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Fiscalité des entreprises

La mise en œuvre d’un tax reporting, entre contrainte et aubaine pour la fonction fiscale

15/01/2020

Brigitte Auberton, Jérémy Cosma

Dans un contexte de digitalisation et de renforcement des procédures d'échanges d'informations avec et entre les administrations, la fonction fiscale est aujourd'hui au cœur de profondes mutations. De plus en plus interconnectée avec la comptabilité et la finance, les directions fiscales des entreprises multinationales sont amenées à dépasser leurs rôles traditionnels. Par ailleurs, les entreprises, particulièrement en B2C, sont exposées à de nouvelles sources de risques, notamment réputationnels.

Ce contexte leur impose d'être en mesure d'assurer une collecte exhaustive et qualitative de leurs données fiscales, non seulement des données quantitatives sur l'ensemble des impôts dont un groupe est redevable et s'acquitte, mais également sur son contrôle interne fiscal. En résumé, l'entreprise doit désormais :

- Analyser les données fiscales ;

- Connaître et mesurer les risques fiscaux en amont ;

- Surveiller et maîtriser sa communication fiscale.

La maîtrise de la donnée fiscale répond en outre à un enjeu réglementaire. Cette tendance s'illustre notamment avec l'adoption de l'interprétation IFRIC 23 et l'entrée en vigueur prochaine de la directive UE 2018/822 du 25 mai 2018 dite « DAC 6 » imposant l'identification et la déclaration d'un certain nombre de transactions transfrontalières porteuses de certains « marqueurs » fiscaux.

Par ailleurs, l'évolution à venir des rapports avec l'administration fiscale sous l'influence de la loi contre la fraude du 23 octobre 2018 devrait également conduire à de nouvelles pratiques, visant d'une part à se prémunir contre un risque pénal accru avec la réforme du « verrou de Bercy » mais aussi à se mettre en mesure d'entrer dans une relation de confiance avec l'administration.

En effet, la mise en œuvre du service dédié à cette relation de confiance, créé au sein de la Direction des grandes entreprises, le Service partenaire des entreprises (SPE), va exiger des contreparties réciproques. Seront ainsi attendus, de la part de l'entreprise, une certaine transparence, un accès à la documentation de l'organisation et des modalités de contrôle internes et plus généralement que celle-ci fournisse spontanément à l'administration des informations sur les problématiques fiscales qu'elle rencontre et les événements majeurs l'affectant.

Ce nouveau contexte de transparence ne fait que renforcer l'impératif de mise en place ou d'amélioration du reporting fiscal existant au sein des groupes. Malgré l'apparente problématique que cela pose aux directions fiscales, ces évolutions se doivent d'être vécues positivement, dans la mesure où elles leurs offrent de nombreuses opportunités pour améliorer leurs capacités de gouvernance fiscale.


De nouveaux impératifs pour le tax reporting dans un contexte de transparence accrue

Le constat désormais habituel du nouveau contexte fiscal dans lequel les entreprises évoluent impose de mettre en place des processus efficaces de collecte des données fiscales. Ces données, dont la quantité et la diversité s'accroît au fur et à mesure de l'introduction de nouveaux dispositifs législatifs, doivent également répondre à des exigences de cohérence et de qualité pour permettre des analyses utiles à la gouvernance fiscale.

- Une diversification permanente des attentes réglementaires

Sans pour autant dresser un inventaire des obligations récentes participant de cette tendance, on peut notamment évoquer la mise en œuvre du Country-by-Country reporting (CbCR), pour lequel de nombreux travaux ont dû être réalisés en 2016 au sein des groupes lors de la première campagne déclarative. De par sa nature, le CbCR a obligé les directions fiscales à travailler conjointement avec les départements consolidation dans la grande majorité des cas, lorsqu'il a été choisi de baser cette déclaration sur les comptes consolidés. Plus exceptionnellement, des groupes ont choisi de recourir à des données statutaires.

Cette tendance ne devrait que s'accentuer dans les prochaines années, sous l'impulsion de nouveaux dispositifs, qui ont pour point commun la nécessité de collecter des quantités importantes d'informations auprès des filiales.

Il en est ainsi de l'interprétation IFRIC 23 de la norme IAS 12 qui vise les « incertitudes relatives au traitement des impôts sur le résultat », et est applicable dans l'Union européenne à compter des exercices ouverts depuis le 1er janvier 2019.

