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Juridique

La ratification de l’ordonnance portant réforme du droit des contrats : quels impacts en droit des sociétés ?*

21/11/2018

Christine Rocha

Malgré l'objectif d'accessibilité du droit, le paradoxe de l'ordonnance du 10 février 2016#1 portant réforme du droit des contrats est d'avoir suscité de nouvelles interrogations qui n'ont pas manqué d'alimenter les débats. La loi du 20 avril 2018#2 ne se contente donc pas de ratifier cette ordonnance, elle corrige les imperfections relevées : au total, 21 articles du code civil ont été amendés.

Ainsi, en est-il de l'article 1145, alinéa 2 relatif à la définition de la capacité des personnes morales et de l'article 1161 relatif à l'interdiction de double représentation qui soulevaient de nombreuses problématiques au regard de leurs impacts sur les sociétés.

En outre, c'est dans le cadre de la loi de ratification que les parlementaires ont pensé à exclure l'application de la théorie de l'imprévision aux opérations sur les titres financiers et les contrats financiers, en introduisant l'article L.211-40-1 dans le code monétaire et financier.

Capacité des personnes morales : un retour aux sources

Les rédacteurs de l'ordonnance avaient souhaité innover en introduisant la capacité des personnes morales à l'article 1145, alinéa 2, du code civil : « La capacité des personnes morales est limitée aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, dans le respect des règles applicables à chacune d'entre elles. ».

Le contenu de cette disposition était pour le moins énigmatique : que recouvrait l'exigence d'actes utiles à la réalisation de l'objet social ? S'agissait-il uniquement d'apprécier le respect de l'objet social conformément au principe de spécialité statutaire ? Ou plus ?

L'incapacité de contracter étant une cause de nullité relative#3, cette disposition était bien évidemment source d'insécurité juridique.

Le législateur a, en conséquence, revu cette disposition : la capacité des personnes morales est désormais limitée par les « règles applicables à chacune d'entre elles ».

S'agissant des sociétés, la capacité restera appréciée au regard de leur objet social étant rappelé que les sociétés par actions et SARL sont en principe engagées, vis-à-vis des tiers, même par les actes des mandataires sociaux qui ne relèvent pas de l'objet social#4.

Interdiction de la double représentation : la fin de la polémique

L'ordonnance du 10 février 2016 a introduit dans le code civil un régime général de représentation applicable quelle que soit sa source (conventionnelle, légale ou judiciaire)#5.

Plus particulièrement, l'article 1161 du code civil encadre les situations de conflits d'intérêts. L'objectif poursuivi par le législateur étant de protéger le représenté, cette disposition interdit tant le contrat conclu avec soi-même (le représentant contracte pour son propre compte avec le représenté) que la double représentation (le représentant agit pour le compte de plusieurs parties au contrat). La sanction applicable en cas de manquement est la nullité de l'acte#6.

La question s'est donc posée de savoir si ce principe d'interdiction s'appliquait lorsque plusieurs sociétés représentées par un même dirigeant social étaient parties à un même contrat : situation pour le moins courante au sein des groupes !

Pouvait-on notamment considérer, en application désormais de l'article 1105 du code civil, que les règles spéciales du code de commerce sur les conventions réglementées permettaient de déroger aux règles de droit commun prévues par l'article 1161 ?

En effet, le droit des sociétés régit déjà les conflits d'intérêts dans le cadre des conventions réglementées. A titre d'exemple, les conventions conclues entre sociétés ayant un dirigeant commun peuvent, en fonction de la forme sociale des sociétés concernées, être soumises à une procédure de contrôle.

Etait-il, en outre, nécessaire pour les conventions « hors champ » d'obtenir une autorisation ou une ratification conformément aux dispositions de l'article 1161 du code civil ?

En effet, certaines formes de sociétés (par exemple, les SNC) ne sont assujetties à aucune procédure de contrôle des conventions règlementées.

Par ailleurs, même lorsqu'une société est soumise au régime des conventions réglementées, certaines conventions n'entrent pas dans le champ de la procédure. Il s'agit, par exemple, des conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales dites « libres » qui auraient paradoxalement pu être interdites au regard des règles de l'article 1161 du code civil.

Les incertitudes ont, finalement, été levées par la nouvelle rédaction de l'article 1161 du code civil : le champ de cet article est désormais circonscrit à la seule représentation des personnes physiques. Autrement dit, l'interdiction qui est prévue à cette disposition ne s'applique pas à la représentation des personnes morales. On relèvera, par ailleurs, que le champ de l'interdiction est doublement limité dans la mesure où la double représentation n'est prohibée qu'en cas de représentation de personnes physiques en opposition d'intérêts.

Théorie de l'imprévision : l'exclusion des contrats sur titres financiers

L'ordonnance du 10 février 2016 a également introduit dans le code civil la théorie de l'imprévision. Ainsi, l'article 1195 du code civil précise qu'en cas de changement de circonstances imprévisible rendant l'exécution du contrat excessivement onéreuse, la partie qui en subit les conséquences peut demander une renégociation du contrat. En cas d'échec ou de refus de la renégociation, une procédure spécifique est prévue : en dernier lieu, un juge pourrait être amené à réviser le contrat ou y mettre fin à la demande d'une partie.

Dans le cadre de la loi de ratification, les parlementaires ont exclu l'application de cet article#7 aux opérations portant sur les instruments financiers définis à l'article L.221-1 du code monétaire et financier. Sont ainsi notamment concernés les contrats financiers et les opérations sur titres de capital des sociétés par actions.

Cette exclusion, pour légitime qu'elle soit sur les contrats financiers, entraîne un traitement différencié s'agissant des cessions de droits sociaux puisqu'elle trouvera à s'appliquer selon que les cessions porteront ou non sur des actions.

Entrée en vigueur des nouvelles dispositions

La loi de ratification est entrée en vigueur le 1er octobre 2018#8.

Pour autant, les modifications de certaines dispositions (énumérées par la loi) sont purement interprétatives et s'appliquent aux contrats conclus depuis le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016.

En revanche, la nouvelle rédaction qui résulte des autres dispositions modifiées n'est applicable qu'aux actes juridiques conclus depuis ce 1er octobre 2018. Il en est ainsi des dispositifs évoqués ci-avant. La version antérieure de l'article 1161 du code civil demeure donc applicable aux contrats conclus entre le 1er octobre 2016 et le 30 septembre 2018. Il est, à cet égard, regrettable que le législateur n'ait pas considéré la nouvelle rédaction de l'article 1161 comme interprétative alors même que « selon le Gouvernement, l'article 1161 a d'abord été conçu pour la protection des personnes physiques, mais ne visait pas à remettre en cause les pratiques des sociétés »#9!

* Cet article a été publié dans Option Droit & Affaires le 24 octobre 2018.

[1] Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations

[2] Loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations

[3] Article 1147 du code civil

[4] Articles L.223-18 (gérant de SARL), L.225-35 (conseil d'administration de SA), L.225-56 (directeur général de SA), L.225-64 (directoire de SA), L.226-7 (gérant de SCA) et L.227-6 (président de SAS) : dans les rapports avec les tiers, ces sociétés sont engagées même par les actes de leurs dirigeants qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins de prouver que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve

[5] Articles 1153 à 1161 du code civil

[6] Toutefois, la nullité n'est pas encourue si (i) la loi autorise un tel acte ou (ii) si le représenté l'a autorisé ou ratifié

[7] Article L.211-40-1 nouveau du code monétaire et financier

[8] Article 16 de la loi du 20 avril 2018

[9] Rapport de la Commission des lois sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, enregistré le 11 octobre 2017

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