une inclusion chez la société bénéficiaire à l'étranger. S'agissant des asymétries hybrides liées à un instrument financier, un paiement est réputé inclus dans les revenus imposables du bénéficiaire « si cette inclusion a lieu au titre d'un exercice qui commence dans les vingt-quatre mois suivant la fin de l'exercice au titre duquel la charge a été déduite »[6]. Ce délai de 24 mois est également retenu pour apprécier l'existence d'une double déduction dans le cas d'un paiement effectué à une entité hybride.
La loi de finances précise que, à défaut d'inclusion au titre de l'exercice du paiement, la charge demeure déductible au titre de cet exercice et que ce n'est que, postérieurement à l'expiration de la période susmentionnée, que la société française devra réintégrer cette charge.
A défaut de règles particulières, cette modification est applicable aux exercices clos à compter du 31 décembre 2021[7].
Création d'un crédit d'impôt en faveur de la recherche collaborative
La loi instaure un nouveau crédit d'impôt en faveur de la recherche collaborative, codifié à l'article 244 quater B bis du CGI.
Cette mesure vise à inciter la collaboration entre les entreprises et les organismes de recherche publics à la suite de l'harmonisation des règles de sous-traitance pour l'application du crédit d'impôt recherche (CIR) effectuée par l'article 35 de la loi de finances pour 2021 qui a, notamment, supprimé les avantages dont bénéficiaient les travaux de recherche confiés à des organismes publics.
Seront concernées les dépenses engagées dans le cadre de contrats de collaboration de recherche conclus entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025[8] avec un organisme de recherche et de diffusion des connaissances[9].
Les dépenses éligibles seront prises en compte dans le cadre de ce nouveau crédit d'impôt dans la limite de 6 millions d'euros par an et le taux du crédit d'impôt sera de 40 %, porté à 50 % pour les PME au sens communautaire. Ces dépenses, qui ne pourront pas simultanément ouvrir droit au CIR classique, seront tout de même prises en compte pour apprécier le plafond de dépenses de 100 millions d'euros permettant de déterminer le taux applicable pour la détermination du CIR de l'entreprise. Les modalités d'utilisation de ce nouveau crédit d'impôt et les règles concernant son contrôle sont alignées sur celles du CIR.
Le bénéfice de ce crédit d'impôt sera conditionné au respect des règles prévues au titre des aides d'Etat dans le secteur de la recherche.
Prorogation et mise en conformité du crédit d'impôt innovation
La loi prévoit la prorogation du crédit d'impôt innovation[10] aux dépenses engagées jusqu'au 31 décembre 2024.
Elle met aussi le dispositif en conformité avec le droit de l'Union européenne, en assurant un avantage fiscal constant pour le contribuable, par le biais de la suppression de l'assiette du crédit d'impôt de la prise en compte d'un forfait de fonctionnement et par une hausse corrélative de son taux qui est porté à 30 % (au lieu de 20 %) pour les dépenses engagées en métropole et à 60 % (au lieu de 40 %) pour celles engagées en outre-mer. Ces modifications sont applicables aux dépenses engagées à compter du 1er janvier 2023.
Autres mesures concernant l'imposition des bénéfices
- Prorogation d'un an du taux réduit d'impôt sur les sociétés pour la cession de locaux destinés à être transformés en logements
Le dispositif prévu à l'article 210 F du CGI prévoyant l'imposition au taux de 19 % des plus-values de cession de locaux destinés à être transformés en logements s'appliquera ainsi aux cessions réalisées jusqu'au 31 décembre 2023 ou aux cessions ayant fait l'objet d'une promesse de vente conclue jusqu'à cette date, sous réserve que la cession soit réalisée au plus tard le 31 décembre 2024.
- Report en arrière des déficits
Pour l'application des règles relatives au report en arrière des déficits, la loi vient exclure du bénéfice d'imputation, les bénéfices ayant donné lieu à un impôt acquitté au moyen de réductions d'impôt, le texte actuel ne visant expressément que les bénéfices ayant donné lieu à un impôt acquitté au moyen de crédits d'impôt. La nouvelle rédaction s'applique pour le report en arrière des déficits qui sont constatés au titre d'exercices clos à compter du 31 décembre 2021.
- Exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés des plus-values de cession d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité[11]
Ces plus-values seront exonérées, en totalité lorsque le prix de cession, ou la valeur vénale des éléments transmis, est inférieur ou égal à 500 000 euros (au lieu de 300 000 euros actuellement), et partiellement lorsque le prix de cession est compris entre 500 000 euros et 1 000 000 euros (au lieu de 500 000 euros).