Les positions fiscales incertaines que l'entreprise devra identifier sont définies de façon très large. Constitue une position incertaine en matière d'impôt sur le résultat un traitement fiscal dont la conformité à la loi telle que jugée par l'administration fiscale compétente n'est pas certain, susceptible d'avoir une incidence sur la comptabilisation par une entité d'un actif ou passif d'impôt exigible ou différé. L'entreprise doit apprécier l'existence et l'incidence du traitement fiscal incertain en partant d'une hypothèse d'omniscience de l'administration fiscale. Deux possibilités sont envisagées pour la comptabilisation de ces traitements incertains : selon les cas, il conviendra de retenir le montant le plus probable parmi différents résultats potentiels ou l'espérance mathématique, c'est-à-dire la somme des résultats possibles, pondérés par leur probabilité d'occurrence.

Un rapprochement peut être fait avec la norme FIN 48, applicable aux Etats-Unis depuis 2007, dont les finalités apparaissent similaires malgré des différences notables dans les méthodes de calcul. Les corrections dans les comptes du fait d'erreurs fiscales ont été nombreuses suite à l'adoption de cette norme. On peut donc anticiper un phénomène similaire en France et dans les autres pays d'implantation des groupes compte tenu de cette nouvelle modalité de divulgation des risques fiscaux.

Cette nouvelle ère de transparence répond également à un enjeu d'évolution d'une responsabilité sociétale des entreprises (RSE) désormais bien ancrée dans les esprits à une responsabilité civique et citoyenne des groupes. La fraude et l'évasion fiscale au sens large, de même que les schémas d'optimisation fiscale, font l'objet d'une attention de plus en plus soutenue de la part des administrations fiscales, de la justice et de la société civile (ONG, médias, grand public).

A ce titre, la loi du 23 octobre 2018 contre la fraude fiscale a introduit pour les sociétés cotées en France l'obligation d'insérer dans leur rapport de gestion, au sein de leur déclaration de performance extra-financière, des informations sur les effets de l'activité quant à la lutte contre l'évasion fiscale. La formulation pour le moins étrange de l'article L.225-102-1 du Code de commerce instaurant cette obligation interroge et ne présente aucun détail quant au contenu attendu de cette déclaration. Les groupes doivent donc arbitrer, sous le contrôle de l'organisme tiers indépendant certifiant cette déclaration, le degré d'information adéquat. L'analyse des documents de référence des sociétés du CAC 40 illustre une grande diversité de pratiques et de degré de détail donné dans le cadre de cette déclaration. En tout état de cause, satisfaire à cette obligation impose de disposer d'une certaine maitrise de la fiscalité de son groupe. A tout le moins, le directeur fiscal doit pouvoir affirmer qu'il a rempli son obligation de moyens en mettant en œuvre des processus de contrôle interne fiscal à l'égard de ses filiales, qu'il dispose des informations sur la réalisation et le résultat de ce contrôle, a une connaissance assez fine des implantations de son groupe, du niveau d'impôt payé et de son exposition à des pratiques pouvant être assimilées à de l'évasion ou de la fraude fiscale.

Cette obligation avait été anticipée par certains groupes, qui ont communiqué des éléments similaires sur leur politique fiscale, sous des formes diverses (notamment des codes de conduite, comme cela se fait dans d'autres sphères de la RSE).

- Pilotage des contrôles internes en matière fiscale

Les différentes obligations décrites imposent de renforcer la connaissance des contrôles internes existants en matière fiscale. La Direction générale des finances publiques a évoqué, dans le cadre des travaux sur la relation de confiance, une mutation à venir du contrôle fiscal qui pourrait « progressivement prendre des formes différentes : par exemple, se faire systématiquement sur des points ponctuels plutôt que sous forme de « vérification générale », voire évoluer vers un « contrôle des contrôles internes » ».

Dans un tel contexte, il est donc essentiel à la direction fiscale de recueillir les informations sur l'existence des contrôles, leurs conditions de déroulement, leur fréquence, l'existence de preuves de ces contrôles, de remonter les problèmes identifiés... quitte à travailler conjointement avec la direction du contrôle interne, ou à améliorer le cadre de contrôle interne défini par le groupe.

Les points de contrôle interne déterminés par l'Autorité des marchés financiers en 2010 constituent une première référence à partir de laquelle les groupes peuvent réfléchir à leur gouvernance fiscale, mais son caractère lacunaire en matière d'impôts et taxes invite à une réflexion plus profonde, qui peut notamment s'inspirer des travaux de l'OCDE de « Tax Control Framework ».

