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Juridique
Déchets : la gestion des déblais des travaux de voirie incombe au maître d’ouvrage
Violaine du Pontavice, Clémence Du Rostu
Dans la décision du 29 juin 2020, mentionnée aux Tables Lebon (CE, n°425514, SA Orange France), le juge administratif s'est prononcé sur les modalités de gestion des déblais issus des travaux de voirie réalisés dans le cadre de l'établissement de réseaux de télécommunication, de la distribution d'électricité ou de gaz, ou encore du transport d'hydrocarbures et de produits chimiques déclarés d'utilité publique.
Dans le cas d'espèce, le juge était saisi de la contestation de dispositions d'un règlement de voirie adopté en application de l'article L. 141-14 du Code de la Voirie routière (CVR) par la Communauté urbaine de Lyon (devenue Métropole de Lyon depuis lors), le 25 juin 2012.
Pour mémoire, le règlement de voirie a notamment vocation à édicter les règles applicables aux travaux nécessaires à l'établissement et l'entretien des réseaux. Il fixe également les modalités d'exécution des travaux de remblaiement, de réfection provisoire et de réfection définitive qui s'appliquent aux personnes effectuant des travaux sur la voirie.
Or la Société Orange contestait le règlement de voirie adopté par la Communauté urbaine de Lyon sur deux points en particulier :
- d'une part, l'alinéa 2 de l'article 1.8.1 du règlement imposant aux personnes qui réalisent des fouilles générant de grandes quantités de déblais, de rechercher à réutiliser ces derniers sur le site et de conduire à cette fin une étude géotechnique à leurs frais ;
- d'autre part, l'alinéa 4 de l'article 1.8.1 du règlement indiquant que si, à l'occasion d'une fouille, un maître d'ouvrage découvre des sols pollués chimiquement ou biologiquement, il appartient à ce dernier de gérer les déblais issus de l'excavation du sol. Cette gestion impliquait dès lors, toujours selon l'article contesté, d'identifier la nature et le niveau de pollution des déblais en cause préalablement à leur traitement dans un centre de traitement agréé. Ces opérations étaient à la charge financière de l'intervenant.
S'agissant des premières dispositions contestées (article 1.8.1 alinéa 2), le Conseil d'Etat, suivant ainsi le juge d'appel, a rejeté les arguments de la requérante et estimé que les règles querellées relevaient effectivement du règlement de voirie. Il a ainsi d'abord précisé la portée de l'article en cause en indiquant que celui-ci ne créait pas d'obligation pour l'intervenant de réutiliser les matériaux sur le site et que l'étude géotechnique sollicitée ne s'imposait que dans le cas où une réutilisation était envisagée. Il fonde son interprétation sur l'article 2.1.4 de l'annexe 2 du règlement qui évoque la simple « possibilité » pour l'intervenant d'utiliser tout ou partie des déblais extraits en partie inférieurs des remblais. Il a par ailleurs estimé que les règles édictées pouvaient figurer dans le règlement de voirie, dans la mesure où elles permettaient la conservation du domaine public routier en garantissant un usage de celui-ci conforme à sa destination.
S'agissant de la contestation des dispositions de l'article 1.8.1 alinéa 4 du règlement, le juge a également écarté les arguments développés par la requérante. A l'occasion de l'examen de la légalité de ces dispositions, le juge a précisé le régime applicable aux déblais issus des travaux de voirie. En effet, en se fondant sur l'article L. 541-1-1 du Code de l'environnement, qui définit la notion de déchets, le juge a estimé que « les déblais résultant de travaux réalisés sur la voie publique constituent des déchets au sens des dispositions précitées et les intervenants sous la maîtrise d'ouvrage desquels ces travaux sont réalisés doivent être regardés comme les producteurs de ces déchets. La circonstance que la voie publique comporte, indépendamment de la réalisation de travaux, des fibres d'amiante ne saurait faire obstacle à l'application de ces dispositions ». Il exclut ainsi, d'abord, l'argument de la requérante qui visait à appliquer à ces déblais le régime des sites et sols pollués, et reconnaît à cette dernière la qualité de producteur de déchets dès lors qu'elle a réalisé ou fait réaliser des travaux pour son compte, sur la voirie de la Métropole, peu important que cette voirie puisse comporter de l'amiante avant la réalisation des travaux.
Le juge a encore réfuté l'argument selon lequel le fait de mettre à la charge de l'intervenant l'élimination des déblais constituerait une cession d'amiante entre la collectivité et ses intervenants. Il a par ailleurs estimé que les dispositions relatives à la gestion des déchets sont applicables dès lors que « pour se conformer à ses obligations légales, l'intervenant réalise un diagnostic environnemental préalablement aux opérations de fouilles sur la voirie - laquelle ne peut être regardée comme constituant, pour cet intervenant, un sol non excavé au sens de l'article L. 541-4-1 précité du code de l'environnement - dans la mesure où ce diagnostic est réalisé pour les besoins de ses travaux générant des déchets ».
Enfin, il convient de relever que le juge reconnaît expressément, par cette décision, aux EPCI, le pouvoir d'édicter, via le règlement de voirie, des règles portant sur la gestion des déchets sans que cela n'empiète sur les pouvoirs de police conférés au maire dans ce domaine.
Pour finir, et en complément des enseignements tirés de cet arrêt, il semble intéressant d'évoquer ici les nouvelles dispositions issues de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (loi n°2020-105 du 10 février 2020). En effet, cette nouvelle loi impose aux producteurs de terres excavées, que celles-ci aient ou non la qualité de déchets, une obligation de traçabilité qui semble dès lors devoir également s'imposer aux personnes réalisant des travaux sur la voirie générant des déblais (art L. 541-7 du Code de l'environnement).
Cet article a été publié dans la lettre Lamy de l’environnement n° 628 du 24 juillet 2020.