Le champ d'application du dispositif est par ailleurs étendu à la cession d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité donnée en location-gérance à une autre personne que le locataire-gérant.
- Extension de la période d'application du statut de jeune entreprise innovante
La loi proroge de 3 ans la période pendant laquelle une entreprise est susceptible d'être qualifiée de jeune entreprise innovante au sens de l'article 44 sexies-0 A, a, du CGI en prévoyant que cette qualité pourra être reconnue aux entreprises qui, à la clôture de leur exercice, ont été créées depuis moins de 11 ans (contre moins de 8 ans actuellement).
- Création d'un crédit d'impôt pour dépenses d'édition d'œuvres musicales
Un nouveau crédit d'impôt est créé au titre des dépenses engagées par les éditeurs de « nouveaux talents »[12]. Les dépenses éligibles, qui seront déterminées après l'application de différents plafonds, ouvriront droit à un crédit d'impôt au taux de 15 %, porté à 30 % pour les PME. Ce crédit d'impôt dont le bénéfice sera subordonné à l'octroi d'un agrément, s'appliquera aux exercices clos à compter du 31 décembre 2022 pour les dépenses engagées jusqu'au 31 décembre 2024, liées à des contrats d'édition conclus à compter du 1er janvier 2022.
- Prorogation d'un an des dispositifs fiscaux zonés de soutien aux territoires en difficulté
La loi proroge jusqu'au 31 décembre 2023, plusieurs dispositifs fiscaux zonés qui arrivaient à expiration en fin d'année[13].
Taxe sur la valeur ajoutée
Modification des règles d'exigibilité de la TVA sur les acomptes liés à des livraisons de biens
Afin de mettre en conformité le droit interne avec la directive TVA, la loi prévoit que la TVA afférente à des livraisons de biens sera exigible au moment de l'encaissement d'un acompte, à concurrence du montant perçu, lorsque celui-ci intervient avant la date de la livraison. Cette nouvelle règle s'appliquera aux acomptes perçus à compter du 1er janvier 2023.
Modification de l'option pour l'assujettissement à la TVA de certains services financiers
Les assujettis peuvent, en application de l'article 260 B du code général des impôts, opter pour l'assujettissement à la TVA de certaines opérations qui se rattachent aux activités bancaires, financières et, d'une manière générale, au commerce des valeurs et de l'argent. A l'heure actuelle, cette option est globale et couvre, lorsqu'elle est exercée, toutes les opérations entrant dans le champ de la mesure.
La loi prévoit que les assujettis puissent opter opération par opération, plutôt que globalement. A défaut de disposition particulière, ces nouvelles règles seront applicables à compter du 1er janvier 2022.
TVA à l'importation
La loi étend le nouveau régime de la TVA à l'importation aux personnes morales non assujetties identifiées à la TVA. Par ailleurs, le délai de déclaration en matière de TVA à l'importation est aligné sur le délai de droit commun en supprimant le délai supplémentaire de deux mois qui devait s'appliquer, pour certains assujettis, à compter du 1er janvier 2022. En revanche, la loi étend aux assujettis placés sous le régime simplifié d'imposition qui réalisent des importations la possibilité de déposer des déclarations trimestrielles, et non mensuelles, lorsque la taxe exigible annuellement est inférieure à 4 000 euros. A défaut de disposition particulière, ces règles seront applicables à compter du 1er janvier 2022.
Autres mesures en matière de TVA
- La loi précise les conditions requises pour être accrédité comme représentant fiscal : conditions afférentes à leur moralité fiscale et économique, à l'adéquation de leurs moyens par rapport à leur mission de représentation et à leur solvabilité financière. A cet égard, les personnes déjà accréditées bénéficieront d'un délai de deux ans pour se mettre en conformité avec l'obligation de solvabilité.
- La loi précise, pour la détermination de la base d'imposition à la TVA des opérations fournies en contrepartie de la remise de bons à usages multiples[14], qu'en l'absence d'information sur la contrepartie payée en échange du bon, il conviendra d'utiliser la valeur monétaire indiquée sur le bon ou dans la documentation correspondante. Cette règle entrerait en vigueur le 1er juillet 2022.