Si les autorités françaises avancent timidement sur ce sujet avec la « relation de confiance », d'autres pays ont une « culture » beaucoup plus développée en la matière. Ainsi, l'Australie a par exemple depuis plusieurs années publié des guides de « best practises », des méthodologies détaillées de revue du cadre de contrôle interne et de gouvernance fiscale et dispose également d'un cadre spécifique dit « Annual compliance arrangement » de relation spéciale entre l'administration fiscales et les grandes entreprises. Les Pays-Bas ont également développé des lignes directrices inspirées des travaux de l'OCDE et du référentiel de contrôle interne COSO depuis plus de 10 ans.

Cette connaissance des contrôles internes présente également un enjeu de suivi du travail des équipes locales, en permettant d'identifier en pratique des différences entres les contrôles annoncés et ceux existants, l'écart entre les risques déclarés par les filiales et ceux se réalisant dans le cadre de contrôles fiscaux.

- Une communication dont la cohérence doit être maitrisée

La diversité des obligations déclaratives et de transparence en France cohabite avec une quantité de dispositifs aux mêmes finalités dans de nombreux autres Etats.

Ainsi, au Royaume-Uni, une obligation de publication de la stratégie fiscale en vigueur depuis septembre 2016 pèse sur certains groupes. Cette publication doit indiquer l'approche du groupe dans la gestion des risques, son attitude envers la planification fiscale, le niveau de risque fiscal accepté par le groupe, l'approche suivie pour communiquer avec les autorités fiscales… Elle fait l'objet d'une publication sur le site internet de la société.

Par ailleurs, le Royaume-Uni a instauré depuis septembre 2017 un régime dit « Corporate criminal offense » (CCO) consistant en un délit de facilitation de fraude fiscale. Le champ d'application du dispositif CCO est très large : il vise non seulement les entreprises britanniques, mais également toute entreprise située dans une autre juridiction fiscale dès lors qu'elle a des liens avec le Royaume-Uni. Lorsqu'il est constaté que l'entreprise a omis de mettre en place des procédures « raisonnables » permettant d'éviter la facilitation de fraude fiscale, la responsabilité de l'entreprise peut être encourue. Ces procédures « raisonnables » devront viser toute personne agissant au nom ou pour le compte de l'entreprise et devront permettre d'éviter la facilitation de fraude fiscale au profit de tiers (exemple : clients, fournisseurs, salariés) : évaluation des risques, procédures de prévention, communication… Les sanctions sont d'ordre pénal avec une amende sans limitation de montant et la publication de la condamnation notamment.

On voit donc que le champ de ces obligations de divulgation peut être très facilement élargi par le législateur, afin d'être utilisées dans le cadre de politiques de responsabilité fiscale, civile ou pénale. En outre, ces dispositifs viennent fournir des informations supplémentaires aux administrations fiscales pour programmer leurs contrôles fiscaux, administrations dont les capacités en matière d'échange d'information ne cessent de s'améliorer. Il est donc essentiel que ces communications soient cohérentes entre elles, mais également cohérentes par rapport à la réalité des pratiques du groupe : en effet, dès 2019, le Royaume-Uni devrait utiliser ces informations pour attribuer une note d'exposition au risque fiscal qui servira dans la programmation des contrôles fiscaux.

L'incontournable adaptation des modalités de collecte et d'analyse des données fiscales

Les avancées technologiques permises par l'automatisation, la robotisation et l'expansion de la data visualisation permettent de traiter la masse des données fiscales plus rapidement, à un coût moindre et de façon plus intuitive.

Un outil souple de saisie, d'analyse et de restitution des données doit permettre de recueillir et d'extraire les données fiscales de manière efficace (en diminuant la part des tâches manuelles le plus possible) et en capitalisant sur l'existant. Il doit permettre également de mettre en place des contrôles pour fiabiliser les extractions (en effectuant des vérifications d'exhaustivité et de cohérence) et de définir et prioriser les analyses correspondant le mieux aux objectifs de sécurisation, d'information et communication recherchés par le groupe.

Fruit de notre expérience du tax reporting et de notre connaissance des besoins des directions fiscales, nous avons au sein d'EY Société d'Avocats développé une solution de collecte et de visualisation de l'information fiscale pour répondre à ces problématiques : EY TWEAT. Axé sur l'impôt courant, EY TWEAT permet, au niveau de chaque entité juridique d'un groupe, d'un pays ou d'une région, de suivre les montants d'impôts et taxes dus et payés selon des catégories adaptables, de vérifier la réalisation des contrôles internes déterminés en matière fiscale et d'en apprécier l'efficacité et la documentation. EY TWEAT aide la direction fiscale à effectuer un suivi précis et à jour des risques fiscaux potentiels ou réalisés et des contrôles fiscaux, ainsi que des provisions correspondantes tant dans les comptes statutaires que consolidés.