- La loi aménage les taux réduits de TVA applicables dans les secteurs de l'agroalimentaire et de la santé et en matière de logements locatifs sociaux
- La loi proroge l'application du taux réduit de TVA sur les masques et les produits destinés à l'hygiène corporelle adaptés à la lutte contre la propagation du Covid-19
- En réaction à une décision du Conseil constitutionnel[15], la loi met en conformité l'amende fiscale pour omission de facturation prévue à l'article 1737 du CGI avec le principe de proportionnalité des peines. A cette fin, si le taux de l'amende continuera en principe d'être fixé à 50 % du montant de la transaction, son montant maximal sera toutefois plafonné à 375 000 euros par exercice. Par ailleurs, son taux sera automatiquement rabaissé à 5 %, et son montant maximum à 37 500 euros par exercice, lorsque la transaction en cause a été régulièrement comptabilisée par le contribuable.
- La loi renforce certaines règles relatives aux contrôles douaniers afin de lutter contre les fraudes à la TVA reposant sur des exportations fictives
- La loi transpose plusieurs directives et légalise des positions doctrinales afin d'exonérer à compter du 1er janvier 2021 certaines opérations réalisées par la Commission européenne ou d'autres organismes européens dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 ou, à compter du 1er juillet 2022, les opérations réalisées sous certaines conditions par les forces armées des Etats membres de l'UE ou de l'OTAN.
Fiscalité des particuliers
La loi contient plusieurs mesures fiscales précédemment annoncées par le Gouvernement dans le cadre du plan en faveur des indépendants
Abattement sur les plus-values mobilières en cas de départ à la retraite du dirigeant d'une PME[16]
Le délai maximal pouvant s'écouler entre la date du départ à la retraite et la date de la cession des titres est porté à 36 mois (au lieu de 24) pour les départs à la retraite intervenant entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021. Par ailleurs, le bénéfice de cet abattement serait prorogé aux cessions réalisées jusqu'au 31 décembre 2024.
Exonération des plus-values professionnelles en cas de départ à la retraite d'un entrepreneur individuel[17]
Le délai maximal pouvant s'écouler entre la date du départ à la retraite et la date de la cession des titres est également porté à 36 mois (au lieu de 24) pour les départs à la retraite intervenant entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021.
Par ailleurs, en cas d'entreprise donnée en location-gérance, le champ d'application du dispositif est étendu à sa cession à une personne autre que le locataire-gérant.
Possibilité pour les entrepreneurs individuels d'opter pour l'impôt sur les sociétés
En parallèle des débats sur le projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante qui prévoit, notamment, de modifier le régime juridique des travailleurs indépendants, la loi de finances permet aux entrepreneurs individuels d'opter pour leur imposition à l'impôt sur les sociétés. En cas d'exercice de cette option, le contribuable sera assimilé, pour l'application de la plupart des règles du Code général des impôts, à une EURL ou à une EARL ayant opté pour l'impôt sur les sociétés dont il serait l'unique associé.
Cette nouvelle possibilité s'appliquerait à compter de l'entrée en vigueur des modifications concernant le régime juridique des entrepreneurs individuels.
Autres mesures concernant la fiscalité des particuliers
- Aménagement des règles d'imposition des revenus exceptionnels ou différés
La loi légalise l'interprétation administrative des dispositions de l'article 163-0 A du CGI selon laquelle le mécanisme du quotient doit être appliqué sur le revenu net déterminé après imputation, notamment, du déficit global ou du revenu net global négatif[18] en réaction à une décision du Conseil d'Etat qui avait retenu une interprétation différente nettement plus favorable aux contribuables[19].
A défaut de précision, cette modification s'appliquera à compter de l'imposition des revenus perçus en 2021.
- Instauration d'une présomption pour faciliter l'application du dispositif de l'article 123 bis du CGI aux constituants de trusts
Pour faciliter l'application aux trusts des dispositions de l'article 123 bis du CGI qui permettent à l'administration d'imposer au nom d'une personne physique domiciliée en France les revenus perçus par l'intermédiaire d'une entité contrôlée située dans un Etat à fiscalité privilégié, la loi vient présumer que la condition de détention d'au moins 10 % des actions, parts, droits financiers ou droits de vote de l'entité est satisfaite lorsque le contribuable est constituant ou bénéficiaire réputé constituant d'un trust au sens des dispositions de l'article 792-0 bis du CGI. Il est en outre prévu que le renversement de cette présomption « ne saurait résulter uniquement du caractère irrévocable du trust et du pouvoir discrétionnaire de gestion de son administrateur ».
Cette modification s'applique à compter du 1er janvier 2022.
- Option pour un régime réel d'imposition
Le délai pour opter ou pour renoncer à un régime réel d'imposition en matière de bénéfices industriels et commerciaux (BIC), de bénéfices non commerciaux (BNC) ou de bénéfices agricoles (BA) est étendu.
- Aménagement à la marge de la fiscalité des cessions d'actifs numériques
La loi contient deux modifications concernant les règles relatives à l'imposition des gains de cession d'actifs numériques applicables pour les cessions réalisées à compter du 1er janvier 2023.
D'une part, alignant le régime applicable sur celui des personnes se livrant à titre professionnel à des opérations boursières[20], la loi prévoit l'imposition selon les règles des bénéfices non commerciaux (BNC) des produits des opérations d'achat, de vente et d'échange d'actifs numériques effectuées dans des conditions analogues à celle qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d'opérations alors que, à l'heure actuelle, de tels gains sont imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) en vertu de la jurisprudence du Conseil d'Etat[21].
D'autre part, s'agissant des gains de cession réalisées par des contribuables dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé qui sont imposables, en vertu des dispositions de l'article 150 VH bis du CGI, au taux forfaitaire de 12,8 % à l'impôt sur le revenu, la loi vient permettre aux contribuables concernés d'opter pour l'imposition de ces gains au barème.
Mesures diverses
Création d'une taxe sur les exploitants de plateformes de mise en relation en vue de fournir certaines prestations de transport
Afin de financer l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi (ARPE)[22], le texte instaure une taxe due par les plateformes proposant des services de mise en relation proposés en vue de fournir certaines prestations, comme le transport de passagers au moyen d'une voiture avec chauffeur ou une livraison de marchandises au moyen d'un véhicule à deux ou trois roues.
La taxe, dont le taux sera fixé par arrêté sans toutefois dépasser 0,5 %, sera calculée sur une assiette égale à la différence entre les sommes encaissées au cours d'une année par l'opérateur de plateforme et celles qu'il verse aux utilisateurs du service de mise en relation. La taxe sera due à raison des revenus encaissés dès 2021.
Transposition de la directive DAC 7
La loi assure la transposition en droit interne de la directive « DAC 7 »[23] instaurant, notamment, un nouveau dispositif harmonisé au niveau européen de déclaration et d'échange automatique entre Etats membres des informations relatives aux revenus générés grâce aux plateformes en ligne. Le dispositif existant en droit interne, issu de la loi de finances rectificative pour 2016[24] et refondu en 2018[25], est, en conséquence, adapté à compter du 1er janvier 2023.
A l'occasion de cette transposition, la loi vient également renforcer les règles relatives à la coopération administrative internationale en prévoyant, notamment, la possibilité de réaliser des contrôles conjoints à compter du 1er janvier 2024.
Prorogation de l'expérimentation de l'extension du dispositif de rémunération des aviseurs fiscaux
L'expérimentation de l'extension du dispositif de rémunération des aviseurs fiscaux aux manquements passibles de certaines sanctions fiscales lorsque le montant des droits éludés est supérieur à 100 000 euros, issue de la loi de finances pour 2020[26], est prorogé de deux ans jusqu'au 31 décembre 2023.
Suppression de taxes à faible rendement
Le projet prévoit la suppression de plusieurs taxes dites à faible rendement :
- la tarification des déplacements effectués au moyen de véhicules terrestres à moteur (péage urbain) ;
- la taxe due par les entreprises de transport maritime de passagers en outre-mer ;
- la taxe sur les frais d'intervention occasionnés par l'usage d'une fréquence ou d'une installation radioélectrique, sans autorisation ou en dehors des conditions légales et réglementaires, ayant causé ou susceptible de causer le brouillage d'une fréquence régulièrement attribuée ;
- la redevance spécifique due par les titulaires de concessions de mines hydrocarbures dans la zone économique exclusive au large de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Suppression de niches fiscales
Le texte supprime plusieurs dépenses fiscales :
- l'exonération d'impôt sur les sociétés des bénéfices réalisés, au cours des 24 mois suivant leur création, par les sociétés créées entre le 1er juillet 2007 et le 31 décembre 2021 en vue de reprendre une entreprise ou des établissements industriels en difficulté, ainsi que les exonérations temporaires d'impôts locaux dont bénéficient ces entreprises ;
- l'exonération, sur agrément, des bénéfices réinvestis dans l'entreprise par les sociétés de recherche et d'exploitation minière dans les départements d'outre-mer ;
- l'exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés prévue pour les entreprises qui exercent une activité en zones franches urbaines (ZFU) et l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties des immeubles situés en ZFU et rattachés, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2014, à un établissement implanté en ZFU bénéficiant d'une exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE) ;
- la réduction d'impôt sur le revenu au titre des dépenses réalisées sur certains espaces naturels en vue du maintien et de la protection du patrimoine naturel ;
- l'exonération d'impôt sur le revenu des lots d'obligations et primes de remboursement attachées à des emprunts négociables émis avant le 1er janvier 1992 ;
- l'exonération d'impôt sur le revenu des intérêts des sommes inscrites sur un compte épargne d'assurance pour la forêt (CEAF) ouverts jusqu'au 31 décembre 2013 ;
- l'exonération de prélèvement libératoire sur les produits des emprunts contractés hors de France avant le 1er mars 2010.