Les données collectées par TWEAT font l'objet de contrôles automatiques de cohérence et d'exhaustivité, et s'inscrivent dans un processus de workflow validé à un niveau intermédiaire par un reviewer (par exemple, le responsable fiscal d'une zone géographique d'un groupe, ou un chef comptable). Ce double niveau de vérification – automatique et humaine – garantit un degré élevé de fiabilité des données.

A l'issue de ce processus de collecte, la direction fiscale est en mesure de bénéficier de restitutions graphiques dynamiques sous forme de tableaux de bord variés et adaptables à ses besoins spécifiques : analyse de l'empreinte fiscale du groupe, suivi des risques et des contrôles fiscaux, revue du contrôle interne fiscal, suivi des dépôts déclaratifs, de l'utilisation des stocks de pertes fiscales, des crédits d'impôts utilisés et disponibles…

Chacun de ces tableaux de bord permet de faire des agrégations selon des filtres personnalisables (par division du groupe, par zone géographique, par pays…) ou de redescendre à la maille d'une entité juridique. Un suivi exercice par exercice est également rendu possible par l'utilisation des filtres. D'exercice en exercice, la base de données EY TWEAT s'incrémente, permettant des comparaisons entre les exercices.

Enfin, notre solution répond à des standards élevés de sécurité informatique et permet une gestion fine des droits utilisateurs.

Des opportunités pour repenser et renforcer la fonction fiscale

Pour la direction fiscale, le contexte actuel constitue un formidable levier pour renforcer sa supervision sur les activités du groupe et plus globalement son rôle aux yeux des autres interlocuteurs (direction financière, consolidation, comptables, comité d'audit…). La refonte des procédures de contrôles internes constitue un premier moyen d'action pour répondre aux nouvelles exigences légales et renforcer la position de la direction fiscale.

- Un constat : l'inégale implication de la direction fiscale dans les processus décisionnels

Selon une étude EY Société d'Avocats menée en 2014 auprès de 46 grandes sociétés françaises, la direction fiscale est représentée au comité d'audit dans une majorité de cas. C'est toutefois beaucoup plus rare pour le comité exécutif, et encore moins dans les conseils d'administration où l'intervention du directeur fiscal n'a été recensée que dans 4% des entreprises. Il est également fréquent que des questions fiscales soient abordées en dehors de la présence du directeur ou de la directrice fiscale. En effet, l'interposition du directeur financier est fréquente et les impôts sont le plus souvent abordés sous l'angle des comptes consolidés, notamment en fin d'exercice dans le cadre des échanges avec les commissaires aux comptes.

La connaissance des données fiscales constitue donc un levier stratégique pour la direction fiscale, qui, en accédant à de nouvelles informations avec plus de facilité, de façon plus exhaustive et qualitative, pourra faire valoir une maitrise particulière.

Le directeur fiscal pourra, grâce à ces données et ces analyses, disposer d'un rôle de plus en plus prédominant, puisque les informations chiffrées sont de plus en plus exigées afin de répondre notamment aux enjeux réputationnels et à la meilleure information des marchés. Sa représentation dans les différents comités devrait s'en trouver améliorée.

- Un moyen pour y parvenir : la transformation numérique au service de la gouvernance fiscale

Selon l'édition 2017 de l'Observatoire des directions fiscales, 71% des équipes fiscales estiment passer plus de temps qu'il y a 5 ans au respect de la conformité réglementaire et 64% ont dû s'atteler à des projets de transformation pour répondre aux nouvelles exigences. Face à ces évolutions, une réorganisation des équipes et de leur temps de travail s'est avérée nécessaire ces cinq dernières années. L'étude illustre toutefois une certaine réticence des directions fiscales à la digitalisation, dans la mesure où elles ont majoritairement agi sous la pression de normes réglementaires telles que le fichier des écritures comptables (FEC), la généralisation de la télétransmission ou encore le CbCR.

Au-delà des investissements rendus nécessaires par les exigences réglementaires, la digitalisation peut et doit en même temps être vécue comme une opportunité et constituer, in fine, un moyen pour faciliter l'accès du directeur fiscal aux différents comités décisionnels.

Cet article a été publié le 23 juillet 2019 sur le site Navis des Editions Francis Lefebvre