[1] CE, 22 novembre 2019, n° 423698, SAEM de gestion du Port Vauban et CE, 9 septembre 2020, n° 434364, Sté Damolin Etrechy à propos de l'article 182 B ; CE, 11 mai 2021, n° 438135, UBS Asset Management Life Ltd à propos de l'article 119 bis, 2.
[2] Pour rappel, cette retenue à la source concerne, notamment, les redevances et les prestations de services rendues ou utilisées en France.
[3] Cette condition particulière prévue pour les bénéficiaires résidents de pays en dehors de l'UE ou de l'EEE est identique à celle prévue dans le cadre de la procédure de remboursement des retenues à la source supportées par des sociétés déficitaires (CGI, art. 235 quater) ou, en dernier lieu depuis la loi de finances rectificative pour 2021, pour obtenir la restitution de l'excédent du prélèvement de l'article 244 bis B du CGI.
[4] CGI, art. 235 quater
[5] Il s'agit notamment des peines de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer.
[6] CGI, art. 205 B, I, 8°, b
[7] Toutefois, l'administration retient d'ores et déjà cette interprétation du texte dans ses commentaires des dispositions anti-hybrides publiés le 15 décembre 2021 (BOI-IS-BASE-80-10, n° 110)
[8] Les contrats de collaboration concernés sont des contrats visant au portage commun, par une entreprise et un ou plusieurs organismes de recherche, de projets de recherche. Ils reposent sur un partage des risques et des résultats liés au projet et se distinguent de la sous-traitance classique en ce qu'ils établissent un partage des coûts mais ne donnent pas lieu à la facturation, par les organismes de recherche, d'une marge commerciale dès lors que les résultats mêmes du projet bénéficient à toutes les parties prenantes.
[9] Il s'agit des organismes visés dans la communication de la Commission européenne n° 2014/C 198/01 relative à l'encadrement des aides d'Etat à la recherche, au développement et à l'innovation.
[10] CGI, art. 244 quater B, II, k)
[11] CGI, art. 238 quindecies
[12] Auteurs ou compositeurs dont les œuvres éditées n'ont pas dépassé des seuils de vente et d'écoute qui seront définis par décret.
[13] Les dispositifs en cause sont ceux concernant les zones suivantes : zone de revitalisation rurale (ZRR), zones à finalité régionale (ZAFR), zone d'aide à l'investissement des petites et moyennes entreprises (ZAIPME), zone franche urbaine (ZFU), bassins d'emploi à redynamiser (BER), bassins urbains à dynamiser (BUD), zones de développement prioritaire (ZDP) et quartier prioritaire de la ville (QPV)
[14] CGI, art. 266, 1, a bis
[15] Cons. const., 26 mai 2021, n° 2021-908 QPC, Sté KF3 Plus
[16] CGI, art. 150-0 D ter
[17] CGI, art. 151 septies A. L'exonération s'applique aussi aux personnes exerçant dans le cadre d'une société de personnes relevant de l'article 8 du CGI.
[18] BOI-IR-LIQ-20-30-20, 20 juillet 2016, n° 310 et 330
[19] CE, 28 septembre 2016, n° 384465
[20] CGI, art. 92, 2, 1°
[21] CE, 26 avril 2018, n° 417809, 418030, 418031, 418032, 418033
[22] Ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d'exercice de cette représentation
[23] Directive (UE) 2021/514 du Conseil du 22 mars 2021
[24] Article 24 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016
[25] Article 10 de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude
[26] Article 175 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020